Archive pour octobre 2005

Lundi 31 octobre 2005

De mauvaises langues avaient déjà prétendu avoir vu des cheveux blancs sur ma tête mais je viens d’en voir moi-même deux énormes.

Le temps

Dimanche 30 octobre 2005

Le plus court chemin d’un point A à un point B est la ligne droite. La ligne courbe est ainsi toujours plus longue.

J’imagine que c’est pour nous permettre d’avoir un peu plus de temps que les pendules sont circulaires.

(Je n’ai pas écrit pour nous permettre de gagner du temps car cette expression signifie dans son usage courant avoir employé moins de temps que l’on aurait pu pour réaliser une tâche particulière, au profit d’une autre activité, implicitement plus intéressante et/ou importante. En l’occurrence ça n’aurait pas de sens.)

Samedi 29 octobre 2005

“Tu vois ce restaurant, La maison des pancakes, où tu m’as emmenée ce matin pour le petit déjeuner ?”
J’ai répondu oui, vérifié l’heure, et j’ai balancé ma valise sur le siège arrière de la voiture de location.
“Eh bien, j’y prends mon petit déjeuner tous les mercredis. C’est sur mon chemin quand je vais garder des enfants le mercredi, et cette semaine il s’y est passé quelque chose de curieux. J’étais assise toute seule au fond, là où il y a cette longue banquette en fer à cheval, et j’avais déjà à moitié fini mon petit déjeuner quand j’ai remarqué qu’au bout de la banquette était assis un homme. Il était à peu près de ton âge, jeune, mais sale et l’air minable. Surtout sale, alors j’ai détourné les yeux et j’ai continué à manger mes oeufs et mon toast.
“Et puis j’ai vu qu’il me regardait comme s’il me connaissait et qu’il n’osait pas vraiment me parler. J’ai souri au cas où je le connaîtrais - je connais à peu près tout le monde dans le voisinage, maintenant. Mais c’était un inconnu. Et sale. On voyait qu’il buvait depuis des jours.
“Alors je lui ai fait un sourire et je lui ai dit : “vous avez besoin d’aide, n’est-ce pas, monsieur ?” Il avait vraiment besoin de se raser, ses habits étaient dégoûtants, tout déchirés, ses cheveux en broussaille. Tu vois le genre. Il avait pourtant quelque chose de pathétique dans le regard qui me poussait à lui parler. Mais honnêtement, Russell, je ne pouvais pas. Non, je ne pouvais pas. Il était si… enfin, si sale.
“Bref, quand je lui ai adressé la parole, juste ces quelques mots, il a eu l’air d’émerger d’un brouillard et il s’est soudain redressé comme s’il avait peur que je me plaigne au personnel et que je le fasse jeter hors du restaurant. “Quoi ? C’est quoi que vous m’avez dit ?” a-t-il demandé. Sa voix était faible, mais il essayait de lui donner du volume, alors c’était sorti fort et comme cassé. “Rien, j’ai répondu, rien.” Je me suis détournée de lui, j’ai vite fini mon petit déjeuner et je suis partie.
“Cet après-midi là, en revenant à pied de mon baby-sitting, je suis rentrée dans le restaurant pour voir s’il était là. Mais il n’y était pas. Le lendemain matin, jeudi, j’ai refait tout le chemin à pied pour voir s’il y était, bien que je ne prenne jamais mon petit déjeuner le jeudi à La maison des pancakes. Il n’y était toujours pas. Et hier, vendredi, j’y suis retournée une troisième fois. Mais il n’y était pas.” Elle est tombée dans un silence méditatif en regardant ses mains.
“Est-ce qu’il y était ce matin, ai-je demandé en me disant que le sens de son histoire avait peut-être à voir avec quelque vague coïncidence.
- Non a-t-elle dit. Mais je ne m’attendais plus qu’il y soit ce matin. J’avais arrêté de le chercher hier.
- Oh. Et pourquoi tu m’as raconté tout ça, alors ? Ca parle de quoi ?
- De quoi ? J’en sais rien. De rien, sans doute. J’avais pitié de cet homme, voilà. Et comme j’ai eu peur, je me suis tue et je l’ai laissé seul.” Elle étudiait toujours ses petites mains.
“De quoi est-ce que tu avais peur ?
- Tu sais bien. De paraître bête et naïve. De le mettre en colère contre moi.
- C’est tout à fait normal, ai-je dit en l’entourant de mes bras. Tout le monde a peur de ça.”
Elle a mis son visage contre mon épaule. “Je sais, Russell, ej sais. Et pourtant…”

