Archive pour septembre 2005

Pas si superficiel que ça

Jeudi 29 septembre 2005

Je rencontre fréquemment une assimilation entre superficialité et légèreté. Je ne suis pas d’accord. Ces deux termes ne sont pas systématiquement synonymes. On peut être léger sans nécessairement être supercifiel.

Ma rentrée littéraire (personne ne m’avait prévenu !)

Mardi 27 septembre 2005

En flânant à l’heure du déjeuner dans les rayons de la FNAC j’ai découvert par un heureux hasard que Martin Page avait publié un nouveau roman intitulé On s’habitue aux fins du monde sur lequel je me suis précipité oubliant toutes mes bonnes résolutions relatives à la lecture et à mes finances.

Les oeuvres de Martin Page qui est le seul auteur que j’ai rencontré volontairement et dont je possède un exemplaire dédicacé sont autant de filons truffés d’idées merveilleuses ou au moins excellentes dont je me délecte à chaque nouvelle parution.

Toutes les deux pages je voudrais en recopier trois.

Néanmoins je ne résiste pas au plaisir d’en consigner quelques brefs extraits.

Il y avait des jours où Elias croyait avoir réussi : ils vivaient la vie de leurs voisins, et après tout c’était son objectif, vivre la vie de quelqu’un d’autre. Puis, à cause d’un détail, d’un mot pris pour un autre ou d’un coucher de soleil mélancolique, Clarisse retombait. Et il tombait avec elle.

***

Il y a une différence entre savoir la vérité et se l’entendre dire. Quand on l’a à l’intérieur de soi, on la cajole, car on la transforme vite en animal domestique. On la caresse, on la couvre de couvertures et on la corrompt avec toutes ces nourritures que nous produisons dans notre esprit. On la fredonne aussi, alors ce n’est plus qu’un chanson qui nous fait pleurer sur notre propre sort.

Le meilleur service que puissent nous rendre nos proches est de nous apprendre ce que nous savons déjà. Elias se doutait de la raison de son amour pour Clarisse. Il avait juste besoin que quelqu’un articule les mots qui flottaient dans sa tête.

[…]

- L’alcool me rappelle Clarisse.
- L’alcool vous rappelle son alcoolisme. C’est très différent. Qui regrettez-vous ? Clarisse ou sa maladie ? Est-ce que vous avez vraiment envie de m’entendre dire des choses désagréables ?
- Je crois que c’est assez pour aujourd’hui. C’est assez pour longtemps.

***

- Je suis un peu à cran. Il ont retiré les penne aux poivrons et au parmesan de la carte du Roma. Et puis, Clarisse me trompe.
- L’idiote. Tu en es sûr ? Qu’est-ce qui te fait croire ça ?
- Le fait qu’elle ait un amant a éveillé mes soupçons.

***

- … Merde, rappelle-moi, au fait, pourquoi Dieu a inventé la vieillesse ?
- Parce que certains ne regrettent pas leur jeunesse.
- Mauvaise réponse. C’est parce que les corps vieux sont plus facilement biodégradables.

***

Tant de fois Elias aurait voulu dire : blessures, laissez-moi vous refermer. Mais il avait résisté. Il ne faut pas guérir, sinon les êtres aimés sont supprimés une deuxième fois. Il y a une fidélité au malheur que les bien portants ne peuvent pas comprendre. La fidélité au malheur est un patriotisme, un sentiment fort et beau, le refus de l’oubli de ceux qui sont tombés et de nos émotions d’alors.

***

Il ne faut pas faire confiance à ceux qui ont peur de la solitude, car ils n’ont jamais été vraiment seuls. Ils prennent des expédients pour pallier le vide de leur imagination, des hommes, des femmes, de l’alcool. Ils ne savent pas qu’on ne comble pas sa solitude. Elle n’a pas de fond. Il ne sert à rien de la fuir. La solitude est une maîtresse qui nécessite qu’on lui soit indidèle.

Ca me rappelle une phrase Christian Bobin que, pour être fidèle, j’ai mis 5 minutes à retrouver dans un vieux carnet : Aimer, c’est prendre soin de la solitude de l’autre sans jamais prétendre la combler, ni même la connaître.

Dans la rue

Dimanche 25 septembre 2005

Il était si honnête que lorsqu’il trouvait une pièce de monnaie ou même un billet par terre il le rendait immédiatement au premier mendiant qui croisait son chemin.

