Archive pour la catégorie 'Promenade'

La chanson du dimanche

Dimanche 18 février 2007

Chaque dimanche, une chanson ou un morceau de musique qui appartient à une ou plusieurs de ces trois catégories :

qui me fait frissonner : discrètement mais immanquablement, parfois depuis plusieurs années.

qui m’(a) obsède(é) : ça ne dure toujours qu’une période, relativement courte, de quelques heures à quelques semaines, qui, parfois, peut se renouveller.

qui me rappelle… : quelques minutes de musique associées à quelques minutes ou plus de vie passée.

Dead bodies, Air
extrait de The virgin suicides / 2000

Le médecin du premier hôpital a constaté qu’Octave faisait une appendicite. Neuf heures plus tard, lorsque le chirurgien du second hôpital l’a opéré, il avait une péritonite aigüe.J’étais moins inquiet pour le secteur hospitalier que pour Octave mais je ne suis pas certain que ce dernier soit le plus mal en point.

Pour résoudre l’équation de l’inquiètude d’Eléonore, du fait qu’il est fortement déconseillé d’amener un bébé de six mois à l’hôpital (a fortiori celui où se trouvait Octave) et de mes lacunes sérieuses en matière de bébé (sans même parler de mon incapacité physiologique à allaiter), nous décidâmes que je me promènerai avec leur fille dans le quartier pendant qu’Eléonore irait voir Octave.

Après qu’Eléonore nous eût réuni la petite et moi par le savant pliage d’une écharpe immense, nous nous mîmes en route.

J’ai donc arpenté les rues de Paris, comme souvent, avec cette toute petite fille qui m’a fait la grâce d’être très sage et même de dormir un peu.

Alors que je la voyais toute emmitouflée et endormie je dois avouer avoir eu un petit instant d’angoisse et avoir vérifié une fois qu’elle respirait bien.

J’ai constaté que les gens, les femmes surtout, vous scrutent lorsque vous êtes un homme et que vous vous promenez seul avec un bébé, a fortiori quand il dort collé contre vous.

J’avais toujours eu le sentiment qu’Eléonore ne me faisait que vaguement confiance mais après qu’elle m’ait confié son bébé, je me dis que je devais me tromper.

Trois arrêts sur image :

J’ai surpris le reflet d’un avion qui grimpait tel un insecte sur la lunette arrière de la voiture qui me précédait.

A travers la devanture du bar sur la terrasse duquel je prenais le soleil, j’ai vu une jeune femme taper en mode écriture intuitive un email en idéogrammes.

Un papa explique à son fils que les trains circulent à gauche car ils ont été inventés par les anglais alors que les rames de métro circulent à droite car le métro est l’oeuvre des français.

Puis le temps a repris son cours et la semaine a filé à toute allure.

La Saint Valentin a surgi dans mon agenda comme une fête nationale étrangère.

Ah oui, c’est vrai, tiens. Il y a des amoureux aussi. Ils vivent où déjà, eux ?

Je suis allé boire un coup dans un bar avec un groupe de célibataires parmi lesquels je ne connaissais que ma collègue de bureau qui m’avait proposé de me joindre à eux.

Ma voisine m’a fait remarquer assez justement que, finalement, la Saint Valentin touche plus les célibataires que les couples.

La fille qui était en face de moi a essuyé un refus très sec par sms. Le soir de la Saint Valentin, c’est élégant.

Je lui avais pourtant dit qu’il me semblait qu’il valait mieux ne pas insister compte tenu de l’attitude de l’expéditeur qu’elle venait de me décrire.

Ce n’est pas plus simple pour les autres.

Je me réinstalle avec une aisance déconcertante dans une espèce de routine à laquelle je tentais d’échapper.

J’envisage donc un nouveau déménagement.

Je me suis retrouvé à passer mon samedi soir devant la télévision, parce que je n’avais pas envie de sortir, c’est vrai.

A quelque chose malheur est bon.

Je suis tombé sur une suite d’épisodes de Spin city suivis de Six feet under, qui sont deux séries qui me plaisent beaucoup.

Je comprends pourquoi je ne les vois jamais d’habitude !

En regardant le programme du cinéma, j’ai vu que Cria Cuervos de Carlos Saura était ressorti.

