Archive pour juin 2008

Que se passe-t-il quand j’y repense ?

Lundi 30 juin 2008

D’ici quelques années on découvrira que le siège de la pensée n’est pas le cerveau mais c’était une étape nécessaire.

La chanson du dimanche

Dimanche 29 juin 2008

Chaque dimanche (enfin, certains dimanches), une chanson ou un morceau de musique qui appartient à une ou plusieurs de ces trois catégories :

qui me fait frissonner : discrètement mais immanquablement, parfois depuis plusieurs années.

qui m’(a) obsède(é) : ça ne dure toujours qu’une période, relativement courte, de quelques heures à quelques semaines, qui, parfois, peut se renouveler.

qui me rappelle… : quelques minutes de musique associées à quelques minutes ou plus de vie passée.

How?, John Lennon
extrait de Imagine / 1971

J’avais bien pensé mettre un titre de Bruce Springsteen pour rester dans le ton mais je n’ai pas su me résoudre à choisir ne serait-ce qu’entre la moitié des titres de Born in the USA.

Because the night…

Dimanche 29 juin 2008

belonged to the Boss.

J’ai frissonné plusieurs fois vendredi soir durant le concert de Bruce Springsteen dont le surnom n’est absolument pas usurpé.

Trois heures de concert pendant lesquelles il nous a gratifiés de beaucoup de vieux tubes interprétés avec une énergie et une générosité extraordinaire.

Un concert très proche du public, ce qui n’est pas toujours évident dans un stade.

Le son typique du stade, qui n’est pas ce qu’on fait de mieux, était largement compensé par le talent et la cohésion du E Street Band.

Une prestation vraiment impressionnante, une expérience à vivre.

Le fanatisme n’est pas nécessairement religieux

Dimanche 29 juin 2008

La république et canton de Genève est un superbe petit territoire situé au bord d’un lac dont les eaux sont alimentés par le Rhône et, de plus loin, par les glaciers des Alpes valaisannes. Fondée en 1536, elle compte environ 400 000 habitants, relevant de cent quatre-vingt-quatre nationalités différentes. Son territoire national est d’à peine 247 kilomètres carrés. J’y vis, et y fais souvent des rencontres agréables. Mais il y a peu, j’en ai fait une franchement inquiétante.

Nous sommes le vendredi 7 mai 2004, en fin d’après-midi. Directeur du bureau de liaison entre l’ONU et l’UNESCO, Georges Malempré fête son départ à la retraite au rez-de-chaussée de la villa Moynier. Fleurs, discours, chaleur humaine…

Derrière les hautes portes-fenêtres, la bise agite les vagues noires du Léman. Malempré est un homme profondément sympathique et courageux : durant quarante ans, il s’est totalement dévoué à la promotion scolaire des enfants dans les pays les plus pauvres. Une foule d’amis est venue d’un peu partout dans le monde honorer Georges, son épouse, ses filles. L’ancien directeur général de l’UNESCO, Federico Mayor, plus vivant que jamais, fait un discours tout en finesse. L’ambassadeur de Belgique Michel Adam et sa femme sont présents eux-aussi.

Un peu à l’écart de la foule, j’aperçois un homme élégant, jeune, svelte, au regard vaguement amusé. Visiblement, il ne connaît pas les us et coutumes des tribus genevoises. Je m’approche de lui.

L’homme est français, dans la quarantaine. Il vient de débarquer de Washington il y a quelques jours. Par sa façon de parler, de s’habiller, de se mouvoir en société, il a tout du grand technocrate. Son mandat : la représentation des intérêts du FMI auprès des organisations internationales à Genève.

Il m’avertit d’emblée : “En fait, je ne m’intéresse qu’à l’OMC [Organisation Mondiale du Commerce].” La lutte contre les épidémies menées par l’OMS [Organisation Mondiale de la Santé] ? Contre la faim par le PAM [Programme Alimentaire Mondial] ? Le combat de l’OIT [Organisation Internationale du Travail] et de son directeur, Juan Sommavia, pour imposer des conditions de travail décentes ? L’OIM [Organisation Internationale pour les Migrations] luttant pour le bien-être des migrants ? Le Haut-Commissariat des droits de l’homme combattant la torture ? Le destin des réfugiés défendus par le Haut-Commissariat des réfugiés ?