Sauvé

Dimanche 25 septembre 2005

On avait été appelé pour une tentative de suicide. On est arrivé juste avant le SAMU. On rentre dans l’appartement et on commence à parler avec le type qui avait pris des médicaments mais qui était toujours conscient. Il faisait un doctorat en mathématiques. Sur la table il y avait plusieurs livres ouverts, tous de maths forcément. Mon chef de brigade en a pris un et à commencer à le feuilleter. Il se tourne vers le gars qui venait de tenter de se suicider et il lui demande avec un air tout à fait naturel : “vous préparez le concours de gardien de la paix ?”

Tout le monde était écroulé de rire y compris le type qui voulait mourir un quart d’heure avant.

En roue libre

Jeudi 22 septembre 2005

Je picole en mangeant des chips qui seraient périmées. Je ne vois pas de différence avec des chips non périmées. J’ignore si c’est dû à l’alcool ou s’il s’agit seulement d’une DLC particulièrement pessimiste.

Ah oui, j’écoute Use your illusion II des Guns n’ Roses aussi.

La situation est donc sérieuse mais sans doute pas encore critique alors que j’ai justement lu il n’y a pas deux heures que la régression peut être à l’origine de certains problèmes. Il s’agit d’un retour à une phase antérieure du développement psychologique. Selon Freud, lorsque nous sommes stressés, nous sommes particulièrement vulnérables à la régression. Compte tenu du fait qu’il ne reste que vendredi avant de finir la semaine, je devrais m’en sortir.

L’ouragan Rita qui s’apprête à ravager le sud des Etats-Unis et surtout, il faut bien le reconnaître, le budget essence (qui est ridicule pour moi mais je ne suis pas indifférent au sort de mon prochain, même quand je suis devant lui dans les embouteillages ou carrément, le plus souvent, dans les transports en commun… des mortels), me fait irrésistiblement penser à la chanson Lovely Rita des Beatles.

Doux amer

Lundi 19 septembre 2005

Avec Calliope, Arthur et Stanislas nous sommes allés voir Ma vie en l’air de Rémi Bezançon.

J’ai beaucoup aimé quoique j’ai eu la sensation que pour chaque éclat de rire il y avait un éclat de verre.

Ca doit être un film de trentenaire.

Comment ai-je rompu avec ce mot ?

Dimanche 18 septembre 2005

Pourquoi a-t-elle rompu avec moi ?

En lisant cette phrase il y a quelques jours j’ai eu exactement la même sensation que lorsque je retrouve enfin un mot qui m’échappait depuis longtemps.

Ce n’est pas la question qui a produit cet effet, c’est l’expression rompre avec et même plus particulièrement le verbe rompre.

J’ai déjà dit elle m’a quitté, je l’ai quittée, nous nous sommes séparés mais je réalise que je n’emploie jamais le verbe rompre. Il m’est arrivé de penser qu’il y avait sans doute une autre manière de le dire mais je ne me souviens pas avoir pensé à ce mot là. Il m’est tout simplement inaccessible. Il ne fait pas partie du vocabulaire disponible pour m’exprimer.

Je ne l’ai compris qu’en le lisant. Je fais un blocage psychologique sur le mot rompre nonobstant le fait que l’oxymore aigu né de l’association des mots rompre et avec me heurte. Pourquoi mon esprit occulte-t-il ce mot ? J’incline à penser que j’associe l’idée de rupture un caractère trop définitif et donc trop grave pour pouvoir même l’exprimer. C’est insupportable.

Je crois que l’idée de séparation à laquelle je rattache plus facilement le verbe quitter me semble plus supportable parce qu’elle n’a pas à mon sens ce caractère irrévocable. Se retrouver demeure possible après la séparation alors que rompre reviendrait à casser quelque chose sans disposer d’aucun moyen de réparer.

J’ai justement retrouvé ce passage que j’avais recopié d’Avec vue sur la mer écrit par Didier Decoin :

Je ne supporte pas l’automne, le café à la fin du repas, la veille de la rentrée scolaire, le dimanche soir, le crépuscule, l’idée que le soleil n’en a plus que pour cinq milliards d’années, le soupir résigné de l’ours qui va hiberner, les caisses qu’on enfourne dans les camions déménagement, le pavillon de chasse de Mayerling, la fin des Parapluies de Cherbourg et “La dernière classe” d’Alphonse Daudet - tout ce qui achève et s’échève.
Je ne sais pas m’en aller doucement. Au risque de passer pour indifférent, infidèle et léger, je ne peux quitter les êtres et les choses que brusquement.

