Dimanche 26 février 2006
Ma mère me dit que le Roi Arthur de la série Kaamelott lui fait penser à moi.
La reine me plaît bien… où est mon trône ?
Ma mère me dit que le Roi Arthur de la série Kaamelott lui fait penser à moi.
La reine me plaît bien… où est mon trône ?
J’ai déménagé depuis quatre mois déjà.
J’ai l’impression d’avoir quitté l’appartement précédent depuis bien plus longtemps, peut-être même de ne jamais y avoir vécu.
A l’occasion de ce déménagement j’ai observé de nouveau que les pièces semblent plus petites vides que meublées. Je ne m’explique pas ce paradoxe. A moins que ce ne soit l’oppression du vide.
La question ne se pose plus, j’ai installé mes meubles, mon lit en particulier dont j’avais été contraint de me passer, à mon grand regret, dans l’appartement précédent.
C’est dans ces circonstances que j’ai décidé de m’offrir une nouvelle table de nuit pour remplacer celle que j’avais depuis l’âge de sept ans à peu près.
Je n’ai pas pu me résoudre à en acheter une seule. Ce n’est pas tant l’idée d’une table de nuit orpheline que celle de voir le lit ainsi paré d’un seul côté qui m’a semblé trop déprimante.
Que ce lit soit à moitié vide, passe encore, d’autant plus que j’ai tendance à dormir au milieu, mais ne mettre de table de nuit que d’un côté ça aurait été comme de fermer l’autre.
J’ai donc une table de nuit que je n’utilise pas, sur laquelle j’ai posé une lampe de chevet qui ne me sert guère plus. Il y a même une descente de lit.
Peut-être que quelqu’un souhaitera les utiliser un jour. Ca reste accueillant, on ne sait jamais.
Je devine là un fond de superstition.
Toutefois, il en des places de spectacles, surtout de concerts en fait, comme des tables de nuit.
Se je n’ai pas déjà prévu d’assister à un spectacle avec d’autres personnes, je ne parviens jamais à me résoudre à acheter une seule place. J’en prends systématiquement deux. Dans cette hypothèse, néanmoins, je cherche avec plus d’ardeur que pour la table de nuit quelqu’un qui veuille m’accompagner.
C’est plus facile aussi.
L’idéal serait de trouver une même personne qui soit intéressée à la fois par la place de concert et par la table de nuit.
Je déteste manger seul au restaurant.
Je ne peux pas partir seul en vacances.
Finalement ça en fait des choses pour lesquelles j’ai besoin d’être accompagné.
Mais j’ai également un besoin irrépressible de solitude.
Je ne suis malheureusement pas toujours très habile pour concilier ces mouvements contraires…
D’une manière générale je n’aime pas écrire sur les trucs qui me gonflent parce que franchement c’est déjà assez de se prendre le chou une fois sans en plus revenir dessus et se creuser la tête pour coucher son agacement ou sa frustration sur le papier.
Mais parfois ça fait du bien.
Il y a moment que je pense à cracher mon venin par écrit.
D’autant plus que ce à quoi je pense arrive régulièrement.
Je prends les transports en commun en région parisienne tous les jours depuis une quinzaine d’années.
Dans les transports, en particulier dans le métro ou le RER, il existe une typologie des voyageurs qui se répartissent entre un certain nombre de groupes et de sous groupes.
Je ne vais pas me lancer ici dans une description détaillée de cette espèce dont je fais partie mais uniquement m’attacher à stigmatiser (faute de pouvoir purement et simplement les crucifier) les specimens dont le comportement m’atterre, m’agace ou m’exaspère au risque de troubler le calme olympien dont le maintien me coûte des trésors d’énergie.