Pas grand intérêt, manifestement. Ce qui compte avant tout, aux yeux de l’élégant mercenaire, c’est la privatisation des biens publics, c’est la libéralisation des marchés, la libre circulation des capitaux, des marchandises et des brevets issus des sociétés transcontinentales dans le cadre de l’OMC.

Intelligent, compétant, brillant dans ses analyses, C. - le petit vin blanc genevois aidant - perd peu à peu de sa retenue washingtonienne. Il a entendu parler de moi, peut-être même a-t-il survolé l’un ou l’autre de mes livres. Nous nous découvrons un ami commun au bunker de béton du numéro 18181 H Street, Nothwest, à Washington.

Tout à coup il s’arrête, me regarde sans sympathie. Il lève ses mains vers le plafond. Ses yeux bruns expriment le reproche. Il me dit à peu près : “Voyez-vous… ce que vous faites ce n’est pas bien… Tous ces jeunes gens, ces jeunes filles qui vous écoutent, sont pleins d’enthousiasme. Ils voudraient pouvoir changer le monde… Je les comprends… Mais c’est dangereux… surtout quand ils tombent entre les mains de gens qui ignorent tout de l’économie mondiale et de ses contraintes… Ils vous croient… et après ?”

Je lui fais quelques objections aimables.

Il se tourne alors vers les portes-fenêtres ouvertes et le lac. Dans la lumière déclinante du soir et l’odeur des feuilles mouillées, il ajoute : “Les lois du marché sont incontournables, immuables. Rien… rien ne sert de rêver.”

L’homme était d’une totale bonne foi. Moi j’étais horrifié par son assurance. Et surtout, par le pouvoir aveugle et sourd qu’il exerce, au sein d’une équipe, certes, sur la vie de centaines de millions d’hommes, d’enfants et de femmes d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud.

Le FMI n’administre pas seulement la dette, au moyen de lettres d’intention, de plans d’ajustement structurel, de refinancement, de moratoires et de restructurations financières. Il est aussi le garant des profits des spéculateurs étrangers. Comment procède-t-il ?

Prenons l’exemple de la Thaïlande. En juillet 1997, les spéculateurs étrangers attaquèrent la monnaie nationale, le baht, dans l’espoir de faire des profits rapides et considérables sur une monnaie faible. La Banque centrale de Bangkok préleva alors des centaines de millions de dollars sur ses réserves, et acheta des bahts sur le marché. Elle tentait de sauver sa monnaie.

Peine perdue. Après trois semaines de lutte, exsangue, la Banque centrale jeta l’éponge et fit appel au FMI. Celui-ci imposa de nouveaux emprunts au gouvernement. Mais avec ces nouveaux crédits, Bangkok devait, en priorité, rembourser les spéculateurs privés. C’est ainsi qu’aucun des spéculateurs étrangers (requins de l’immobilier ou boursicoteurs) n’a perdu le moindre centime en Thaïlande.

Le FMI contraignit en même temps le gouvernement à fermer des centaines d’hôpitaux et d’écoles, à réduire ses dépenses publiques, à suspendre la réfection des routes et à révoquer les crédits que les banques publiques avaient concédés aux entrepreneurs thaïlandais.

Le résultat ? En l’espace de deux mois, des centaines de milliers de thaïlandais et de travailleurs immigrés perdirent leur emploi. Des milliers d’usines fermèrent.

La nuit tombe sur le parc Mon-Repos. Les derniers cygnes rejoignent majestueusement la rive. Mon mercenaire est imperturbable : “Retournez aujourd’hui en Thaïlande… l’économie y est florissante !”

Et les souffrances, et les angoisses endurées durant neuf ans par des centaines de milliers d’êtres humains ?

C. ne répond pas. Je peux toutefois formuler à sa place la réponse qu’il a sans doute sur la langue : “L’angoisse humaine n’est pas quantifiable, elle n’est pas un élément de l’analyse macroéconomique. N’étant pas mesurable, elle n’existe pas pour le FMI.”

Je traverse à pied le parc plongé dans la nuit jusqu’à la route de Lausanne, persuadé que la bataille sera longue, contre un ennemi plus puissant que jamais. Des centaines de millions d’êtres humains sont promis à des humiliations - mais aussi à des résistances - de longue durée.