Je n’ai pas vu ce film mais je le connais à cause de sa chanson emblématique : Porque te vas interprétée par Jeanette dont c’est à ma connaissance le tube unique (un peu comme The days of Pearly Spencer de David McWilliams).

La deuxième partie du refrain est particulièrement évocatrice pour moi :

Junto a la estación lloraré igual que un niño
Porque te vas
Porque te vas

Elle décrit pourtant quelque chose de très simple qui pourrait peut-être même être qualifié de niais.

Comme lorsque j’écoute très souvent des chansons en anglais aux paroles pas toujours très fines ni originales (oui, j’avoue, j’ai toujours aimé Paul McCartney), je ne peux pas m’empêcher de me demander pourquoi je trouve la même phrase moins touchante en français qui est pourtant ma langue maternelle et la seule que je puisse prétendre maîtriser ?

La langue qui, quoique comprise, demeure étrangère habille d’un voile exotique et pudique l’expression d’émotions simples mais non pas moins fortes qui sont alors plus douces à accueillir.

Enfin, je me suis promené au Parc Montsouris samedi matin où j’ai découvert une installation artistique bien agréable de Christian Boltanski.

Sous une rangée de bancs de l’allée qui longe le boulevard Jourdan, au-dessus de la gare, il a installé des hauts-parleurs qui vous murmurent des confessions amoureuses enregistrées par des étudiants résidant à Paris dans leurs dix langues maternelles respectives… qui me sont toutes parfaitement étrangères.

Samedi

Lundi 1 septembre 2003

J’avais un entraînement de cinq heures sur table samedi matin, comme chaque samedi depuis le début du mois. Au bout d’une heure je ne suis déjà plus dedans. Les lignes du dossier glissent sous mes yeux sans que je les vois passer. L’heure tourne, je ne trouve pas de plan, je m’enlise et je décroche complètement. Je me fais la remarque que toutes les fois où je suis en amphi je me disperse alors que lorsque je suis en salle ça se passe bien. Cela révèlerait-il un sombre traumatisme hérité de mes années de fac ? (mes études n’ont pas toujours été drôles surtout au moment des partiels). Ou bien est-ce un problème purement physique ? En effet, je me trouvais dans un pseudo-amphi, c’est à dire que le sol était plat et qu’il n’y avait qu’à peine cent places mais les tables étaient d’une seule pièces par rangée et les strapontins inconfortables. La configuration était la même qu’à la fac : l’assise a été conçue pour des gens qui mesurent un mètre trente mais possèdent des bras démesurément longs par rapport à leur taille et pèsent 180 kilos . Il n’y a guère qu’avec cette morphologie que vous puissiez écrire sans adopter une position inconfortable. Sinon soit vous êtes assis au bord du siège et il est difficile de ne pas avoir mal au dos au bout de cinq heures, soit vous vous adossez mais il est alors impossible d’atteindre la table et vous écrivez sur vos genoux.

Je ressors de là au bout de quatre heures et demi car ça ne sert vraiment plus à rien de rester plus longtemps. Il est trop tard. La durée je la connais déjà bien. Je suis d’une humeur tranchante comme une lame de rasoir. Depuis le temps que je fais des trucs comme ça et que je m’entraîne sur cet exercice en particulier je ne devrais plus jamais me retrouver dans une situation d’échec pareille, pseudo-phobie inconsciente de l’amphi ou pas. Il faut que je marche. Je ne cède pas à l’envie de m’enfoncer totalement comme je ne cèderai pas à l’envie d’acheter un Totoro en peluche tout à l’heure, j’essaie de me rassurer. Je remonte la rue des Archives, bifurque dans la rue des Quatre fils puis file tout droit : rue de la Perle (place de Thorigny il y a ce magasin de bijoux fantaisie dont j’aime le contenu de la vitrine mais où je n’ai jamais rien acheté faute d’en avoir l’opportunité), rue du Parc Royal, rue Saint Gilles. Je traverse le boulevard Beaumarchais pour récupérer la rue du Chemin Vert que je remonte jusqu’au Père Lachaise. Je me laisse flâner boulevard de Ménilmontant le temps de manger un panini, puis je me glisse et me perds dans les petites rues du carré Chemin Vert/Ménilmontant/Charonne/voltaire. Non, c’est faux, je ne me perds pas. Il faut avoir un but pour se perdre. J’erre. Je ne connais pas trop ce quartier là. Ca me plaît. Je flâne. Je m’assois Square de la Roquette. Je téléphone à mon père. Je vais revenir dans ce coin là…

Episode de vacances III

Jeudi 28 août 2003

Je marche dans Marseille. C’est un jour de Mistral. On peut même dire une semaine de Mistral, il ne souffle jamais qu’une journée. Je déambule comme je le ferais à Paris, seulement ici je suis plus souvent surpris en m’engageant dans une rue que je ne connais pas. Qu’y-a-t’il là-bas ? Qu’est-ce que je vais trouver en allant par là ? Pourtant je me limite aux arrondissements du centre (Marseille est plus étendue que Paris en superficie).

