You always know
Lundi 10 décembre 2007Hier, Maman, Jacques et Ange étaient assis sur le canapé.
En m’y asseyant ce soir en rentrant, j’ai senti l’odeur de maman.
Hier, Maman, Jacques et Ange étaient assis sur le canapé.
En m’y asseyant ce soir en rentrant, j’ai senti l’odeur de maman.
J’ignorais son adresse mais je savais dans quel quartier elle habitait.
C’est la proximité de ce quartier qui m’avait fait choisir le café où je lui avais donné rendez-vous.
Arrivé le premier, j’avais préféré l’attendre à l’extérieur pour qu’elle n’ait pas à me chercher dans la salle qui offrait plusieurs recoins.
Je lançais des oeillades à droite et à gauche comme si je m’apprêtais à traverser cette rue sans circulation en me demandant par quel côté elle allait arriver.
Comment un premier rendez-vous peut-il toujours être à la fois si ordinaire et si angoissant ?
Ce n’est d’ailleurs pas tant le rendez-vous en lui-même que son attente qui fait le terreau de l’angoisse.
Je l’ai vue apparaître à l’extrémité la plus proche de la rue.
Nous nous observâmes quelques secondes tandis qu’elle approchait.
Elle était élégante.
Je me demandais comment ellle jugeait ma mise de son oeil averti.
Je crois qu’elle avait chaussé ses plus hauts talons afin d’apprécier si elle me dépassait ainsi.
Il faisait encore doux et nous nous installâmes à une table entre les portes fenêtres ouvertes.
Je ne quittais ses yeux que par instant pour chercher un mot, au-dessus de sa tête.
J’empêchais ainsi mon regard de glisser vers l’écume de dentelle qui poignait au creux de son décolleté.
Je regardais ses doigts papillonner dans ses cheveux.
Elle me parla du Jardin des Plantes.
Je lui appris que l’on pouvait voir les petits pandas de la ménagerie depuis les allées du jardin.
Elle ne s’écarta pas lorsque nos genoux se rencontrèrent sous la table.
Nous nous quittâmes sans dîner car elle avait du travail.
Je crus, néanmoins, que je lui avais plu.
En écho à notre conversation, j’allais, peu après, me promener au Jardin des Plantes.
Ce jour-là, j’appris par le commentaire d’un guide derrière les grilles de la ménagerie que les pandas venaient d’avoir deux petits qui demeuraient alors à l’abri des regards.
Par la suite, j’ai revu les pandas, j’ai même vu leurs petits.
Seul.
Je m’étais trompé.
Je me souviens que avoir acheté et lu un roman d’Antonio Lobo Antunes uniquement pour ce titre.
Je ne me souviens de rien d’autre que de ce titre.
Qu’est-ce qui me fait choisir telle histoire plutôt que telle autre ?
En réalité, livres, films, disques ne sont qu’autant d’histoires. Ce sont les histoires que j’aime. J’ai été frappé par cette évidence lorsque cette dernière phrase m’a échappé il y a peu.
Qu’est-ce qui fait choisir telle histoire plutôt que telle autre ?
Qu’est-ce qui fait revenir à telle histoire plutôt qu’à telle autre ?
Je ne relis que très rarement les livres.
En ce moment, je relis Avec vue sur la mer de Didier Decoin.
Ce n’est pas un roman mais un récit.
Il raconte sa maison dans le Cotentin, près de la Hague. Bien sûr, il se raconte aussi à travers cette maison.
Je me souviens que je l’avais lu la première fois après être allé en vacances avec Octave et Eléonore dans cette région que je ne connaissais pas et qui ne me semblait, a priori, pas particulièrement attrayante.
J’avais emprunté le livre à ma mère.
Plus tard, j’en ai offert un exemplaire à Octave et Eléonore. (J’avais écrit : “je l’ai offert à Octave et Eléonore.” Puis j’ai modifié ma phrase qui me semblait prêter à confusion : avais-je offert l’exemplaire de ma mère ? Ce qui est impensable pour moi mais peut-être pas pour d’autre. Peut-être pas pour une de mes cavalières avec qui j’ai échangé quelques mots tout à l’heure. Non, je ne fais pas d’équitation. Elle a quelque chose qui m’attire, bien sûr. Bref, en reformulant j’écris donc dans l’éventualité d’une hypohètique lecture étrangère aujourd’hui, demain, plus tard. Avec, qui plus est, la volonté d’être compris ou l’espoir de ne pas être mal compris.)
