Archive pour décembre 2002

Joyeux Noël

Mercredi 25 décembre 2002

Lorsque je croise des gens qui distribuent des prospectus dans la rue je n’essaie pas de les éviter. Je me dis que c’est un travail rébarbatif et que je les aide en prenant un prospectus. Je le jette presque systématiquement juste après. En effet, leur mission est de les distribuer, pas de contrôler ce qu’on en fait par la suite. Cependant je le jette toujours dans une poubelle, donc je me dis aussi que ça en fait un de moins par terre. Il y a quelque jour on m’a tendu un prospectus relatif à une campagne contre les jouets sexistes. Je viens de le retrouver dans mon sac. N’ayant pas trouvé de poubelle immédiatement je l’avais mis en me disant que je le jetterai à la maison. Dans ces deux pages A4 repliées il est expliqué à travers des images très symboliques que les jouets destinées respectivement aux petites filles et aux petits garçons conditionnent leur comportement adulte. La thèse peut se défendre, pourquoi pas, bien que le document me paraisse extrêmement succinct. Toutefois il y a deux éléments qui me dérangent. Tout d’abord la volonté de ressembler à Barbie et par la suite aux modèles des magazines est évoquée comme une source de troubles, notamment anorexie, pour les filles. Je n’ai pas le sentiment en regardant les figurines de personnages pour les petits garçons et les modèles masculins dans les magazines que la comparaison soit plus flatteuse pour la gente masculine. Ensuite il y a une photo assez explicite qui représente un homme frappant une femme accompagnée d’un texte intitulé Tu seras violent, mon fils : Quand les garçons sont petits, ils jouent à “faire la guerre”. Faut-il s’étonner que plus tard les hommes résolvent le plus souvent les conflits par la violence ? Moi, quand j’étais petit, j’ai eu plein de jouets de garçon, j’ai regardé un tas de dessins animés pour les garçons (avec ma soeur, soi dit en passant), autant de violence qui auraient dû normalement largement suffir à faire de moi une personne très violente. Etrangement, du moins après la lecture de ce document, je ne le suis pas. Je n’ai jamais frappé une femme (bon d’accord nous nous sommes un peu bagarrés avec ma soeur quand nous étions enfants mais il ne me semble pas que ce soit assimilable) et jamais un homme, un garçon, depuis la cour de l’école (où c’était déjà rare), j’éprouve une forte aversion pour ce type de comportement et pour la violence en général que je considère être une marque de faiblesse dans une société où le langage ainsi qu’un certain nombre de concepts intellectuels se sont développés rendant possible une communication beaucoup plus fine que le simple rapport dominant/dominé. Le raccourci entre les jouets et la violence conjugale me semble par trop simpliste, pour ne pas dire inadmissible. Dans l’ensemble il est simpliste, à mon sens, de donner une importance excessive aux jouets. Les mêmes jouets ne donnent pas les mêmes adultes. L’éducation me semble beaucoup plus déterminante. L’explication qui accompagne les jouets, les activités développées autour, voire en dehors, des jouets sont plus pregnantes que les jouets en eux-mêmes. Les jouets ne sont que des objets et un objet est inanimé. Son utilisation détermine ses effets. C’est l’homme qui est responsable, pas la machine. A croire qu’on essaie d’insufler de la spiritualité dans les objets. Comme l’homme était impuissant et irresponsable face à Dieu, on le présente de plus en plus souvent ainsi mais face aux machines et à une société qui le dépasse ; mais de quoi se compose-t-elle cette société ?

Dans le même ordre d’idées j’ai entendu à la radio hier matin une jeune femme que j’ai supposée être mannequin expliquer qu’on s’efforçait de la transformer en un produit de consommation le plus attrayant possible (ce qui ne semblait pas la déranger plus que cela - je ne peux pas m’empêcher de rapprocher ça d’une prostitution propre puiqu’inaboutie, un simple racolage donc qui est, pourtant, par ailleurs l’objet d’une répression de plus en plus importante). Elle a pris soin de préciser que n’est vampirisé que celui qui le veut bien. Donc tout va bien, elle n’est responsable de rien, les gens qui la transforment non plus d’ailleurs. C’est celui qui regarde qui veut bien se faire vampiriser. Il y a un pouvoir qui me semble certain mais qui est dénié, de mauvaise foi à mon sens, ce qui permet d’échapper au corollaire de tout pouvoir : la responsabilité. L’être humain a des penchants, des travers, des vices mais aussi des vertus. Dès lors qu’on s’adresse à la foule on joue sur ces traits, ce que les grands orateurs ont compris très tôt et ont utilisé pour faire le pire ou le meilleur (malheureusement souvent le pire, car le bonheur est égoïste). Stimuler les travers de l’être humain et prétendre que l’on n’est pas responsable est à mon sens une attitude très perverse. De la même manière que les chaînes de télévision qui proposent des programmes plus que douteux et qui se retranchent derrière la demande des téléspectateurs. Ils demandent ce qu’ils connaissent. Il me semble qu’au sein d’une communauté ceux qui possèdent un savoir plus développé doivent d’efforcer de le communiquer aux autres, de s’en servir dans l’intérêt de tous et de tirer l’ensemble des membres vers l’avant. Il est loin l’esprit des Lumières…

Hier soir en me rendant à la soirée de réveillon à laquelle j’étais invité j’ai entendu à la radio une version de Jingle bells chantée, enfin aboyée, par des chiens. Quand reprennent-ils Oops I did again ?

Hier soir aussi j’ai reçu un message de Caroline et j’ai passé la soirée avec Mina. J’ai été très amoureux de l’une et de l’autre. Je n’avais pas revu Mina depuis longtemps. Je l’ai retrouvée telle qu’elle était. Nous avons beaucoup discuté. Elle écoute gentiment mes théories tordues et mes idées bizarres. Ca m’a fait plaisir de la voir (en plus elle était toute jolie, toute pomponnée) et de parler avec elle.