J’ai envie de claquer les gens :
- qui ne comprennent pas qu’il est impossible de sortir de la rame (et donc de leur faire de la place pour qu’ils montent à leur tour) s’ils s’agglutinent devant les portes avant même que celles-ci soient ouvertes,
- qui bousculent tout le monde à mi-chemin entre deux stations pour se préparer à descendre comme si on allait les en empêcher (alors que tout le monde n’espère qu’une seule chose : qu’un maximum de personne descende à la prochaine station),
- dans le même ordre d’idées, qui jouent des coudes plutôt que de demander poliment aux gens de se déplacer pour leur permettre de descendre,
- qui conservent leurs sacs (de préférence volumineux) sur le dos ou à l’épaule pour mieux vous le coller dans la figure (oui je ne suis pas spécialement grand et alors ?) dans une rame pleine à craquer,
- qui, aux heures de pointe, tentent coûte que coûte de garder un large espace vide devant eux pour pouvoir lire leur journal déplié grand comme un parachute,
- qui ne prennent pas dans leurs bras des enfants de trois ans qui se retrouvent perdus dans une forêt de jambes dont les propriétaires ne les ont pas forcément vus,
- qui lisent des ouvrages si passionnants qu’ils en ignorent les femmes enceintes qui restent debout,
- qui manquent de vous éborgner parce qu’ils ont ressenti le besoin impérieux de se cramponner à quelque chose alors qu’ils tiendraient en place sans bouger d’un pouce si le train se retournait tellement nous sommes serrés,
- qui prennent l’air excédé parce qu’il y a du monde comme si eux seuls étaient contraints de supporter cette foule,
- qui ignorent manifestement l’usage consistant à se laver quotidiennement alors qu’ils en ont non moins manifestement les moyens matériels,
- qui restent juste devant les portes ouvertes de la rame mais qui ne souhaitent pas monter parce que le train ne va pas où ils veulent.
Ite missa est pour le moment (j’en oublie sans doute).
Ceux qui gardent leur sac auront deux claques.
Mon père me fait part de sa perplexité ayant appris que Mozart le compositeur est mort un 5 décembre comme notre chat que nous avions baptisé du même nom.
Je lui fais part de mon scepticisme sur l’éventualité d’une quelconque relation autre qu’une pure coïncidence.
Quand le chat est mort je n’ai pas pensé une seule seconde au compositeur dont j’ignorais en tout état de cause la date du décès.
J’ai pensé à mon grand-père.
Le chat est mort comme lui, un vendredi matin, assis sur un siège, rapidement et probablement sans souffrir. Les deux fois mon père m’a téléphoné au bureau juste après pour me prévenir.
La tristesse ne m’empêche pas de penser que c’est une belle mort, une fin enviable dans la mesure ou la fin peut l’être.
Je me souviens très bien du 5 décembre 2003.
J’y repense régulièrement.
Il n’était pas dix heures quand j’ai appris que le chat était mort. Mon père m’a semblé beaucoup plus mal qu’onze ans plus tôt quand il m’avait appelé pour mon grand-père qui n’était, c’est vrai, que son beau-père et avec qui il ne vivait pas.
A l’époque, quand il m’a annoncé qu’il avait une mauvaise nouvelle, j’avais d’abord pensé au chat, puis à ses parents avant qu’il ne me désigne mon grand-père.
Je réalise que je n’ai pas pu imaginer qu’il puisse s’agir de Calliope.
Quant à ma mère, elle se trouvait quelques étages au-dessus de moi, je supposais plus ou moins consciemment qu’il ne pouvait rien lui arriver là où il ne m’arrivait rien.
Le vendredi 5 décembre 2003, après le travail, je devais prendre le train pour rejoindre Lili.
Le chat était mort, il n’y avait plus rien à faire.
Je suis parti comme prévu. Ce jour là Lili est venu me chercher à la grande gare.
J’avais broyé du noir toute la journée et le trajet en train n’avait fait qu’empirer les choses car j’avais plus le travail pour détourner mon attention.
Je ne lui ai rien dit lorsque nous nous sommes retrouvés.
Nous avons rejoint la voiture et nous nous sommes mis en route.
Au bout de quelques minutes, elle m’a dit qu’elle sentait que quelque chose n’allait pas. Elle voulait savoir ce qui se passait.
Elle a arrêté la voiture sur le bord de la route qui longe les étangs. Il faisait nuit et froid.
J’ai réussi à lui dire que le chat était mort.
Il devait y avoir de la musique mais je ne sais plus laquelle. En revanche, je me souviens avec une précision douloureuse de cet arrêt qui ne dura pas cinq minutes.
J’étais transi.
Elle s’est tournée vers moi mais j’ai continué à regarder dans le vague devant moi.
J’étais engoncé dans ce caban en cuir que je porte toujours et je ressens encore la pression de la ceinture de sécurité sur ma poitrine.
Je crevais d’envie de me jeter dans ses bras pour qu’elle me console.
Je n’ai pas su.
Quelque sourde retenue qui le disputait à l’envie en moi l’a emporté et m’en a empêché.
Je n’ai pas détaché la ceinture et je suis resté mon propre otage assis tout près d’elle.
Nous sommes repartis.
Plus tard elle m’a dit qu’elle avait cru que je voulais la quitter. J’ai été troublé d’avoir pu donner l’impression exactement inverse de ce que j’avais ressenti.
Lili m’a appris qu’il fallait chasser les regrets qui sont autant de poisons.
J’espère qu’une autre fois je saurais céder à l’envie.