Archive pour septembre 2004

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Jeudi 30 septembre 2004

Je suis assis à l’un de ces comptoirs de sandwicherie qui s’étirent autant en longueur que les déjeuners qu’ils accueillent sont courts. Enface de moi je vois une grande table métallique en forme de Barbapapa couché (pas de celles que l’on mange donc). Une jeune femme asiatique y est installée, seule. Elle a une queue de cheval et je trouve qu’elle a de grands pieds. Ce sont peut-être ses chaussures qui donnent cette impression. Un journal de petit format est ouvert devant elle. Si je ne parviens pas à en lire les caractères dont j’ignore même s’il s’agit de japonais ou de chinois, la mise en page ne laisse aucun doute, il s’agit de petites annonces. Elle a pris soin d’entourer au stylo certaines d’entre elles et elle en train de téléphoner.

Je me demande quel peut bien être le contenu de ces annonces impénétrables à l’européen moyen. Ces messages me font l’effet des bulles d’air qui viennent crever la surface des eaux dormantes sans que l’on sache distinguer ce qui se cache dans l’obcurité de leur profondeur.

Jeudi 30 septembre 2004

- Tu as une épaule très confortable.
- Si seulement ça pouvait être une femme qui me le dise.

Distinction

Jeudi 30 septembre 2004

L’amour c’est quand j’ai envie de vous n’est que l’abbréviation de j’ai envie de vous faire plaisir.

Au balcon

Mardi 28 septembre 2004

Mon romarin a fleuri. Je suis très fier.

Au gré de mes pas

Lundi 27 septembre 2004

Je marche des heures dans Paris. J’ai de plus en plus de mal à m’y perdre même en choisissant des quartiers que je connais très mal.

Pourtant la ville m’est étrangère. Elle m’agresse à certains détours. Je fuis plus que je n’erre.

Mes volées de pas dans Bruxelles me laissent le goût de pas volés. Une ville étrangère aussi mais parce que je ne la connais pas.

Il est plus pénible de ne plus connaître - ou de ne pas reconnaître - que de ne pas connaître.

Je supporte de moins en moins bien les bruits urbains auxquels je suis pourtant habitué. Je ressens ces bruits comme autant d’agressions. Si je conçois volontiers l’usage des sirènes je suis au contraire exaspéré par les bruits de klaxons. J’en viens à imaginer un système qui ferait subir une décharge électrique au conducteur. Seulement je suis persuadé qu’il y en aurait pour y prendre plaisir et écraser leur avertisseur avec d’autant plus d’ardeur.

Sous la voûte qui ouvre telle une bouche sur la sombre rue de Nevers je lève les yeux et découvre douloureusement, parce que j’ai un torticolis, et pour la première fois une histoire qu’introduisent ces vers :

Toi qui vas les guêtres traînant
Au long des quais de la rivière
Lis ces vieux vers écrits au temps
Où ce beau coin de ton Paris
N’était plus qu’une fondrière
Indigne du bon roi Henry.

Dans les rayons d’une papeterie qui propose des feuilles de toutes les couleurs je surprends plusieurs autres personnes murmurer en rythme avec moi les paroles de la chanson - de circonstances - de Noir Désir que diffusent les hauts parleurs :

Des désenchanteurs - I’m lost
Un train à quelle heure - I’m lost
Des pirates des corsaires - I’m lost
Sans aucun repaire - I’m lost

Tu dois voir plus loin - I’m lost
Tu dois revenir - I’m lost
Tu dois tout essayer - I’m lost
Tu dois devenir - I’m lost

Dans le Jardin des plantes au sommet d’une butte il y a un petit kiosque qu’un long chemin circulaire dessert. Je lève les yeux, encore, et lis la maxime épicurienne : Horas non numero nisi serenas. Je ne compte aucune heure de mon temps qui me semble filer à toute vitesse.

Je passe sous un immense cèdre rapporté par Jussieu en 1734. Combien d’heures sereines a-t-il abrité ? Il y a 200 ans qui regardait ses frondaisons, encore à portée de mains ?