La magie de l’amour, c’est qu’il rend beau, et qu’au lieu de rendre la justice, il propose la justesse.

Mardi 24 décembre 2002

Francis Dannemark - La grève des archéologues ;o)

Aujourd’hui je suis allé monter le nouveau lit de Calliope qui s’apprête à emménager dans son nouvel appartement. J’ai fait la rencontre de son propriétaire et j’ai été saisi par sa ressemblance avec Jacques Brel. On ne pourrait pas les confondre mais ils ont des traits communs au niveau de la machoire et des yeux, un peu du nez aussi. La voix et l’allure générale ont également des similitudes troublantes avec celles de l’artiste. Un jour au tribunal j’avais croisé le regard d’un homme qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Mouloudji. Il m’avait demandé si je voulais sa photo, ce que je lui voulais sur un ton pour le moins agressif. Comme beaucoup trop de gens il sentait agressé par un regard. J’avais soutenu son regard en lui expliquant que je le regardais parce que je trouvais qu’il ressemblait beaucoup à Mouloudji (avec un regard moins doux mais ça je n’ai pas jugé bon de lui préciser). Il s’était calmé et m’avait dit qu’on lui avait déjà fait la remarque non sans une petite lueur de fierté dans ce regard profond. Je n’avais pas insisté plus avant car il demeurait manifestement sur la défensive et il continua à m’observer durant un moment. Chez Papa (restaurant relativement fameux, notamment dans le milieu étudiant parisien pour ses prix abordables) j’avais vu un sosie de Coluche. C’était plus de dix ans après sa mort mais j’étais resté vraiment stupéfait durant plusieurs minutes tant la ressemblance était frappante, quasiment un frère jumeau, à ceci près qu’il aurait dû avoir l’air un tout petit plus vieux pour que la correspondance soit parfaite. Il avait le regard du Coluche triste. Il mangeait seul.

Je roule en ville. Un homme dans une Twingo verte manifestement plus polluante que la moyenne (cf l’écharpe de fumée épaisse qu’il traîne derrière lui) bloque la circulation pour passer. Je me demande pourquoi l’incivilité et la pollution ne sont pas sanctionnées plus sévèrement. En effet les comportements constitutifs d’infractions, contrairement à ce que peuvent penser un certain nombre de gens, ne sont pas le fruit du hasard ou de décisions iniques (en principe). Le législateur, et donc les citoyens titulaires du droit de vote, stigmatise à travers les lois pénales les comportements sources de troubles à l’ordre public et établit leur sanction. En effet, en principe on ne juge au pénal que le trouble à l’ordre public, pas le préjudice subi par la victime, cela relève des juridictions civiles. En ce qui concerne l’évaluation et la réparation de son préjudice la victime n’est admise au procès pénal que par commodité procédurale (quoique les dernières lois pénales aient un peu modifié les choses). Il est indispensable qu’il existe une échelle des peines afin de distinguer les infractions en fonction de leur gravité (c’est d’ailleurs la base de notre code pénal, dite répartition tripartite : la peine encourue pour le comportement incriminé détermine le type d’infraction et son régime : contravention, délit ou crime). S’il est évident qu’on ne peut mettre sur le même plan le manque de civisme au volant et le meurtre il n’en demeure pas moins que le premier est beaucoup plus fréquent (force est de constater, par ailleurs un peu à contre coeur, qu’heureusement) que le second et que du fait du trouble qu’il provoque il devrait être sanctionné, en espérant qu’une éducation efficace, en parallèle, rende l’infraction sans objet à terme, terme utopique soit, mais terme quand même (l’éducation et la sanction devrait toujours aller de pair, la sanction n’ayant pas une valeur éducative suffisante en soi, ce qui logique puisqu’elle n’est pas établie pour cela). De la même manière la pollution est peu sanctionnée. Pourtant le trouble est on ne peut plus important. Si demain le législateur considérait qu’il y a réellement un problème et même un danger en la matière il voterait peut-être une loi sanctionnant sévèrement la pollution. La loi votée survient la deuxième phase du problème, non moins difficile : l’application du texte. Dès le XVIIIème siècle dans son traité Des délits et des peines Beccaria écrivait que l’application systématique de la peine est plus efficace que sa gravité. En d’autres termes : mieux vaut une peine légère à laquelle on ne peut échapper qu’une peine plus lourde à laquelle on peut échapper. Cet ouvrage constitue une influence importante parmi d’autres de la philosophie du droit pénal français. Je me demande si ce sont les comportements les plus préjudiciables à l’ensemble de la communauté qui sont érigés en infractions et si les sanctions prévues sont appliquées systématiquement et équitablement…

Tant que je suis dans des considérations vaguement juridiques je veux écrire quelques lignes sur l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. Ce texte régit les exceptions légales aux droit patrimoniaux de l’auteur. Son 2° en particulier à trait à l’exception pour copie privée : Les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective (à l’exception des copies des oeuvres d’arts [qu’on entend ici comme les oeuvres d’art plastique] destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’oeuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122-6-1 [le logiciel fait l’objet d’un régime particulier en propriété intellectuelle]) sont libres. Cela signifie qu’il est tout à fait légal de graver un CD soi-même pour son usage personnel. En revanche le faire pour quelqu’un d’autre ne l’est pas (même gratuitement), pas plus que d’en faire commerce ou de mettre de la musique en ligne à télécharger. Ca vaut pour les photocopies dans les mêmes conditions.