Et qu’on ne me dise pas que l’annulation de la dette est impossible parce qu’elle mettrait en danger de mort le système bancaire mondial tout entier ! Chaque fois qu’un pays écrasé par sa dette tombe (passagèrement) dans le trou de l’insolvabilité (comme l’Argentine en 2002), le Wall Street Journal et le Financial Times nous annoncent l’apocalypse… si le système qui a conduit à la catastrophe est remis en cause. Ces manifestations sont-elles imputables à la fragilité psychologique des journalistes ?

Evidemment non. Ils obéissent à une stratégie habile. Les téléspectateurs européens, aussi passifs soient-ils, constatent quotidiennement les effets des ravages infligés par la dette. Ils sont révoltés, inquiets. Ils posent des questions. Quant aux hommes, aux femmes et aux enfants du tiers-monde, ils souffrent dans leur chair des effets du système. Il faut donc “légitimer” la dette. Comment s’y prendre ? La rendre “inéluctable”… D’où l’argument des mercenaires du capital prédateur, répété à la façon des perroquets : “Quiconque touche la dette met en danger de mort l’économie du monde.”

(l’analyse de cette prétendue inéluctabilité vient ensuite)

L’empire de la honte, Jean Ziegler

Je suis curieux de savoir si cet ouvrage figure dans les programmes scolaires.

A défaut et pour ceux qui ne sont plus à l’école, il existe en poche…

Absolument !

Jeudi 26 juin 2008

François Fillon a affirmé : “Depuis un an, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, la France est en train d’accomplir une mutation culturelle (…) Nous sortons du relativisme culturel et moral que la gauche française des années 1980 avait diffusé dans le pays.”

C’est quoi le contraire du relativisme ? L’absolutisme ?

Summer collection 2008 : yellow like the Sun.

Dimanche 22 juin 2008

Je ne l’aurais jamais cru capable d’une telle auto(c’est le cas de le dire)-dérision.

C’est plutôt une bonne surprise et ça égaye les attentes aux feux rouges.

La chanson du dimanche

Dimanche 22 juin 2008

Chaque dimanche (enfin, certains dimanches), une chanson ou un morceau de musique qui appartient à une ou plusieurs de ces trois catégories :

qui me fait frissonner : discrètement mais immanquablement, parfois depuis plusieurs années.

qui m’(a) obsède(é) : ça ne dure toujours qu’une période, relativement courte, de quelques heures à quelques semaines, qui, parfois, peut se renouveler.

qui me rappelle… : quelques minutes de musique associées à quelques minutes ou plus de vie passée.

Mon enfance, Barbara
extrait de Le soleil noir / 1968

La chanson du dimanche

Dimanche 15 juin 2008

Chaque dimanche (enfin, certains dimanches), une chanson ou un morceau de musique qui appartient à une ou plusieurs de ces trois catégories :

qui me fait frissonner : discrètement mais immanquablement, parfois depuis plusieurs années.

qui m’(a) obsède(é) : ça ne dure toujours qu’une période, relativement courte, de quelques heures à quelques semaines, qui, parfois, peut se renouveler.

qui me rappelle… : quelques minutes de musique associées à quelques minutes ou plus de vie passée.

Shine on you crazy diamond (Part one), Pink Floyd
extrait de Wish you were here / 1975