L’architecture est plus abrupte, moins aguicheuse qu’à Paris. Pas de moulures, de corniches ou de fioritures pour séduire. Les façades sont lisses sans autre relief que les persiennes. Je crois qu’en plus j’ai une perception un peu déformée à force de passer mon temps dans les quartiers haussmaniens. Toutefois Marseille est moins bourgeoise que Paris ou qu’Aix sa voisine honnie ; querelles de clocher difficiles à appréhender pour les parisiens. Les rues sont plus sales et le Mistral soulève une poussière crasseuse dont je préfère ne pas savoir ce qui la compose. Les rues sont peu fréquentées pour un mois de juillet.

Je déjeune avec Flora. Ca ne paye pas de mine mais c’est bon. Nous discutons à bâtons rompus. Je lui raconte l’histoire d’Oscar qui m’avait légèrement troublée. Elle ne l’est pas du tout. Elle me confie quelques détails de sa vie. Elle me rappelle à sa manière qu’il ne faut jurer de rien. J’aime bien discuter avec Flora. Nous nous retrouvons sur beaucoup de points, nous partageons une certaine philosophie de la vie et en même temps nous avons des vies très différentes. Elle ne trouve pas ça surprenant. Je trouve ça intéressant. J’apprécie l’ouverture et le respect dont elle fait preuve face à la vie des autres.

Je remonte jusqu’au Parc du Pharo. Son entrée discrète mène à un promontoire qui offre une vue superbe sur la sortie du port, la Major, le Fort Saint-Jean et sur le golfe.

Et puis je marche jusqu’à ce que j’en ai assez et je reprends la voiture pour rentrer.

Il y a des travaux dans le quartier de la Gare Saint-Charles. Je suis les panneaux jaunes de déviation. L’itinéraire que l’on doit suivre pour quitter la ville et reprendre l’autoroute d’Aix est ubuesque. A tel point que j’en viens à me demander si je ne vais pas réaliser qu’en fait je suis entré dans une boucle infernale et que je tourne en rond.

J’ai eu le fantasme de vivre à Marseille mais je crois que mon imagination me jouait des tours. Paris est mon foyer (du moins jusqu’à présent). Je ne crois pas que l’on puisse épouser Marseille, ville portuaire, ville de transit, maîtresse à perpétuité parce qu’elle est faite comme ça.

Lorsque je décris mes ballades dans Paris cela n’a pas de sens pour les non-parisiens. J’en profite pour faire cette petite note à l’attention des marseillais qui voudraient se faire une idée de mes promenades : en partant de la Préfecture je suis descendu au Vieux Port par la rue Paradis, j’ai remonté la rue de Breteuil jusqu’à être assez haut pour repiquer sur la place Castellane où j’ai déjeuné avec Flora, ensuite je suis redescendu sur le Vieux Port en passant par la rue de Rome, j’ai longé le Vieux Port jusqu’au Parc du Pharo puis j’ai pris l’avenue Pasteur, l’avenue de la Corse, le boulevard de la Corderie et le Cours Pierre Puget pour retourner à la Préfecture. Ce qui rapporté à Marseille est bien peu.