Avant on fabriquait des choses relativement simples faites pour durer. Aujourd’hui on fabrique des choses très complexes qui ne durent pas, pour la bonne et simple raison qu’elles ne sont pas conçues dans un souci d’endurance. Elles ne sont pas réparables et sont donc parfaitement intégrées à l’ère du numérique par leur fontionnement binaire : ça fonctionne OU c’est cassé. Quand c’est cassé il faut en racheter une autre et jeter l’ancienne. Peu importe qu’une partie seulement soit cassée. Tout ceci est bien trop compliqué pour être réparé, on jette l’ensemble. C’est bon ou mauvais. Ce ne sont que des choses mais c’est très manichéen. On a tôt fait de transposer ce type de raisonnement avec des personnes. Ce n’est pas très rassurant.

Dans les films les personnages se cognent, parfois très violemment, sans paraître particulièrement affectés. Enfant je me cognais souvent, en tombant ou pas. En grandissant j’ai un peu oublié ce que c’est de se cogner. Tout à l’heure dans le couloir chez Calliope je me suis cogné la tête contre une poignée de fenêtre en métal. Ce n’était qu’un petit choc pourtant je l’ai bien senti. C’est très fragile le corps. Même cette tête tout en os ne semble pas très solide face à un objet en métal.

La chance n’existe pas, ce qui n’empêche pas de ne pas en avoir

Dimanche 22 décembre 2002

Vendredi soir nous sommes plusieurs invités à dîner chez Sèverine qui vient de passer dix jours à Saint Domingue et qui nous montre ses photos de vacances :

- C’est super beau Saint Domingue !
- Ah oui ! Ca donne envie d’y aller.
- Oui, enfin bon, c’est une dictature quand même.
- Enfin, en même temps, elle y allait pour les vacances, pas pour voter…

André Gide écrit dans la préface de Vol de nuit d’Antoine de Saint Exupéry :

Le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté mais dans l’acceptation de son devoir.

Je pense à une expression qui m’est récurrente : l’ordre des choses. Je pense aussi Le chêne et le roseau. Je pense à Plus fort que nous.

Il faut plier, se fondre dans le mouvement, adopter la courbure du temps jusqu’à la faire sienne. L’ordre des choses et son rythme doit devenir le nôtre. Dès lors on appartient à l’environnement dans lequel on se trouve, on est, on participe d’un ensemble plus vaste qui nous dépasse à tous points de vue et dans lequel on ne trouve sa place qu’en acceptant le fait qu’il n’y a pas de place à proprement parler, au sens strict où nous pouvons l’entendre. Cette place c’est l’appartenance à l’ensemble. Les choses vont alors d’elles-mêmes. Les très (très) faibles notions que je possède sur les philosophies et les mentalités extrême-orientales m’inclinent à en reconnaître la marque dans ce genre de raisonnement. D’aucuns s’élèveront vigoureusement en hurlant à la perte de leur liberté, à l’aliénation de l’individu au groupe, à l’abolition des singularités aussi précieuses que multiples… Je crois que ce n’est pas si simple. L’un n’emporte pas nécessairement l’autre, l’imbroglio est plus étroit que cela.

C’est pourtant contre cela que l’homme, au moins occidental (c’est réducteur mais bon), ne cesse de lutter. Il refuse de plier, il résiste et même il veut en imposer aux autres hommes, aux animaux, au climat, à la nature, à la Terre, à l’univers, à la vie, à lui-même, vaniteux, convaincu qu’il est de son importance, de sa supériorité, de sa puissance, de son rôle, car il ne peut pas être là fortuitement, lui le fils de Dieu. Il y a un sens, des causes qui mènent à des conséquences. Même s’il a accepté que l’univers ne tourne pas autour de la Terre il n’en considère pas moins que sa présence s’inscrit dans un vaste schéma dont il est nécessairement une clé de voûte.

Pourtant plier c’est ne pas céder et donc résister.

Pour mener sa psychanalyse à terme il faut symboliquement tuer ses parents. Freud a écrit : Dieu n’est qu’un père plus puissant ; Malraux : Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas. A-t’on tué Dieu ? En sommes-nous plus heureux ? Y revenons/reviendrons-nous (si tant est que ce soit possible) ?

Ce qui me fait penser : Dieu existe dès lors qu’on croit en lui, par conséquent j’existe si quelqu’un croit en moi. CQFD ?

Il faut admettre qu’on ne peut fusionner avec personne. Nous avons tous des creux, des bosses, des arêtes et des angles qui font que nous pouvons parfois nous imbriquer plus ou moins bien entre nous mais il restera toujours des côtés chez chacun qui ne seront pas en contact. Il faut accepter que nous ne sommes compatibles avec tel ou tel que par une face. Suffit-elle à nous faire oublier les autres ?

J’ai appris deux nouveaux mots, par accident comme souvent, ce qui est d’autant plus vrai pour le second qui se trouve sur la page voisine de celle du premier dans mon dictionnaire (Le petit Larousse compact 1995, cadeau de mon père, comme ça vous savez tout) :

grigner qui siginifie froncer, faire un faux pli en parlant d’une couture et greubons, terme suisse (à vérifier ;o) ), qui désigne les morceaux de gras restant après la cuisson d’une viande, que l’on fait frire et dont on garnit un pain ou un gâteau salé.

Enfin je me demande :

De grands enfants peuvent-ils éduquer des petits enfants ?

10 grues à l’horizon

Jeudi 19 décembre 2002

Je suis passé devant La Samaritaine. Sur l’immense façade qui donne sur la Seine on a posé des néons qui indiquent : Magasin avec des cadeaux à l’intérieur. Je suis rentré. On ne m’a rien offert. Le monde est injuste.

2 grues à l’horizon (ça vous donne une bonne idée de l’épaisseur du brouillard)

Jeudi 12 décembre 2002

Il y a des jours comme ça qui sont placés sous un signe. Aujourd’hui c’est manifestement celui des phrases absurdes. Déjà trois depuis ce matin. Tout d’abord deux entendues sur France info :

- Les solutions existent, tout le problème est là.