Pourquoi est-ce si grave pour moi qu’une séparation soit définitive ?

Ca ne fait pas de mal d’avoir aussi le dessert à l’intérieur de soi

Dimanche 18 septembre 2005

Date d’expiration

Dimanche 18 septembre 2005

Depuis une semaine j’ai une nouvelle carte d’identité.

C’est le genre de détail anodin qui donne un coup de vieux qui l’est beaucoup moins.

Ce n’est que la troisième carte d’identité de ma vie.

La première était à l’ancien format de ces cartes en carton couleur mastic qui se pliaient en deux. Elle comportait la photo d’un enfant fixée par deux rivets ainsi que l’inévitable tampon sec qui a aujourd’hui disparu.

Je ne me souviens plus à quelle occasion elle avait été établie mais je sais que c’était avant 1986. En effet, à l’époque c’était un document dont la durée de validité était déjà de dix ans. Or j’ai demandé ma seconde carte d’identité en 1996 pour pouvoir partir en vacances en Tunisie avec Octave, Romuald et un troisième type, car la précédente n’était plus valide. J’avais vingt ans.

J’avais opté pour une carte d’identité plutôt qu’un passeport car l’une comme l’autre permettait indifféremment d’entrer, et de ressortir, de Tunisie mais la carte d’identité coûtait moins cher et avait une durée de validité deux fois plus longue.

Cette seconde carte d’identité était déjà la carte sécurisée dont le modèle est toujours en vigueur.

Il y a neuf ans je suis donc parti en vacances en Tunisie avec des amis. La date de validité de ma carte d’identité, en 2006, m’avait alors paru extrêmement éloignée. C’était après la fin de la fac, même dans la pire des hypothèses. C’était une date irréelle, trop lointaine pour être jamais atteinte. Un peu comme le 25 décembre quand j’étais petit sauf que là je n’avais même pas envie d’y arriver.

En juillet dernier, assis dans le bureau de l’état civil, j’avais beau me rassurer en me disant que nous n’étions qu’en 2005, la date d’expiration de ma carte d’identité m’apparaissait comme une réalité très proche. Comme toujours, ce n’est pas tant le terme que le délai qui retenait mon attention conformément au principe qui veut que l’attention soit fixée sur le terme tout au long délai qui le précède pour ne s’intéresser au délai proprement dit qu’une fois le terme atteint. A cet égard je devrais essayer de m’imprégner un tant soit peu de la pensée Bouddhiste et tout particulièrement d’un de ses préceptes fondamentaux qui est de faire l’expérience de la vie telle qu’elle est. Il s’agirait de se concentrer un peu sur le moment présent.

Ma première impression est qu’il ne s’est pas passé grand chose depuis 1996. Quand je commence à me souvenir des détails, l’accumulation me fait rapidement revenir sur cette première impression mais sans que je parvienne à m’en détacher tout à fait.

En tout état de cause le premier fait qui me vient à l’esprit c’est qu’Octave et Romuald sont toujours mes amis. Ensuite j’ai repensé à quelques épisodes et j’ai commencé à réaliser que se détachaient particulièrement de la masse de très beaux jours et des moments clés, pas forcément aussi agréables.

J’ai été arrêté par la peur d’en dresser une liste exhaustive. Le symptôme de la fin m’attend toujours à l’orée du bois… Je n’ose pas faire un bilan. Rien que le mot lui-même me déplaît. J’ai bientôt trente ans.

En fait ce n’était pas une demande de carte d’identité que j’étais venu déposer à la mairie mais une demande de passeport. J’ai profité de l’opportunité pour faire d’une pierre deux coups car ma carte d’identité arrivait bientôt à expiration et que ce document est aujourd’hui gratuit.

J’ai donc également un passeport à présent… pour un voyage que je ne ferai pas.

Contre toute attente, renversant le fameux adage selon lequel la fonction crée l’organe qui avait pourtant prévalu à ma demande, le fait de disposer d’un passeport m’incite à voyager.

Reste à régler la question du financement.

Killing time at home

Samedi 17 septembre 2005

Un autre film d’animation recommandé par Max Castle via les commentaires d’Owen.

Ca me fait penser à un clip de Radiohead.