Nicolas Sarkozy, fraîchement élu, avait annoncé que sa première décision de Président de la République serait de faire lire chaque année dans tous les lycées la dernière lettre de Guy Môquet, jeune résistant fusillé à 17 ans en 1941.
Ainsi, demain, lundi 22 octobre, date anniversaire de l’exécution des 27 résitants parmi lesquels se trouvait Guy Môquet, le personnel enseignant des lycées est invité à lire cette lettre aux élèves conformément à la Circulaire n°MENE0701517N du ministre de l’éducation nationale et ses annexes publiées au Bulletin Officiel du Ministère de l’éducation nationale n°30 du 30 août 2007.
Cette circulaire ayant provoqué un certain chahut, le porte-parole de l’Elysée, David Martinon, a pris soin de préciser que toute “logique de sanction” était écartée, confirmant ainsi que les enseignants étaient “invités” à lire cette lettre et non pas “obligés” de le faire.
En effet, pas d’obligation sans sanction.
Il est pour le moins opportun que l’hypothètique refus de lecture d’un tel document ne soit pas sanctionné.
Au demeurant, les médias se feront un plaisir de désigner ceux qui auront refusé de répondre à la circulaire et qui provoqueront, à n’en pas douter, l’incompréhension et les regrets du Président.
Le texte de cette lettre dont la lecture est controversée est le suivant :
“Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,
Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas ! J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui je l’escompte sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée.
Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans 1/2, ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine.
Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon cœur d’enfant. Courage !
Votre Guy qui vous aime.
Guy
Curieusement, il semble qu’il existait un post-scriptum (“Dernières pensées : Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !”) qui a disparu de la version de la lettre figurant parmi les annexes de la circulaire précitées.
Il sera rappelé que Guy Môquet, alors lycéen, fut arrêté en octobre 1940 alors qu’il distribuait des tracts de propagande communiste qui était alors interdite.
Il sera fusillé un an plus tard avec un groupe de 26 autres communistes, tous désignés par le ministre de l’intérieur français de l’époque, en représailles de l’assassinat d’un officier allemand, Karl Hotz, par des résistants communistes. Il était le plus jeune du groupe.
Ne conviendrait-il pas, pour ajouter à l’éclaircissement du contexte, de lire également le poème, non moins édifiant, saisi sur Guy Môquet le jour de son arrestation et divulgué par le contre journal de Libération ?
« Parmi ceux qui sont en prison
Se trouvent nos 3 camarades
Berselli, Planquette et Simon
Qui vont passer des jours maussades
Vous êtes tous trois enfermés
Mais patience, prenez courage
Vous serez bientôt libérés
Par tous vos frères d’esclavage
Les traîtres de notre pays
Ces agents du capitalisme
Nous les chasserons hors d’ici
Pour instaurer le socialisme
Main dans la main Révolution
Pour que vainque le communisme
Pour vous sortir de la prison
Pour tuer le capitalisme
Ils se sont sacrifiés pour nous
Par leur action libératrice.»
En fait, je me demande si la diffusion du film de Jean-Pierre Melleville, L’armée des ombres, ne parlerait pas plus aux lycéens du 21ème siècle.