- Les sages veulent renforcer l’immunité du président de la République. Il y a une erreur, même une contradiction pour être précis, dans cette phrase, saurez-vous la trouver ?

Une autre lues dans Changez tout (Note : c’est moi qui ai souligné une partie de la phrase) :

Symboliquement les cheveux sont “les racines du ciel”, affirme Marc Dugast, l’inventeur de la morphocoiffure, “ce sont les capteurs de l’énergie cosmique, divine”. Complexe de Samson ? Quant à son statut d’inventeur j’ai bien peur pour lui que l’adéquation de la coiffure à la forme du visage, voire à l’humeur, ne soit une invention bien antérieure à sa personne et que les femmes soient beaucoup plus savantes que lui en la matière, qui plus est instinctivement.

L’expérience semble prouver que l’on cesse d’apprécier les gens beaucoup plus en les voyant qu’en ne les voyant pas. Cependant je me demande si ce ne serait pas une expérience sans cesse renouvelée…

La femme idéale comme l’homme idéal existent, le problème est qu’il n’y a qu’eux qui le savent

Mercredi 11 décembre 2002

Octave : Tu fais quelque chose lundi ?
Moi : Euh, non, rien.
Octave : Tu veux risquer ta vie ?
Moi : Oui.
Octave : Tu te souviens du cadeau de Noémie pour tous mes noëls et anniversaires jusqu’à la fin de mes jours ?
Moi : Oui.
Octave : Je me disais qu’on pourrait faire ça lundi.

Donc lundi, si le temps le permet, baptême de vol à vue pour Octave… Je demanderai à voir la licence du pilote avant de monter je pense…

A part ça j’ai appris un mot : controuvé, qui signifie inventé de toutes pièces. Il ne devrait pas être trop dur à replacer celui-là.

J’ai aussi fait une découverte (qui n’en est sûrement pas une pour un certain nombre d’entre vous) : on peut faire glisser les images des pages internet dans la barre qui est juste au-dessus de la barre de tâches en bas de l’écran. L’image s’affiche alors seule dans son format d’origine sur fond blanc. C’est tout.

Brèves

Lundi 9 décembre 2002

Dans une nouvelle de Ray Bradbury (j’aime beaucoup Ray Bradbury) je lis : Tu as absolument le droit de demander tout ce que tu veux. Je réponds automatiquement : J’ai absolument le droit de répondre non à ta demande. C’est la simplicité même mais c’est ça. Il y a des choses que j’ai besoin de lire.

Ce week-end en changeant mes draps j’en ai profité pour passer en mode couette d’hiver, ce qui s’impose avec ce frois glacial. En effet, j’ai une couette en deux parties afin de s’adapter aux saisons. J’ai raccroché les deux parties ensemble. Je dors donc sous une couette bien épaisse, lourde et chaude. C’est un des plaisirs de l’hiver !

J’ai entendu parler de La vie est belle de Franck Capra à plusieurs reprises. Il faut que je vois ce film… (bah oui on ne peut pas avoir tout lu, tout vu, tout entendu).

Les lecteurs les plus anciens et les plus assidus… enfin si tant qu’il y en ait… se rappellent peut-être de A. (je crois que je ne vais pas lui chercher de prénom car c’est sans doute sa dernière apparition). Théophile et Mathilde (surtout Mathilde car Théophile ne l’aime pas trop) voulaient essayer de nous mettre ensemble mais suite à une première sortie tous les quatre au cours de laquelle je n’avais pas ressenti un grand intérêt de sa part je n’avais pas donné suite. L’autre soir j’ai retrouvé Octave, Théophile, Mathilde, Noémie et un ami de cette dernière pour fêter la réussite d’Octave à un examen. Etant retenu ailleurs je suis arrivé un moment après qu’ils se soient retrouvés. Déjeunant avec Octave la semaine dernière j’ai appris le sujet de la conversation précédant mon arrivée. Mathilde a reparlé de A. Elle a tenté de la convaincre que j’étais quelqu’un d’intéressant, etc, etc seulement il y a un hic : A. veut un macho, un mec qui la tienne. Octave a bien rigolé. Quant à moi je suis perplexe. Si elle cherche un macho c’est sûr et certain il est inutile que nous nous revoyions. Je ne serais pas crédible plus d’une heure en macho (il n’y a qu’une chose qui pourrait me faire passer pour tel : j’ai de sérieux doutes sur les qualités de conductrices de la majorité des femmes, sur celles de nombreux hommes aussi vous me direz mais dans un autre registre). Je suis trop indépendant pour être macho. Je ne vois pas pourquoi il y en aurait un dans un couple qui serait en position d’infériorité ou bien soumis à l’autre et à ses désirs, je trouve ça gênant, désagréable. Il doit falloir être sacrément imbu de soi-même pour trouver ce genre de situation normale. Ceci dit je me rends bien compte que ça a été longtemps la norme et je me dis que mes grands-pères n’ont pas du mettre les mains dans l’eau de vaisselle souvent (bon je schématise parce que mes grands-mères ne me semblent pas opprimées, et puis c’est un modèle qui a fonctionné durant très longtemps. L’injustice était source d’équilibre par ailleurs, c’est un challenge que de retrouver un équilibre autrement). Toutefois nous ne sommes pas tenus de tout reproduire. De plus je suis classé dans les gentils par tout le monde (je rougis à le répéter mais c’est pour étayer le fait que je suis vraiment loin de son idéal de vrai mec ; en plus je n’aime pas le foot), j’imagine que ce n’est pas complètement par hasard (il paraîtrait que Mathilde aurait fait l’apologie des garçons gentils, sans succès ; elle est gentille de se donner autant de mal mais après tout les goûts et les couleurs…). Ce n’est pas dans mon caractère, je n’ai pas été élevé comme ça. Chez moi mon père a toujours participé aux tâches ménagères autant que ma mère sinon plus, car il travaillait à la maison et elle à l’extérieur. Assez jeunes mes parents nous ont appris à ma soeur comme à moi à nous occuper de nos affaires, à tenir notre chambre en ordre, puis à savoir faire le ménage, à manger ou la lessive (sans pour autant nous exploiter, il n’a jamais été question que nous fassions les tâches ménagères à leur place). Ce qui me laisse perplexe ce n’est pas qu’elle ne s’intéresse absolument pas à moi (je n’aurais pas fini d’être perplexe !!) mais qu’elle puisse désirer un type comme ça. Elle est jeune, elle travaille, elle vit seule. J’ai du mal à croire qu’elle apprécie de faire à manger, de faire le ménage, de repasser ses chemises, d’être aux petits soins, préoccupée de son seul bien-être à lui, etc Non parce qu’un macho c’est ça hein ! Ok, il prend les choses en main, il n’y a rien à penser il prend toutes les décisions, j’imagine que de son point de vue c’est moins angoissant, mais il faut le supporter. Ca me dépasse.