L’ange sur le toit, En guise d’introduction, Russell Banks

Jeudi 27 octobre 2005

Memento

J’ai lu dans La soumission librement consentie de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois un court développement à propos du principe de la réversibilité décisionnelle qui a particulièrement retenu mon attention.

Ce principe qui consiste à ne jamais prendre une décision sans se doter en même temps des moyens d’en changer se décline en quatre grandes règles dont le respect doit permettre de se désengager d’une décision ou d’une suite de décisions aux conséquences préjudiciables :

1/ Se donner a priori des critères clairs permettant de savoir si la décision que l’on est sur le point de prendre aura bien les effets escomptés.

2/ Se donner, sur ces critères et toujours a priori, des objectifs quantitatifs et temporels. Il s’agit donc à la fois de choisir des indicateurs non ambigus et de déterminer à quel moment on va pouvoir les examiner. Ce moment, le jour J, peut coïncider avec des échéances que l’on ne maîtrise pas mais ce moment le plus souvent ne nous est pas imposé. Il nous appartient donc expressément de le choisir. A le choisir, autant bien le choisir. On le choisira, évidemment, le plus court possible, afin de ne pas persévérer bêtement dans un cours d’actions infructueux. Il doit néanmoins, cela va sans dire, être suffisamment long pour permettre l’obtention d’informations fiables.

3/ Décider, encore a priori, de l’écart par rapport aux objectifs au-delà duquel on renoncera à al décision.

4/ Le jour J, évaluer les effets de la décision et en tirer, sans plus attendre, les conséquences. Chaque jour qui passe si d’aventure la décision s’avérait mauvaise, est un jour de trop.

Si ces règles peuvent paraître élémentaires leur application scrupuleuse ne nécessite pas moins de se faire violence.

La définition a priori de critères, d’objectifs et d’un seuil de renonciation est la condition sine qua non de l’efficacité de la mise en oeuvre du principe de réversibilité décisionnelle. A défaut on prend le risque de faire soi-même son malheur en sacrifiant au pénible sentiment (qui m’a déjà coûté fort cher) d’avoir trop investi pour abandonner.

Le fait de se tromper est une composante inéluctable d’un monde que l’on dit complexe et en perpétuel évolution. On peut légitimement me reprocher de persister dans l’erreur mais pas de m’être trompé.

Je dois m’accorder le droit à l’erreur mais ne pas tolérer de persister à respecter des décisions qui, pour avoir été bonnes hier, ne le sont plus aujourd’hui et a fortiori des décisions qui ne l’ont jamais été.

You may kiss the bride

Mercredi 26 octobre 2005

Avertissement : * Spoiler * à ne lire qu’après avoir vu le film.

Le dernier film d’animation de Tim Burton est encore chaud que je me détourne du chemin de la maison en rentrant du bureau afin d’assouvir ma curiosité attisée depuis quelques temps déjà par un magnifique site tout en ébréchant la monotonie des semaines d’automne.

J’ai été enchanté par ce nouvel opus sur lequel il paraît que Tim Buton aurait travaillé durant dix années, ce qui ne semble pas totalement improbable tant ce film fait la synthèse des oeuvres précédentes de son auteur/réalisateur.

C’est en errant dans la forêt que Victor, libéré de la pesanteur du monde des vivants, épouse Emily en lui passant son alliance par inadvertance après avoir prononcé les serments du mariage.

La situation n’est pas sans lui poser problème puisque non seulement il est promis à Victoria mais de surcroît Emily est morte.

Elle l’entraîne néanmoins dans le monde des morts où en dépit de son désarroi il découvre une population beaucoup plus sympathique, attrayante et haute en couleur que celle qu’il a quittée.

Il va s’efforcer de retourner “en haut” pour retrouver Victoria.