Episode de vacances I

Mardi 12 août 2003

Eléonore semblait contrariée. Nous avons commencé à nous avancer. La soeur d’Octave devant, Octave et moi légèrement en retrait. Je sentais qu’il hésitait. J’ai rejoint sa soeur. Nous nous sommes assis sur le bord de la route. Les voitures passaient près. Il faisait frais. Nous avons décidé de passer le pont. Octave pourrait nous rattraper s’il changeait d’avis. Nous nous sommes retournés une fois puis nous avons marché droit jusqu’à la plage. Nous discutions sans discontinuer. Je l’écoutais plus que je ne parlais. J’ai réalisé que nous partagions certaines idées. Nous avons longé le bras de mer. La marée montait. Nous avons regardé les énormes blocs de roche qui composent la digue et quand elle a voulu que nous montions dessus pour continuer notre avancée droit vers la mer elle m’a plu. Je l’ai suivie. J’avais peur qu’elle glisse. Je restais derrière elle pour la rattraper. Il y avait du vent et de la bruine. Nous continuions à parler. L’eau montait et venait lécher nos semelles. Elle a perdu l’équilibre une seconde et j’ai tendu le bras. Nous avons continué d’avancer. Nous devions aller au bout de la digue. C’était une sorte de défi. Nous cherchions le meilleur itinéraire sur le dos humide des rochers. Nous nous sommes arrêtés avant l’extrêmité. Et si nous nous trouvions encerclés ? Je lui raconte que lorsque j’étais enfant cela m’est arrivé. Je ne savais alors pas nager. Un inconnu était venu me chercher. Elle me regarde et me suggère que nous rebroussions chemin. Je crois qu’elle regrette que nous ayions échoué alors j’acquiesce pour que nous n’échouions pas littéralement. J’aime le point d’honneur qu’elle a mis dans cet acte gratuit qui révèle tel un prisme la part d’enfance qui reste en chacun. Les adultes sont passés de l’autre côté du prisme qui ne leur révèle alors plus que la puérilité des actes inutiles, vidés de sens, comme des coquillages sur la grève dans lesquels ils n’entendent plus la mer mais l’écho de leur propre oreille. Nous convenons que ce n’est que partie remise. Nous sommes revenus avec la mer à nos trousses. Un dernier saut et nous avons touché le sable puis retrouvé Octave et Eléonore au bout de la plage.

Le soir elle proposa que nous allions nous promener sur la plage. Nous trouvâmes quatre paires de bottes. Il faisait nuit. J’inscrivis dans un coin de ma tête que la prochaine fois que j’allais à la mer il faudrait absolument que je m’équipe d’une paire de bottes en caoutchouc. Nous avons traversé la route et sommes descendu sur la plage. La plage est longue. La mer était basse. Je pataugeai dans l’eau. Nous avons marché vers les lumières de la ville au loin. Le néon bleu au dessus du bar du port était notre sémaphore. Elle m’a glissé dans le noir que nous pourrions bien aller jusqu’au port. Elle a ajouté que nous ne pouvions pas essuyer deux échecs le même journée, ce serait trop dur. Nous devions nous racheter pour avoir reculé sur la digue. Elle ne m’a pas vu sourire. Octave nous a vu venir. Il sait que c’est typiquement mon genre d’idées. Il n’avait peut-être pas imaginé que ce serait aussi celui de sa soeur. Eléonore trouvait que nous marchons trop vite. Elle a tenté de résister un peu à notre projet. Elle n’avait pas mis ses lentilles. Tout était flou. Il faisait nuit de toutes façons. Moi-même je ne voyais pas grand chose. Nous marchions d’un pas décidé. Cette fois nous irions au bout de notre chemin. Nous avons atteint non sans fierté le chenal. Nous nous sommes adossé aux brise-lames. Quelques minutes de repos avant de revenir sur nos pas. J’ai l’impression qu’il faisait encore plus noir. Il n’y avait plus loin sur notre gauche que les lampadaires de la rue. J’ai eu envie de retourner marcher dans l’eau. Je me suis éloigné d’eux d’un bon pas pour me maintenir à leur niveau. Je marche dans le noir. Je ne vois pas mes pieds. Je n’entends pas le ressac. J’avance. J’éprouve une sensation très étrange. J’avance dans le noir complet, j’aligne mes pas sans jamais rien rencontrer sinon parfois une flaque. De temps en temps je me retourne pour essayer de deviner leurs trois silhouettes. C’est le seul élément qui me permet de réaliser que je m’éloigne mais je ne rencontre pas la mer. Le temps semble dissous, je pourrais avancer ainsi pour l’éternité. J’ai les yeux grands ouverts mais je suis comme aveugle. J’avance pourtant sans précaution ni crainte.

Je n’ai pas atteint la mer. Le lendemain nous sommes rentrés à Paris avec Octave et nous les avons laissées toutes les deux là-bas pour quelques jours supplémentaires.