Une chouette m’observe derrière son grillage. Peut-elle communiquer avec les pigeons qui se trouvent de l’autre côté ?

Jacques Chirac demande : Qu’est ce qu’il lui arrive à la 2, il faut faire chauffer l’appareil ?

Taux ou tard

Lundi 27 septembre 2004

Théophile a acquis un éthylomètre. Je n’ai jamais eu à souffler dans ce genre de ballon et il me semble préférable de le faire sur sa terrasse plutôt qu’au bord de quelque route à la lumière des gyrophares. Je constate dans une seconde d’effroi que compte tenu du résultat et de ce que j’avais bu il est manifeste que j’ai passé un paquet de soirées au-delà de 3 grammes.

Je suppose que les maux de tête que j’ai aujourd’hui lorsque je bois trop servent à prévenir ce genre d’abus.

Ad vitam

Lundi 27 septembre 2004

Nous entrerons dans la carrière, quand nos aînés n’y seront plus

Nous suivrons les mêmes ornières soulevant la même poussière.

Mortel pléonasme

Samedi 25 septembre 2004

Trahis par des amis, ils furent finalement abattus par la police lors d’une embuscade, le 23 mai 1934.

Je m’en vais

Lundi 20 septembre 2004

Christophe Miossec

Je m’en vais bien avant l’heure
Je m’en vais bien avant de te trahir
Je m’en vais avant que l’on ne se laisse aller
Je m’en vais avant que l’on ne puisse en rire
Je m’en vais en gardant toute ton odeur
Je m’en vais en te regardant dormir
Je m’en vais car l’on s’est vu voler
Je m’en vais avant que l’on ne puisse atterrir
Je m’en vais car l’on s’est tant aimé
Je m’en vais avant de te détruire
Je m’en vais pour que tu ne m’oublies jamais
Je m’en vais en te voyant sourire

Je m’en vais en croyant que tout est vrai
Je m’en vais avant de te découvrir
Je m’en vais bien avant de te décevoir
Je m’en vais bien avant de te trahir

Je n’ai aimé que toi
Je t’embrasse jusqu’à en mourir
Je n’ai aimé que toi
Je t’embrasse jusqu’à en mourir

Je m’en vais pour tout recommencer
Je m’en vais pour ne jamais m’assagir
Je m’en vais car tout est si léger
Je m’en vais en te regardant dormir
Je m’en vais pour ne jamais t’oublier
Je m’en vais sans même te l’écrire

Je m’en vais en croyant que tout est vrai
Je m’en vais bien avant de te découvrir
Je m’en vais pour ne jamais te décevoir
Je m’en vais bien avant de te trahir
Je m’en vais car l’on s’est vu voler
Je m’en vais avant que l’on ne puisse atterrir
Je m’en vais car l’on s’est tant aimé
Je m’en vais bien avant de te détruire

Je n’ai aimé que toi
Je t’embrasse jusqu’à en mourir
Je n’ai aimé que toi
Je t’embrasse jusqu’à en mourir

Des goûts

Lundi 20 septembre 2004

Dans son Dictionnaire des clichés littéraires Hervé Laroche remarque à titre anecdotique que si l’acidité provoque des embarras gastriques, le sucre est cause d’embonpoint et le sel abîme les artères, l’amertume est sans pathologie connue.

La phrase m’a intriguée. L’amer compenserait-il le désamour dont il est victime par une absence de nocivité ?

C’est sans compter notre sensibilité aux saveurs qui nous rend beaucoup plus sensible aux trois autres goûts. Nous serions ainsi plus de 1000 fois plus sensibles au sucré qu’à l’amer.

En dépit du manque de précision on imagine aisément que l’on ingurgite beaucoup moins d’amer que de sucré - sans compter dans mon cas le fait que je n’aime pas l’amer.

Et si notre sensibilité exacerbée nous permet peut-être d’échapper à des affections fatales que provoqueraient des quantités plus importantes ?