La chanson du dimanche
Dimanche 18 février 2007Chaque dimanche, une chanson ou un morceau de musique qui appartient à une ou plusieurs de ces trois catégories :
qui me fait frissonner : discrètement mais immanquablement, parfois depuis plusieurs années.
qui m’(a) obsède(é) : ça ne dure toujours qu’une période, relativement courte, de quelques heures à quelques semaines, qui, parfois, peut se renouveller.
qui me rappelle… : quelques minutes de musique associées à quelques minutes ou plus de vie passée.
Dead bodies, Air
extrait de The virgin suicides / 2000
Le médecin du premier hôpital a constaté qu’Octave faisait une appendicite. Neuf heures plus tard, lorsque le chirurgien du second hôpital l’a opéré, il avait une péritonite aigüe.J’étais moins inquiet pour le secteur hospitalier que pour Octave mais je ne suis pas certain que ce dernier soit le plus mal en point.
Pour résoudre l’équation de l’inquiètude d’Eléonore, du fait qu’il est fortement déconseillé d’amener un bébé de six mois à l’hôpital (a fortiori celui où se trouvait Octave) et de mes lacunes sérieuses en matière de bébé (sans même parler de mon incapacité physiologique à allaiter), nous décidâmes que je me promènerai avec leur fille dans le quartier pendant qu’Eléonore irait voir Octave.
Après qu’Eléonore nous eût réuni la petite et moi par le savant pliage d’une écharpe immense, nous nous mîmes en route.
J’ai donc arpenté les rues de Paris, comme souvent, avec cette toute petite fille qui m’a fait la grâce d’être très sage et même de dormir un peu.
Alors que je la voyais toute emmitouflée et endormie je dois avouer avoir eu un petit instant d’angoisse et avoir vérifié une fois qu’elle respirait bien.
J’ai constaté que les gens, les femmes surtout, vous scrutent lorsque vous êtes un homme et que vous vous promenez seul avec un bébé, a fortiori quand il dort collé contre vous.
J’avais toujours eu le sentiment qu’Eléonore ne me faisait que vaguement confiance mais après qu’elle m’ait confié son bébé, je me dis que je devais me tromper.
Trois arrêts sur image :
J’ai surpris le reflet d’un avion qui grimpait tel un insecte sur la lunette arrière de la voiture qui me précédait.
A travers la devanture du bar sur la terrasse duquel je prenais le soleil, j’ai vu une jeune femme taper en mode écriture intuitive un email en idéogrammes.
Un papa explique à son fils que les trains circulent à gauche car ils ont été inventés par les anglais alors que les rames de métro circulent à droite car le métro est l’oeuvre des français.
Puis le temps a repris son cours et la semaine a filé à toute allure.
La Saint Valentin a surgi dans mon agenda comme une fête nationale étrangère.
Ah oui, c’est vrai, tiens. Il y a des amoureux aussi. Ils vivent où déjà, eux ?
Je suis allé boire un coup dans un bar avec un groupe de célibataires parmi lesquels je ne connaissais que ma collègue de bureau qui m’avait proposé de me joindre à eux.
Ma voisine m’a fait remarquer assez justement que, finalement, la Saint Valentin touche plus les célibataires que les couples.
La fille qui était en face de moi a essuyé un refus très sec par sms. Le soir de la Saint Valentin, c’est élégant.
Je lui avais pourtant dit qu’il me semblait qu’il valait mieux ne pas insister compte tenu de l’attitude de l’expéditeur qu’elle venait de me décrire.
Ce n’est pas plus simple pour les autres.
Je me réinstalle avec une aisance déconcertante dans une espèce de routine à laquelle je tentais d’échapper.
J’envisage donc un nouveau déménagement.
Je me suis retrouvé à passer mon samedi soir devant la télévision, parce que je n’avais pas envie de sortir, c’est vrai.
A quelque chose malheur est bon.
Je suis tombé sur une suite d’épisodes de Spin city suivis de Six feet under, qui sont deux séries qui me plaisent beaucoup.
Je comprends pourquoi je ne les vois jamais d’habitude !
En regardant le programme du cinéma, j’ai vu que Cria Cuervos de Carlos Saura était ressorti.
Je n’ai pas vu ce film mais je le connais à cause de sa chanson emblématique : Porque te vas interprétée par Jeanette dont c’est à ma connaissance le tube unique (un peu comme The days of Pearly Spencer de David McWilliams).
La deuxième partie du refrain est particulièrement évocatrice pour moi :
Junto a la estación lloraré igual que un niño
Porque te vas
Porque te vas
Elle décrit pourtant quelque chose de très simple qui pourrait peut-être même être qualifié de niais.
Comme lorsque j’écoute très souvent des chansons en anglais aux paroles pas toujours très fines ni originales (oui, j’avoue, j’ai toujours aimé Paul McCartney), je ne peux pas m’empêcher de me demander pourquoi je trouve la même phrase moins touchante en français qui est pourtant ma langue maternelle et la seule que je puisse prétendre maîtriser ?
La langue qui, quoique comprise, demeure étrangère habille d’un voile exotique et pudique l’expression d’émotions simples mais non pas moins fortes qui sont alors plus douces à accueillir.
Enfin, je me suis promené au Parc Montsouris samedi matin où j’ai découvert une installation artistique bien agréable de Christian Boltanski.
Sous une rangée de bancs de l’allée qui longe le boulevard Jourdan, au-dessus de la gare, il a installé des hauts-parleurs qui vous murmurent des confessions amoureuses enregistrées par des étudiants résidant à Paris dans leurs dix langues maternelles respectives… qui me sont toutes parfaitement étrangères.