Samedi
J’avais un entraînement de cinq heures sur table samedi matin, comme chaque samedi depuis le début du mois. Au bout d’une heure je ne suis déjà plus dedans. Les lignes du dossier glissent sous mes yeux sans que je les vois passer. L’heure tourne, je ne trouve pas de plan, je m’enlise et je décroche complètement. Je me fais la remarque que toutes les fois où je suis en amphi je me disperse alors que lorsque je suis en salle ça se passe bien. Cela révèlerait-il un sombre traumatisme hérité de mes années de fac ? (mes études n’ont pas toujours été drôles surtout au moment des partiels). Ou bien est-ce un problème purement physique ? En effet, je me trouvais dans un pseudo-amphi, c’est à dire que le sol était plat et qu’il n’y avait qu’à peine cent places mais les tables étaient d’une seule pièces par rangée et les strapontins inconfortables. La configuration était la même qu’à la fac : l’assise a été conçue pour des gens qui mesurent un mètre trente mais possèdent des bras démesurément longs par rapport à leur taille et pèsent 180 kilos . Il n’y a guère qu’avec cette morphologie que vous puissiez écrire sans adopter une position inconfortable. Sinon soit vous êtes assis au bord du siège et il est difficile de ne pas avoir mal au dos au bout de cinq heures, soit vous vous adossez mais il est alors impossible d’atteindre la table et vous écrivez sur vos genoux.
Je ressors de là au bout de quatre heures et demi car ça ne sert vraiment plus à rien de rester plus longtemps. Il est trop tard. La durée je la connais déjà bien. Je suis d’une humeur tranchante comme une lame de rasoir. Depuis le temps que je fais des trucs comme ça et que je m’entraîne sur cet exercice en particulier je ne devrais plus jamais me retrouver dans une situation d’échec pareille, pseudo-phobie inconsciente de l’amphi ou pas. Il faut que je marche. Je ne cède pas à l’envie de m’enfoncer totalement comme je ne cèderai pas à l’envie d’acheter un Totoro en peluche tout à l’heure, j’essaie de me rassurer. Je remonte la rue des Archives, bifurque dans la rue des Quatre fils puis file tout droit : rue de la Perle (place de Thorigny il y a ce magasin de bijoux fantaisie dont j’aime le contenu de la vitrine mais où je n’ai jamais rien acheté faute d’en avoir l’opportunité), rue du Parc Royal, rue Saint Gilles. Je traverse le boulevard Beaumarchais pour récupérer la rue du Chemin Vert que je remonte jusqu’au Père Lachaise. Je me laisse flâner boulevard de Ménilmontant le temps de manger un panini, puis je me glisse et me perds dans les petites rues du carré Chemin Vert/Ménilmontant/Charonne/voltaire. Non, c’est faux, je ne me perds pas. Il faut avoir un but pour se perdre. J’erre. Je ne connais pas trop ce quartier là. Ca me plaît. Je flâne. Je m’assois Square de la Roquette. Je téléphone à mon père. Je vais revenir dans ce coin là…