Episode de vacances I

Eléonore semblait contrariée. Nous avons commencé à nous avancer. La soeur d’Octave devant, Octave et moi légèrement en retrait. Je sentais qu’il hésitait. J’ai rejoint sa soeur. Nous nous sommes assis sur le bord de la route. Les voitures passaient près. Il faisait frais. Nous avons décidé de passer le pont. Octave pourrait nous rattraper s’il changeait d’avis. Nous nous sommes retournés une fois puis nous avons marché droit jusqu’à la plage. Nous discutions sans discontinuer. Je l’écoutais plus que je ne parlais. J’ai réalisé que nous partagions certaines idées. Nous avons longé le bras de mer. La marée montait. Nous avons regardé les énormes blocs de roche qui composent la digue et quand elle a voulu que nous montions dessus pour continuer notre avancée droit vers la mer elle m’a plu. Je l’ai suivie. J’avais peur qu’elle glisse. Je restais derrière elle pour la rattraper. Il y avait du vent et de la bruine. Nous continuions à parler. L’eau montait et venait lécher nos semelles. Elle a perdu l’équilibre une seconde et j’ai tendu le bras. Nous avons continué d’avancer. Nous devions aller au bout de la digue. C’était une sorte de défi. Nous cherchions le meilleur itinéraire sur le dos humide des rochers. Nous nous sommes arrêtés avant l’extrêmité. Et si nous nous trouvions encerclés ? Je lui raconte que lorsque j’étais enfant cela m’est arrivé. Je ne savais alors pas nager. Un inconnu était venu me chercher. Elle me regarde et me suggère que nous rebroussions chemin. Je crois qu’elle regrette que nous ayions échoué alors j’acquiesce pour que nous n’échouions pas littéralement. J’aime le point d’honneur qu’elle a mis dans cet acte gratuit qui révèle tel un prisme la part d’enfance qui reste en chacun. Les adultes sont passés de l’autre côté du prisme qui ne leur révèle alors plus que la puérilité des actes inutiles, vidés de sens, comme des coquillages sur la grève dans lesquels ils n’entendent plus la mer mais l’écho de leur propre oreille. Nous convenons que ce n’est que partie remise. Nous sommes revenus avec la mer à nos trousses. Un dernier saut et nous avons touché le sable puis retrouvé Octave et Eléonore au bout de la plage.

Le soir elle proposa que nous allions nous promener sur la plage. Nous trouvâmes quatre paires de bottes. Il faisait nuit. J’inscrivis dans un coin de ma tête que la prochaine fois que j’allais à la mer il faudrait absolument que je m’équipe d’une paire de bottes en caoutchouc. Nous avons traversé la route et sommes descendu sur la plage. La plage est longue. La mer était basse. Je pataugeai dans l’eau. Nous avons marché vers les lumières de la ville au loin. Le néon bleu au dessus du bar du port était notre sémaphore. Elle m’a glissé dans le noir que nous pourrions bien aller jusqu’au port. Elle a ajouté que nous ne pouvions pas essuyer deux échecs le même journée, ce serait trop dur. Nous devions nous racheter pour avoir reculé sur la digue. Elle ne m’a pas vu sourire. Octave nous a vu venir. Il sait que c’est typiquement mon genre d’idées. Il n’avait peut-être pas imaginé que ce serait aussi celui de sa soeur. Eléonore trouvait que nous marchons trop vite. Elle a tenté de résister un peu à notre projet. Elle n’avait pas mis ses lentilles. Tout était flou. Il faisait nuit de toutes façons. Moi-même je ne voyais pas grand chose. Nous marchions d’un pas décidé. Cette fois nous irions au bout de notre chemin. Nous avons atteint non sans fierté le chenal. Nous nous sommes adossé aux brise-lames. Quelques minutes de repos avant de revenir sur nos pas. J’ai l’impression qu’il faisait encore plus noir. Il n’y avait plus loin sur notre gauche que les lampadaires de la rue. J’ai eu envie de retourner marcher dans l’eau. Je me suis éloigné d’eux d’un bon pas pour me maintenir à leur niveau. Je marche dans le noir. Je ne vois pas mes pieds. Je n’entends pas le ressac. J’avance. J’éprouve une sensation très étrange. J’avance dans le noir complet, j’aligne mes pas sans jamais rien rencontrer sinon parfois une flaque. De temps en temps je me retourne pour essayer de deviner leurs trois silhouettes. C’est le seul élément qui me permet de réaliser que je m’éloigne mais je ne rencontre pas la mer. Le temps semble dissous, je pourrais avancer ainsi pour l’éternité. J’ai les yeux grands ouverts mais je suis comme aveugle. J’avance pourtant sans précaution ni crainte.

Je n’ai pas atteint la mer. Le lendemain nous sommes rentrés à Paris avec Octave et nous les avons laissées toutes les deux là-bas pour quelques jours supplémentaires.

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