Everybody knows

Dimanche 8 décembre 2002

Octave a décrété 2003 : année de la joie. Pour ma part, et bien que je me range volontiers sous cet étendard, je déclare ici : 2003, une chose à la fois (i.e. lutte contre la dispersion, mais ça m’est plus personnel). Oui, autant évacuer l’hypocrisie des bonnes résolutions tout de suite, sauf que je ne suis pas hypocrite en l’espèce mais quand même les bonnes résolutions de la nouvelle année demeurent passablement ennuyeuses.

Le ballet des courses de noël a commencé comme tous les ans en ce début de décembre. Les magasins se sont parés de décorations toutes plus belles et surtout lumineuses et brillantes les unes que les autres pour guider, tel autant de phares, le chaland dans la nuit froide de décembre et de la consommation tous azimuts de Noël. Si les rois mages avaient su ils auraient investi dans les galeries Lafayette, la Samaritaine et le Bon Marché ; un chacun, comme ça pas de jaloux ! Ah le plaisir de faire ses courses le dimanche : les nerfs des conducteurs chauffés à blanc brillant comme les guirlandes électriques, la cohue digne d’Armaggedon tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des magasins, la chaleur étouffante à l’intérieur bien qu’on ait tombé le manteau (avec beaucoup moins d’entrain qu’on tombait la chemise cet été et, en revanche, beaucoup plus de gêne une fois retiré… à devoir le traîner avec soi dans des rayons où la place est comptée), la température glaciale à l’extérieur et le coup de froid fourbement tapi dans l’ombre à choisir ses proies (je ne peux pas écrire “guetter” car il n’a que l’embarras du choix)… La nuit tombe et la hotte est vide, la quête fut vaine, mais pas l’espoir. Dimanche prochain, fort des réflexions de la semaine, des catalogues consultés, des terrains tâtés, des listes établies, et la nuit portant conseil (coup de chance elle est particulièrement longue en cette saison) nous reprendrons la quête dans toute sa pureté virginale (c’est aussi de saison ça) et rentrerons au foyer pourvus de présents pour tous. Parce que bien sûr il y a les quelques désagréments que j’ai évoqués mais au fond nous aimons ça. Les guirlandes lumineuses de toutes les couleurs et tout ce qui brille, les sapins blancs même si c’est de la fausse neige, les pères Noël, les enfants qui regardent les jouets, les paquets cadeaux, l’envie de faire plaisir, de gâter, les chocolats, le froid sur les joues, l’espoir qu’il neigera pour les cadeaux, le calendrier de l’Avent, les gants, les bonnets et les écharpes assortis, la communion (peu importe que ce soit dans les magasins) avec tous nos contemporains (aussi agaçants soient-ils), la foule unie autour de la célébration du capitalisme… euh, pardon, du Christianisme. En parlant du petit Jésus, il y a un truc que j’adore ce sont les petits jésus, parfois ce sont des anges, en sucre. Vous savez le plus souvent ils sont roses, parfois blancs ou jaunes. Ils sont vendus dans des petits sachets transparents. C’est presque aussi bon que les chocolats !

Enfin bon, moi je cause, je cause, j’y étais même pas (uniquement parce que j’ai la chance de pouvoir faire les courses de Noël durant la semaine). Je me suis levé, non sans peine, pour aller faire deux heures de rock (expérience dont il ne faut pas abuser : le dimanche matin, du moins en hiver, ne se prête vraiment bien qu’à dormir !) et en rentrant j’ai fait du ménage et trié (un peu) le bazar qui traîne dans ma chambre.

Je réfléchis à établir mon Kaizen personnel avec quelques citations qui me semblent suffisamment justes pour que je les érige en préceptes. Au pire ça me fera une liste pour un système de citation aléatoire. Hé, hé…

Toutefois cédant à l’incohérence et au paradoxe j’écris ici (c’est à dire juste après la phrase précédente) que la vie est injuste et qu’il n’y a rien d’acquis. Ceci posé il apparaît qu’il vaut mieux profiter du présent tant que c’est possible. Ce qui ne dispense pas d’être respectueux, loyal voire même fraternel.

