Sa place
Vendredi 30 mai 2003On connaît dans la vie des périodes de rébellion, de remise en cause, de colère, de rejet. On aimerait parfois être un autre, être d’ailleurs, d’un autre lieu, d’un autre temps. Seulement voilà on en vit qu’une fois et l’homme, animal social, a composé une société, des sociétés si vous préférez, organisée(s). Chacun à sa place et je ne suis pas sûr que l’on puisse dire que la réciproque soit vraie. Divers groupes qui parfois se superposent (pas seulement pour se reproduire, d’autant plus que lorsqu’il s’agit de se reproduire ils ne se superposent pas tellement) composent notre société. Le hasard nous fait appartenir à tel ou tel groupe et le jour où l’envie de quitter notre groupe nous taraude nous devons faire face à la réalité : on ne change pas de classe sociale car ce n’est pas de notre fait, notre volonté n’y suffit pas. L’appartenance à une classe sociale est le fait des autres, tant de nos pairs que de nos contemporains qui forment (tout autant malgré eux) les autres classes qui composent la société. Si l’on est considéré comme appartenant à telle classe, on n’aura beau se déguiser de toutes les manières rien n’y fera. Au pire on apprendra à ses dépends que la reconnaissance de ses pairs est plus facile à perdre que celle des autres l’est à gagner. Même le voile de l’argent si prégnant aujourd’hui ne suffit pas à cacher ses origines. Changer de classe sociale c’est comme s’expatrier. On aura beau tout faire il restera toujours quelque part en nous la trace de notre milieu d’origine. On ne peut pas s’en départir, ce serait oublier son éducation, son enfance, ce serait se renier et donc n’être plus rien. Les périodes de rebellion, je pense à l’adolescence en particulier, ne servent presque toujours qu’à mieux revenir parmi ses pairs. Revenir le coeur léger d’être sûr qu’on est ici à sa place ou bien le coeur amer de devoir courber l’échine parce qu’on a réalisé qu’on ne pouvait être nulle part ailleurs.