Tim Burton est véritablement passé de l’autre côté du miroir et propose une inversion assumée de la vie que les morts incarnent infiniment plus que les vivants.

L’opposition entre les deux mondes est marquée et définitivement consommée. Les morts se parent de toutes les couleurs, chantent, dansent, jouent de la musique, accueillent moult émotions là où le monde des vivants se déclinant sur une palette unique et maussade de gris proscrit la musique et n’abrite que les sentiments les plus sombres à l’exception de l’amour de Victoria.

Une fois n’est pas coutume, le héros burtonien de ce film n’est pas un homme (comme Pee-Wee, Beetlejuice, Batman, Edward, Jack Skellington, Ed Wood, Ichabod Crane, Will (dont le père s’appelle Edward mais c’est une autre histoire) ou Willy Wonka), mais une femme : Emily qui a un air de famille troublant, notamment la bouche, avec Emmanuelle Béart. Si vous croyez que je fabule je ne suis en tout état de cause pas le seul.

Il est difficile de résister à la tentation de l’interprétation biographique. Si le héros burtonien typique du film est incontestablement Emily, il n’en demeure pas moins que c’est vraisemblablement Victor qui incarne Tim Burton lui-même. A cet égard Emily incarne la part “inadaptée” de Tim Burton avec laquelle Victor s’est uni par inadvertance “pour le meilleur et pour le pire” en fuyant le monde des vivants dans lequel il ne se sent manifestement pas à sa place.

Et pourtant c’est le monde des vivants, vivement secoué par une visite mortelle, que Victor choisira en définitive. Ce choix ponctué d’une image magnifique peut être interprété comme une déclaration d’amour à Helena Bonham Carter, sa véritable et vivante femme, quoique celle-ci prête sa voix au personnage d’Emily dans le film (le personnage de Victoria ayant la voix de… Emily Watson).

On relèvera que Victor fait ce choix après que les morts aient rendu visite aux vivants, bien plus heureux de les retrouver que de se retrouver entre eux, sans d’ailleurs qu’on ait vu repartir les défunts dont a fortiori Emily qui n’est assurément pas retournée parmi eux.

En ce qui me concerne j’ai particulièrement apprécié le premier numéro dans le bar du monde des morts rythmé par le swingant Remains of the day composé sur mesure, comme le reste de la bande originale, par Danny Elfman, qui m’a rappelé la scène des Aristochats dans laquelle les chats jouent sur les toits un Everybody wants to be a cat déchaîné.

Enfin vous remarquerez que l’affiche du film elle-même reflète l’idée d’inversion du film puisque l’image d’Emily y est justement inversée comme dans un miroir. Toutefois je soupçonne que cette inversion ait pour unique objectif de mettre en valeur le bras osseux d’Emily afin d’insister sur son côté cadavérique.

Bribes

Mardi 25 octobre 2005

- J’ai sorti ma queue, elle doit être dégelée maintenant.

(non, ce n’est pas le yéti qui parle à sa chérie mais ma mère qui parle de la queue de poisson qu’elle a sorti du congélateur pour le dîner)

Bribes

Mardi 25 octobre 2005

J’ai lu dans une lettre reçue au bureau ce magnifique lapsus d’un monsieur qui nous écrivait qu’il valait mieux que nous nous adressions directement à quelqu’un d’autre, le fait de passer par son intermédiaire risquant de générer une précieuse perte de temps.

J’ose à peine imaginer combien il aimerait pouvoir perdre un peu de temps.

Bribes

Mardi 25 octobre 2005

- Tu me fais penser à Jean-Claude Van Damme quand tu parles comme ça.
- On a tous un petit côté Jean-Claude Van Damme.
- …
- J’te jure, on a tous nos moments Jean-Claude Van Damme.

Inversion traductive

Mercredi 19 octobre 2005

La Cité des sciences et de l’industrie de La Villette organise une exposition consacrée à la saga Star Wars. A peu près tous les matins dans le train je vois l’affiche qui m’inspire la réflexion suivante :

Star Wars means literally A star and SEVERAL wars, or la traduction française est LA guerre DES étoiles.

Bribes

Mardi 11 octobre 2005

C’est comme si mes espoirs ne fonctionnaient pas.