Pour la route un petit Leonard Cohen qui sait rester zen, comme tout le monde le sait (je n’ai pas pu m’en empêcher) en toutes circonstances, y compris les courses de Noël j’en suis sûr :

Everybody knows that the dice are loaded
Everybody rolls with their fingers crossed
Everybody knows that the war is over
Everybody knows the good guys lost
Everybody knows the fight was fixed
The poor stay poor, the rich get rich
That’s how it goes
Everybody knows

Everybody knows that the boat is leaking
Everybody knows that the captain lied
Everybody got this broken feeling
Like their father or their dog just died

Everybody talking to their pockets
Everybody wants a box of chocolates
And a long stem rose
Everybody knows

Everybody knows that you love me baby
Everybody knows that you really do
Everybody knows that you’ve been faithful
Ah give or take a night or two
Everybody knows you’ve been discreet
But there were so many people you just had to meet
Without your clothes
And everybody knows

Everybody knows, everybody knows
That’s how it goes
Everybody knows

Everybody knows, everybody knows
That’s how it goes
Everybody knows

And everybody knows that it’s now or never
Everybody knows that it’s me or you
And everybody knows that you live forever
Ah when you’ve done a line or two
Everybody knows the deal is rotten
Old Black Joe’s still pickin’ cotton
For your ribbons and bows
And everybody knows

And everybody knows that the Plague is coming
Everybody knows that it’s moving fast
Everybody knows that the naked man and woman
Are just a shining artifact of the past
Everybody knows the scene is dead
But there’s gonna be a meter on your bed
That will disclose
What everybody knows

And everybody knows that you’re in trouble
Everybody knows what you’ve been through
From the bloody cross on top of Calvary
To the beach of Malibu
Everybody knows it’s coming apart
Take one last look at this Sacred Heart
Before it blows
And everybody knows

Everybody knows, everybody knows
That’s how it goes
Everybody knows

Oh everybody knows, everybody knows
That’s how it goes
Everybody knows

8 grues à l’horizon (mais je ne possède pas de lunettes infrarouges)

Jeudi 5 décembre 2002

Aujourd’hui je me suis motivé… pour faire des photos sérieuses (c’est à dire en costume (j’aime bien ce mot ambivalent)). J’avais la voiture, j’étais à peu près bien coiffé (ce qui n’est pas fréquent), je me suis rasé, j’ai mis mon costume, j’ai réussi à retrouver du deuxième coup comment on fait un noeud Windsor et je suis parti en direction de la gare de … où je sais qu’il y a un photomaton. Arrivé sur place je n’avais pas de monnaie et bien sûr il était impossible à la guichetière de la RATP de me faire de la monnaie (sans commentaire). Le temps de trouver de la monnaie je reviens, enlève mon caban, réajuste ma cravate, introduit 2 euros dans la machine et appuie sur le bouton pour faire des photos d’identité. La machine me demande de mettre de l’argent. Je lui répond que c’est fait et appuie à nouveau sur le bouton. La machine, imperturbable, réitère sa demande. Je suis un peu fâché mais il pleut, je me suis mis en costume exprès, je décide de payer car je n’ai pas envie de chercher un autre photomaton. Je me dis que je chercherai à me faire rembourser la somme indûment perçue après. Je fais les photos (pas génial mais ça peut aller). Pendant que la machine développe je retourne au guichet de la gare et demande au guichetier (à 10h30 c’est déjà le deuxième service…) à qui je dois m’adresser en cas de réclamation à propos du photomaton. Il me répond qu’il faut appeler le numéro indiqué. Je retourne à la machine, je sors mon portable et compose le numéro. Je n’attend même pas une sonnerie complète (ce qui est exceptionnel et mérite d’être signalé) avant qu’une dame charmante ne décroche :
- Photomaton service consommateurs bonjour.
- Bonjour Madame, j’ai un problème avec un de vos appareils. Voilà, je suis au photomaton qui est situé dans la gare de … J’ai fait des photos mais la machine m’a pris de l’argent en trop. J’ai mis 2 euros, j’ai appuyé sur le bouton mais la machine m’a redemandé 2 euros. Comment puis-je être remboursé ?
- Vous avez des photos d’identité ?
- Oui.
- Mais monsieur c’est 4 euros les photos d’identité.

Là je lève le nez, je regarde le panneau publiciataire sur l’appareil et je le lis en même temps qu’elle me le dit… L’espace d’une seconde je crois que je vais mourir de honte (ça tombe plutôt bien que je sois en costume). Je me dis que ça pourrait être pire, nous ne sommes qu’au téléphone, elle ne peut pas me voir.
- Ah…Et bien alors je n’ai pas de problème. Merci, bonne journée madame.
- Bonne journée monsieur.

Je me suis discrètement glissé hors de la gare et suis parti sans me retourner pour reprendre la voiture.

En tous cas cette dame était vraiment très agréable. Même si j’étais ridicule je crois que ça l’a plutôt faire rire. Merci madame, ça fait plaisir de tomber sur des gens sympathiques, même dans ces circonstances.

Boogie woogie Christmas

Mercredi 4 décembre 2002

Bon je m’étais dit que je n’achetais plus de CD (ou alors vierges, mais pas trop quand même) mais j’ai craqué. J’ai acheté le dernier du Brian Setzer Orchestra. C’est d’autant plus grave que c’est un disque saisonnier et que je ne l’écouterai sans doute plus d’ici un mois mais bon ça va swinger (cf le titre ci-dessus).

Dans le métro j’ai regardé les gens : tout le monde a des cernes. C’est fatigant le mois de décembre. A l’époque où j’avais encore des cours je me souviens que c’était le mois que je trouvais le plus fatigant. J’arrivais épuisé aux vacances. Dans la rue j’ai vu un side-car avec deux petits enfants dedans. Ils étaient tout emmitouflés sous la capote et devaient bien rigoler tout les deux au milieu des embouteillages du boulevard Saint-Germain. Je suis rentré dans la toute nouvelle (tellement nouvelle qu’elle n’est pas encore totalement aménagée) FNAC Digitale. C’est bôôôôôô… On dirait presque de la science-fiction tellement la concentration de technologie est importante. On y trouve une multitude de jouets superbes. La vraie difficulté est de choisir, dans la mesure de ce qu’on peut s’offrir. Pourtant à regarder tout ça j’ai éprouvé une sensation de futilité. D’aucuns me trouveront difficile et rabat-joie. Pourtant c’est vrai : oui moi aussi j’ai envie de jouer avec tout ça mais combien de temps ? D’autant plus que maintenant il n’y a plus grand chose qui ne soit pas dépassée au bout de six mois. Et puis encore faut-il avoir le temps. Enfin bref j’arrête là sinon je suis parti pour un couplet sur la société de consommation (c’est vrai que le temps passé à apprendre à se servir de tout ça est du temps qui n’est pas passé à se demander ce qu’on fait là et à s’angoisser ; la consommation en général a des vertus anti-dépressives).