Je suis retourné plusieurs fois là-bas depuis, toujours avec Octave et Eléonore.
C’est Eléonore qui a fait connaître cette région à Octave.
Ca m’a plu. Il fallait que j’explore. J’ai longé toute la côte d’Avranche jusqu’à Le Grand Vey.
J’adore les paysages mais entre tous la pointe de la Hague s’est fichée plus profondément dans mon coeur.
La Baie d’Ecalgrain. Goury.
Le lieu-dit La Roche où Didier Decoin est devenu amoureux de ce bout du monde est entre les deux.
C’est aussi ce qui m’avait conduit à aller voir le documentaire de Rémi Mauger, Paul dans sa vie qui se déroule a même endroit et qui m’avait beaucoup ému.
Je retournerai encore là-bas, même sans Octave et Eléonore je crois.
Ostende se trouve bien plus au Nord mais s’agit-il d’une autre côte ?
La pelote du fil de la côte se déroule, rassurante, en laissant croire qu’elle est infinie.
J’ai lu il y a peu un roman intitulé La plage d’Ostende écrite par Jacqueline Harpman.
Emilie Dequenne l’avait cité dans une interview donnée à Première.
Je reçois Première dans le cadre d’une offre liée à ma carte de cinéma illimitée.
J’ai une carte de cinéma illimitée car il y a avait une promotion sur les frais de dossiers pour Noël il y a bientôt deux ans qui m’avait convaincu.
J’avais cédé à la tentation car j’aime aller au cinéma.
J’aime aller au cinéma car j’aime les histoires.
Je ne suis pas particulièrement fan d’Emilie Dequenne mais la courte description de ce roman dont je ne connaissais pas l’auteur m’a incité à me renseigner.
J’ai dû passer dans trois fnac pour réussir à trouver un exemplaire du roman.
Je suis tenace.
Je n’ai pas été déçu, l’histoire était captivante et forte.
J’ai aussi cherché pourquoi Jacqueline Harpman n’avait rien publié pendant vingt ans.
Je ne suis pourtant pas sûr de lire un autre de ses romans, du moins dans l’immédiat.
Mon regard se perd déjà vers d’autres horizons que je lis et qui se relient en moi.
Je ne vais probablement bientôt plus recevoir Première car je viens de résilier ma carte.
La question intéressante est de savoir pourquoi j’aime les histoires.
Chaque dimanche, une chanson ou un morceau de musique qui appartient à une ou plusieurs de ces trois catégories :
qui me fait frissonner : discrètement mais immanquablement, parfois depuis plusieurs années.
qui m’(a) obsède(é) : ça ne dure toujours qu’une période, relativement courte, de quelques heures à quelques semaines, qui, parfois, peut se renouveller.
qui me rappelle… : quelques minutes de musique associées à quelques minutes ou plus de vie passée.
1ère Gymnopédie - Lent et douloureux, composée par Erik Satie (1888)
interprétée par Aldo Ciccolini
La semaine dernière on me faisait l’observation suivante : tu dois déjà en être conscient (tu l’aurais pas fait exprès, d’ailleurs ?), mais c’est vraiment frustrant de ne pas savoir à quelle-s catégorie-s appartient le morceau du jour !A l’origine, j’avais pensé ne proposer des morceaux que la première catégorie.
Puis j’ai trouvé que c’était à la fois trop intime (ça ne m’apparaît pas évident en l’écrivant mais c’est ce que j’ai ressenti) et trop restrictif. J’ai voulu aussi raconté une petite histoire à chaque fois.
Mais en ce moment j’ai beaucoup de travail et j’ai la flemme.
Dans ces circonstances, j’ai finalement adjoint les deux autres catégories.
Avec cet ajout il me fallait classer le morceau proposé sauf à refuser de faire ce choix.
D’une part, parce que j’étais ennuyé de devoir le faire. D’une certaine manière, cela me faisait perdre l’intérêt des catégories supplémentaires.
D’autre part, parce qu’il me semblait que la plupart des morceaux entreraient dans au moins deux des catégories.
Je connais la 1ère Gymnopédie d’Erik Satie depuis que je suis enfant, peut-être même avant la naissance de Calliope.
C’est un des morceaux que mon père répétait lorsqu’il a pris des cours de piano.
C’est sans doute cet écho lointain qui fait que c’est un de mes préférés.
Je suis déjà passé aux adresses auxquelles Erik Satie a vécu à Arcueil et à Montmartre mais pas à celle d’Honfleur.
C’est donc un morceau qui me fait frissoner et qui me rappelle.