Riders on the storm

Mercredi 2 juillet 2003

Je m’angoisse au bureau, je m’ennuie au bureau. Jusqu’à ce que vienne l’heure de s’échapper. Je vais par les rues humides comme une rivière aux mille lits. Je me glisse, j’accélère, je m’immisce, je méandre. Je ne suis vêtu que de noir pour amadouer le ciel à moins que je ne porte le deuil mais de qui, de quoi ? Quoique je m’abrite sous un parapluie blanc parsemé d’étoiles. La pluie me taquine. Quelques gouttes pluis plus rien. Uneaverse puis rien que le vent.

Je monte dans un bus. Le chauffeur nous brutalise. Je n’aime pas ça. Il y a des chauffeurs doux, d’autres brutaux, question de personnalité sans doute. Un homme embrasse une femme partout. Elle ne s’imagine pas à quel point. Il est au téléphone mais je sais que c’est une femme : les hommes n’ont pas de clitoris. La femme entre nous me sourit d’un air entendu. Maintenant nous savons exactement quel genre de baskets veut dieu sait qui. Je me demande s’il n’y a que moi et peut-être la femme au sourire entendu qui trouvons ce genre d’étalage grossier. A ceux qui se gaussent de mon ton à ce sujet entendons-nous bien : d’une part le mot clitoris n’est pas plus grossier que le mot basket, ce sont les circonstances de son usage qui peuvent l’être, d’autre part vous lisez ces lignes de votre plein gré, vous ne les subissez pas.

Je descends du bus devant le Palais de justice. La journée est bouclée puisque c’est là que je l’ai commencée ce matin. J’arrive trop tard pour ce que je voulais faire. Le pont au Double est en travaux. Je me souviens de cette scène que j’avais surprise au petit matin il y a presqu’un an. Je me demande si je m’en souviendrais si je ne l’avais pas racontée ici. Je passe devant le “fameux” Shywawa , qui ne me demeure pas moins étranger, un peu par hasard. La FNAC du boulevard Saint Germain a quelque chose de changé. Le premier étage me réserve l’agréable surprise d’un grand rayon DVD aussi richement doté que bien présenté. En revanche la librairie du deuxième étage est plutôt décevante mais il existe bien plus de livres que de DVD.

Je remonte vers Compagnie dont je caresse la longue vitrine avec des yeux langoureux mais je n’y pénètre pas. Chez Pick-up il y a un beau fauteuil club. Quelques minutes plus tard je m’assois dans un fauteuil fatigué du MK2 Odéon.

J’ai beaucoup aimé retrouvé James Spader ainsi que découvrir la bouche très sensuelle de La secrétaire (Avertissement : si vous n’avez pas vu le film ne lisez pas la parenthèse suivante)(Je me demande si je ne marcherais pas pour les mêmes raisons qu’elle s’auto-mutile, avec moins de cicatrices, forcément). Un film à part un peu à la manière de Sexe, mensonges et vidéo, Dans la peau de John Malkovich ou Punch-drunk love. Quand je sors il ne fait même pas encore nuit. Je remonte vers Luxembourg.

Le barman a mis une compilation des Doors. C’est formidable comme il est agréable d’entendre des chansons que l’on a écouté cent fois, d’autant plus lorsque c’est ainsi par hasard. Ma table est quasiment posée sur le trottoir, je regarde les gens passer devant moi.

L’ambiance devient trop bruyante. Le bitume est sec. Riders on the storm s’achève. Je pars.

3 grues à l’horizon

Jeudi 26 juin 2003

S’échapper des boulevards, des avenues et des rues pour ne plus aller que par les passages, les villas et les allées. S’éloigner du bruit, de la chaleur et de la multitude pour rejoindre le calme, l’ombre et la fraîcheur. Derrière les églises, au fond des squares oubliés, dans les cours désertes attendre la nuit. Ne rien céder que le rêve aux après-midi langoureuses. Rêver au mois d’août pour qu’il devienne réalité et que Paris abandonné s’offre enfin à notre rencontre.

Le temps des jardins

Mercredi 11 juin 2003

Jeudi je traverse le jardin du Palais Royal parce que c’est plus agréable. On comprend que les Sages soient venus se nicher là, près des conseillers d’Etat : même dans le jardin l’ambiance est feutrée. Sur les balcons qui surplombent des dames et des messieurs très chics trinquent au soleil mais derrière les fenêtres des ombres s’agitent. Je longe le fourreau d’ombre des tilleuls en ignorant les terrasses de la galerie de Montepensier jusqu’aux colonnes de Buren. Des adolescents sont attroupés autour des plus grandes qui sont autant de totems.