Swatch a décliné une gamme de montres ultra-plates baptisées thin, on n’aurait pu choisir nom plus adapté. Les boîtes de CD sont aujourd’hui réduites au stricte minimum et dites thin case. Les téléphones et ordinateurs portables, walkmans (tous supports confondus), appareils photos numériques, camescopes sont eux aussi toujours plus thin. A l’heure où la compression numérique se fait de plus en plus efficace cette thinisation est un peu ridicule. Le matériel poursuit l’immatériel en vain. En effet, il est tout à fait impossible de parvenir à des gains de place du même ordre. A l’extrême on pourrait envisager une réduction de nos mains, solution dont la pertinence me laisse perplexe et pas seulement d’un point de vue esthétique. On nous explique que la taille moyenne des êtres humains augmente régulièrement, ce dont je déduis, peut-être audacieusement, que leurs mains s’allongent proportionnellement (je ne m’inclus pas car je ne suis pas très grand, je risque donc de faire baisser la moyenne et, en plus, j’ai plutôt des petites mains). Dans le même temps on réduit la taille des appareils, principalement à forte valeur technologique, donc ayant, a priori, un futur prometteur (non, non je ne reviendrai pas sur la FNAC digitale, allez vous faire une idée par vous-même). Il n’y aura plus que les enfants à pouvoir physiquement les utiliser. Au fond ça tombe bien ce sont les nouveaux et les futurs rois de la consommation. Au-delà de ce problème pratique, auquel la mise au point de la commande vocale palliera sans doute, à quoi bon gagner de la place sans arrêt ? Pour vivre dans des habitations plus petites, des alcôves de ruche comme au Japon ? Pour être encore plus entassés que nous ne le sommes déjà ? Je me demande pourquoi on ne consacre pas l’énergie et le temps dépensés à miniaturiser tous les appareils (je ne parle même pas de ce que coûte, tous éléments confondus, tout ce qui touche aux questions militaires) [EDIT (car erreur de manipulation et phrase amputée)] pour rendre habitables toutes les régions invivables en l’état, et au passage améliorer la condition des gens qui vivent autour…

Un Concorde de la British-Airways a perdu une de ses gouvernes, ce dont l’équipage ne s’est aperçu qu’à l’aterrissage, qui s’est heureusement déroulé sans encombres. Un spécialiste du Concorde interrogé à ce sujet s’est montré très rassurant : Le Concorde n’est pas plus dangereux que les autres avions. L’égalité règne dans l’aviation civile : on a autant de chances de se planter avec un avion normal qu’avec le Concorde !

Je crois que j’ai des tendances manichéennes assez marquées. Je perds parfois le sens de la nuance. Un exemple : si je ne sais pas tout, je ne sais rien. Alors qu’on ne peut pas être bon partout. On est généralement plutôt doué pour un truc ou deux et assez mauvais, voire totalement nul, partout ailleurs. Ce qui compte c’est d’essayer et de faire de son mieux. Je peux le dire mais je l’oublie facilement. Barbara me dit : tu es très dur avec toi même. Même si je me plains (un peu, enfin pas trop) je déteste l’auto-apitoiement. En fait j’éprouve de réelles difficultés à m’exprimer. Non pas à m’exprimer dans la forme mais dans le fond. J’ai beaucoup de mal à exprimer fidèlement ce que je pense, et je ne parle pas même pas de ce que je peux ressentir. Dès lors que je veux exprimer ce que je pense une barrière se forme indépendamment de ma volonté et me paralyse. Bien sûr ce n’est pas systématique mais c’est fréquent. J’enrage car après coup ou (surtout) lorsque je suis extérieur à une situation, que je ne suis que spectateur je n’ai pas ce problème et je ne perds pas mes idées ainsi. Combien de fois ai-je littéralement perdu des idées sitôt devant une feuille blanche ou devant la personne à qui je voulais parler alors même qu’elles m’apparaissaient très clairement une minute avant. A l’écrit ce n’est pas le pire, au contraire, je suis plutôt à l’aise, sauf quand je panique, c’est à dire essentiellement durant des examens, comme le dernier en date. Dans ce cas-là j’écris n’importe quoi. Je suis allé à une reddition vendredi pour voir ma copie. A la relire et à discuter avec le correcteur qui était présent je ne peux que m’incliner (même s’il est quand même très très pointilleux ; je vous donne un exemple pour que vous ne croyez pas qu’il s’agit simplement de rancoeur : Application et mise en oeuvre ça ne veut pas dire la même chose, vous ne pouvez donc pas annoncer et parler de l’autre). Bref, je me suis ramassé pour avoir paniqué. Si je lisais ça de la part de quelqu’un d’autre je me dirais effectivement que la personne passe à côté. Lorsque j’ai quelqu’un en face de moi c’est aussi de la panique (toutefois il faut relativiser le terme panique, en général le seul signe est que je devrais dire quelque chose et que je ne le dis pas, c’est à l’intérieur que je sais que ça ne va pas). Pourtant durant les oraux (assez nombreux) que j’ai pu passer la panique était stimulante, tout le contraire de l’écrit. Non, la situation typique c’est évidemment lorsque je suis face à une fille qui me plaît. Je ne sais pas le dire ou très mal. Je suppose que c’est ça un manque de confiance en soi. Ce qui me ramène au tu es très dur avec toi même de Barbara (oui ça fait un détour un peu long…). Je ne m’aime pas beaucoup. On me dira : comme la plupart des gens. Seulement je n’ai pas pris cet élément en compte pendant longtemps, et puis ce n’est pas forcément une très grosse consolation. Cependant j’ai des moments où je m’aime bien. Parfois je fais des trucs pas mal mais il faut reconnaître que depuis quelques temps ce n’est pas ça…

En ce moment je pense beaucoup de manière schématique, en trois dimensions. Je pense sphères et polygones. Je vais vous en donner un aperçu.