C’est ça

Dimanche 15 juin 2008

En début de soirée, je la raccompagne chez elle. Tout au long de ce trajet à pied à travers Romanze, j’essaye d’enregistrer calmement le maximum de détails possible, sachant d’ores et déjà que, plus tard, lorsque tout ça sera réduit à un puissant souvenir de mes sens, à de la pure nostalgie, je m’en voudrai de ne pas y avoir goûté plus consciemment sur le moment. Mais c’est impossible d’y goûter consciemment, au bonheur. Sous ses dehors banal, avec ses parasites et ses imperfections, sans le filtre enjoliveur du souvenir, la réalité te prend toujours de vitesse. Sur le moment, c’est mathématique, tu peux juste vaguement ressentir qu’il se passe quelque chose de bien, mais tu es trop occupé à le vivre dans son temps même pour y goûter vraiment. Parce que tu as remarqué que le bonheur, c’est toujours un souvenir, jamais le moment présent, hein ? Je me souviens avoir lu chez je ne sais plus qui : “le bonheur, c’est quand la lumière est bonne et qu’on n’a pas forcément conscience que tout va bien.” C’est ça, le temps perdu, le temps tout court, l’impossible équation du temps qui passe et qu’on voudrait retenir. Je suis persuadé que ce doit être aussi pour cette raison que l’être humain cherche à se mettre en couple : pour faire durer au maximum les moments de bonheur sans avoir constamment à les rechercher dans son passé, pour essayer de figer un peu les choses avec la femme qui un jour nous a fait rêver, malgré le temps qui dégrise. Parce que le bonheur, c’est une femme, non ? Tu ne crois pas, toi ? ” Heureux comme avec une femme”, dit Rimbaud. Remarque, c’est “Sensation” qu’il s’appelle, son poème. C’est dire la part d’autopersuasion qu’il faut pour identifier le bonheur à une femme. Parce que en fait, une femme, ce n’est pas le bonheur, c’est simplement la suggestion d’un bonheur absolu possible. C’est un vecteur du bonheur, un intermédiaire qui, tout en incarnant le bonheur au tout début, engendre un désir supplémentaire sitôt conquise. Attends, je vais être plus clair : le bonheur, pour moi, s’il fallait chercher à l’identifier, à le saisir sur le vif, c’est l’émotion absolue que je ressens lorsque j’écoute certaines chansons ou que le ciel a une couleur qui me plaît tout particulièrement. A chaque fois que je ressens la nécessité de partager de tels moments pour mieux les matérialiser, c’est la pensée d’une femme idéale qui me vient à l’esprit. A chaque fois, je me dis qu’une inconnue quelque part, susceptible de ressentir ou de comprendre la même sensation que moi au même moment, incarne ce bonheur. Mais je crois que le bonheur est comme cette femme, comme cette sensation : il est immatériel, il n’existe pas. Le bonheur, l’avenir, est une parfaite et perpétuelle inconnue, dans tous les sens du terme. T’es seul au monde de toute façon, et seul avec tes rêves. Mais si tu as la chance de rencontrer une femme qui, même si elle n’y est pour rien, t’a fait rêver et penser au bonheur pendant quelques temps, c’est déjà énorme.

J’étais derrière toi, Nicolas Fargues

A Stereophonic Sound Spectacular

Dimanche 8 juin 2008

Hooverphonic ne vient que rarement en France.

C’est donc avec une certaine excitation que je me suis rendu à la Maroquinerie hier soir pour assister à leur concert.

Je n’ai pas été déçu.

La première partie assurée par un DJ, Jerboa, avait un petit côté surréaliste puisqu’il a mixé devant une salle en majorité assise par terre, ce qui n’est probablement pas la situation la plus fréquente.

Le groupe, Alex Callier, Raymond Geerts et Geike Arnaert en avant scène épaulés de trois autres musiciens, a ensuite entamé un concert qui me paraissait un peu court avant les deux rappels ajoutant sept morceaux supplémentaires !

Après une introduction avec les deux premiers titres du dernier album, ils nous ont promenés dans leur répertoire en offrant des versions plus ou moins revisitées de titres plus anciens avec toujours pour fil directeur la voix magnifique de Geike Arnaert.

Alex Callier assurait avec le public un dialogue décontracté et enjoué qui a notamment conduit à une interprétation reggae de 2Wicky (je crois).

Pour ma part, j’ai particulièrement apprécié une version amphétaminée de No more sweet music.

Lorsque Mad about you s’est achevée j’ai pensé comment terminer autrement un concert en France ? tout en regrettant qu’ils n’aient pas interprété Vinegar and salt.

J’ai à peine eu le temps d’apercevoir Raymond Geerts échanger sa guitare sèche contre sa Gretsch dans la pénombre que l’introduction de Vinegar and salt balayait mes regrets et la crainte collective d’une fin (toujours) prématurée.

Enfin, ils ont pris la salle par surprise en plaquant les paroles de Sometimes sur les deux fameuses mesures d’Imagine de John Lennon.

J’ai passé un très bon moment à ce concert envoûtant mais sans forfanterie qui me laissera un agréable souvenir.