Vendredi je traverse le jardin des Tuileries en sortant de l’exposition Magritte. Au coeur les ilôts de verdure qui bordent l’allée centrale j’aperçois tantôt des enfants qui jouent sous l’oeil bienveillant d’une grand-mère tantôt des amoureux enlacés comme des lianes qui font corps avec l’Eden. Je sors du côté de la passerelle Solférino et je longe le quai jusqu’au pont Neuf. La Seine coule paresseusement et sur les pavés chauds on rêve de plage. Le temps s’est embarqué sur la Seine et a ralenti à son rythme.

Lundi je suis dans le jardin du Luxembourg. Je bouquine à l’ombre des platanes de la fontaine Médicis. Acis et Galathée sont toujours aussi beaux et Polyphème, heureusement, toujours aussi figé. La minuscule terrasse du petit Suisse est bondée. Tant pis pour aujourd’hui. Le soir dans un petit restaurant de la rue du Pot de Fer nous nous croyons en vacances avec Calliope, Arthur, Yvan et Sèverine. Il y a beaucoup de touristes. Il fait chaud. Ils passent un jazz doux à la radio et durant une minute nous nous imaginons que la mer est au bout de la rue.

J’ai envie d’aller faire un tour au Parc Montsouris.

Constatations

Dimanche 1 juin 2003

Dans les rayons de la FNAC je regarde les DVD à pas cher. Ah mais ce film là je l’ai vu, celui-ci aussi, et puis celui-là… Tiens je ne m’en rappelais pas de celui-ci et ainsi de suite. Constatation : j’ai vu un paquet de navets au cinéma.

Vendredi, après une journée ennuyeuse au possible durant laquelle j’avais cherché en vain la réponse à une question qui attend donc sagement lundi matin pour me tourmenter de nouveau, je suis rentré à la maison pour me changer, prendre mes rollers et attendre que Calliope et Arthur viennent me chercher. Nous avions décidé de faire la randonnée du vendredi soir organisée par Pari-roller. Je ne vais pratiquement plus jamais à Paris en voiture et à chaque fois je me rappelle pourquoi : il est impossible de se garer. Il nous a fallu a peu près trois fois plus de temps pour nous garer que pour aller à Montparnasse… Constatation : Charles Bukowski avait raison : Aujourd’hui, on ne conduit plus, on passe son temps à essayer de se garer (et les parkings sont au-dessus de mes moyens). Pulp

Nous nous sommes installés sur la fameuse terrasse de Ritals et courts un peu connue du Weblog Wonderful World il me semble depuis une rencontre dans une faille du réel il y a quelques mois. La stratégie consistait à s’installer en fin d’après-midi pour l(es)’apéritif(s) et à se tanquer là pour dîner. Arthur a senti une goutte, puis Yvan, puis moi, puis les gouttes se sont multipliées et bientôt nous fûmes pris sous une violente averse ponctuée de coups de tonnerre et d’éclairs. Heureusement un store avait été déployé entre le ciel et nous. Toutefois la terrasse perdant grandement de son intérêt nous décidâmes de regagner des quartiers qui nous sont plus familiers. Aussitôt une table réservée ailleurs nous nous décidâmes à traverser le rideau de pluie pour regagner le métro. Nous n’avons pas su en chemin déterminer si oui ou non on était plus mouillé en courant qu’en marchant. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. En émergeant du métro au coeur du 13ème arrondissement nous découvrâmes qu’il n’y était pas tombé une goutte. Constatation : Le 20ème arrondissement est plus humide que le 13ème.