Je me dis que je ne suis pas moi. Je suis ce que chacun attend. Je tends vers ce que chacun attend. Je m’adapte pour essayer de plaire à tout le monde. Dès lors il n’y a pas d’alternative, je ne peux qu’être une sphère parfaite, lisse, opaque. La forme tournée vers l’intérieur par essence, contrairement à une étoile par exemple (au sens géométrique). La sphère est aussi l’érosion à son paroxysme, quand on ne peut plus déterminer sa nature. L’érosion du regard des autres, non, de l’idée que je me fais de leur regard, de leur avis plutôt. En effet j’ai un physique très banal, ce n’est pas un problème de regard à proprement parler.

Je fais les choses à l’envers, je mets la charrue avant les boeufs. Je ne fais pas ce que je veux quitte à provoquer l’insatisfaction des autres mais au contraire je m’efforce de faire ce que les autres attendent (heureusement ce n’est tout de même pas trop prononcé) ou bien je veux une chose mais je me demande comment l’obtenir seulement après alors qu’il serait plus logique, raisonnable aussi sans doute, de se demander ce je peux obtenir avec ce que j’ai (ah quelle terrible notion que celle de budget mais qui est si indispensable). Le gros risque étant la frustration. Je veux tout et tout faire mais ce n’est pas possible. Ce qui est gênant c’est que je ne fais quasiment rien, trop occupé à me demander si la chose sur laquelle je vais me concentrer sera la bonne. Qu’est-ce que ça veut dire la bonne ?… Celle qui me vaudra la considération des autres. :o/ La solution serait de tout faire alors je me disperse dans tous les sens et je ne m’applique à rien. C’est un cercle vicieux. Le fait de le mettre à plat est peut-être un début pour changer de comportement en la matière.La question est : qu’est-ce que je veux faire ? Etrangement je n’ai jamais trop su y répondre, du moins je n’ai jamais su répondre à cette question terrifiante qu’on assène aux enfants : que veux-tu faire dans la vie ?

Je suis capable d’avoir des réactions qui me semblent normales, naturelles, appropriées, que je conseillerais (même si les conseilleurs ne sont pas les payeurs, ils seraient même plutôt les payés dans notre société) ainsi qu’à les exprimer (comme supra je parle du fond pas tellement de la forme) à peu près correctement à travers un écran. Choses que je fais assez mal en vrai. S’il y a une part de psychologie en jeu il y a également semble-t-il une part physique, au sens propre. Je ne pense pas à mon physique mais à la relation physique, au contact physique et même à la présence. Je me demande pourquoi.

Intimité vient du latin intimus qui est le superlatif de interior. C’est donc ce qu’il y a de plus intérieur, de plus profond, de plus secret et, peut-être, de plus fragile. C’est l’essence (de essencia, de esse, être ; non, je ne me rappelle pas parfaitement de mes cours de latin, j’ai un dictionnaire). Il y a des parts, des faces plus fragiles chez chacun. Il y en a qu’on peut présenter à n’importe qui, qui sont en quelques sortes accessibles à tous, et d’autres, au contraire, dont on ne veut ou même dont on ne peut permettre l’accès qu’à une ou des personnes choisies. L’intimité c’est beau quand c’est partagé. C’est la rencontre, l’ouverture et le contact des faces fragiles, des faces secrètes (des piles quoi), c’est offrir son monde à un visiteur respectueux, admiratif, précautionneux, qui peut se transformer en habitant et réciproquement. C’est sans doute pour ça que si bon et si important de partager un secret, c’est une petite intimité.

J’ai toujours été très intrigué par les lumières la nuit, les fenêtres éclairées au loin. J’ai toujours vécu en ville et j’ai longtemps eu peur du noir, bien que mes grands-parents vivaient alors déjà au fin fond d’une campagne où la nuit est noire comme de l’encre et que j’y passais de nombreuses vacances tous les ans. Qui sont ces gens derrière toutes ces fenêtres ? Que font-ils ? Nous sommes tant que ça ? J’aimais aussi beaucoup les enseignes lumineuses au sommet des immeubles, les lumières oranges qui défilaient à toute vitesse dans les tunnels du périphérique, les lumières qui clignotaient un peu partout. Pour moi le symbole de la présence humaine la nuit c’est une lumière qui clignote, peut-être par analogie avec un battement de coeur. Pas une lumière fixe, un clignotement.

Ce qui précède est déjà très fouillis mais je crains que la fin ne rattrape pas l’ensemble…

Il y a des choses que je vois ou que j’entends, mais que je ne vis pas directement (radio, télé, journaux, net…) qui m’énervent, qui m’agacent, qui m’exaspèrent, que je trouve nulles, déplacées, méchantes, mauvaises mais je n’en parle pas. Je ne veux pas en parler car je ne veux pas leur donner d’écho. Le silence finira par les happer.

Je l’ai déjà citée mais je recommence parce qu’elle est sublime cette phrase de Saint Augustin : Nous chercherions donc comme si nous allions trouver mais nous ne trouverions jamais qu’en ayant toujours à chercher.