Au Palais

Lundi 21 avril 2003

Deux fois par semaine je me rends au Palais. Les gardes franchis je tourne à droite, passe sous la petite arche et accède à la cour du Mai. Je gravis les marches du grand escalier et pénètre, le plus souvent par la porte de gauche, dans la galerie marchande. En pénétrant ainsi dans le Palais ce que l’on ressent en premier c’est la fraîcheur que maintiennent les murs épais. Il fait presque toujours plus sombre qu’à l’extérieur aussi. J’entends les échos des pas perdus à droite. Je traverse la galerie à la transversale et m’engouffre dans le couloir qui mène à l’Ordre. Dans ce Palais immense on ne sait jamais trop combien de pièces et de couloirs s’enfilent derrière chaque porte. Je dépose mes plis, en prends d’autres et ressort aussitôt. J’aime quand je ne dois pas repasser la grande porte mais tourner à droite pour rejoindre la galerie de la Première Présidence. Elle est très longue et traverse le Palais presque de part en part. La pierre et le bois y sont omniprésents. Je ne peux pas croire que ce plafond pourtant si haut le soit encore assez pour contenir toutes les clameurs des siècles passés. Sa voûte doit être le fruit de cette érosion de cris, de pleurs, de murmures et de soupirs. Combien de pas ont poli ses dalles si lisses ? Combien de vies ont irrémédiablement changé de cours ici ? Combien d’espoirs ont été abandonnés sur ses bancs ? J’y croise toujours des gens qui cherchent leur chemin. Il règne pourtant un parfum de solennité dans l’atmosphère.

La galerie débouche sur le vestibule de Harlay, l’anti-chambre de la Cour d’Assises. Depuis la galerie de la Première Présidence on ne la voit pas, on ne voit que les portes à battants qui donnent sur l’extérieur et à travers les vitres desquelles s’étale la flaque verte des marronniers de la place Dauphine. Je suis toujours ému par cette image, cette tache verte au bout de la galerie. Tantôt je vais à la Bibliothèque tantôt je poursuis jusqu’aux battants que je pousse. Je ressors alors par l’autre côté du Palais. J’éprouve toujours une sensation étrange d’avoir ainsi traversé le Palais de justice.

6 grues à l’horizon

Jeudi 27 mars 2003

Le garçon qui erre avec nonchalance durant des heures la nuit dans Paris c’est moi. Qu’est-ce que je cherche dans les rues la nuit ? Le jour peut-être.

Je me dis que le boulevard des italiens est bien loin de la porte d’Italie.

Avenue de l’Opéra je rêve que l’allegro molto de la symphonie n°9 de Dvorak poussé à un volume frisant l’insoutenable emplit Paris avec obsession, n’épargne aucune oreille, même les mieux calfeutrées et recouvre tout comme une pluie de cendres après une éruption volcanique.

Je trouve que la pyramide du Louvre est bien là où elle est. Elle fait écho à l’obélisque. Pour bien faire il nous faudrait un sphinx à Neuilly.

J’imagine les nuits noires du Louvre royal il y a quelques siècles. Le claquement des sabots qui résonne, les flambeaux ici et là ; autant de taches dans la nuit.

Les voitures vont vite. Je traverse le quai prudemment. Cette semaine la femme qui faisait le ménage du bureau est morte. Elle a été renversée au petit matin par un camion, à deux pas du bureau. Quand j’étais petit les routes étaient très très dangereuses. Il fallait se tenir un peu en retrait du bord du trottoir, regarder attentivement à gauche, à droite, puis encore un petit coup rapide à gauche avant d’entamer la traversée de la chaussée qui pouvait se changer en Styx à tout moment. Quand j’étais petit on pouvait se faire renverser, on pouvait en mourir. C’était très grave de se faire renverser alors on faisait très attention.

Sous le pont des Arts un canard tourne en rond dans une flaque de lumière. Il attend le jour pour être libre.

Le Vert-Galant s’ébroue dans la nuit.

Place Dauphine la bourgeoisie discrète a investi les terrasses. Un chemineau a installé son bivouac sur un banc de pierre. Son installation me fait penser aux bateaux des marins qui traversent l’Atlantique en solitaire à la rame. Il traverse Paris en solitaire au pied de la caravane de Montand et Signoret. Et y’a ceux/ Ceux qui ont fait leur nid / Près du lit de la Seine / Et qui se lavent à midi / Tous les jours de la semaine / Dans la Seine

La longue remontée de Saint-Michel au Luxembourg à contre-courant des touristes et des étudiants en goguette est sans surprise. Une fois n’est pas coutume.

Le printemps s’est endormi à l’écart dans les jardins de l’observatoire d’avoir trop joué avec les enfants. Une fine couche de sable clair recouvre les voitures immobiles depuis trop longtemps le long des grilles sur lesquelles je découvre trois pulls oubliés…