La magie de l’amour, c’est qu’il rend beau, et qu’au lieu de rendre la justice, il propose la justesse.
Francis Dannemark - La grève des archéologues ;o)
Aujourd’hui je suis allé monter le nouveau lit de Calliope qui s’apprête à emménager dans son nouvel appartement. J’ai fait la rencontre de son propriétaire et j’ai été saisi par sa ressemblance avec Jacques Brel. On ne pourrait pas les confondre mais ils ont des traits communs au niveau de la machoire et des yeux, un peu du nez aussi. La voix et l’allure générale ont également des similitudes troublantes avec celles de l’artiste. Un jour au tribunal j’avais croisé le regard d’un homme qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Mouloudji. Il m’avait demandé si je voulais sa photo, ce que je lui voulais sur un ton pour le moins agressif. Comme beaucoup trop de gens il sentait agressé par un regard. J’avais soutenu son regard en lui expliquant que je le regardais parce que je trouvais qu’il ressemblait beaucoup à Mouloudji (avec un regard moins doux mais ça je n’ai pas jugé bon de lui préciser). Il s’était calmé et m’avait dit qu’on lui avait déjà fait la remarque non sans une petite lueur de fierté dans ce regard profond. Je n’avais pas insisté plus avant car il demeurait manifestement sur la défensive et il continua à m’observer durant un moment. Chez Papa (restaurant relativement fameux, notamment dans le milieu étudiant parisien pour ses prix abordables) j’avais vu un sosie de Coluche. C’était plus de dix ans après sa mort mais j’étais resté vraiment stupéfait durant plusieurs minutes tant la ressemblance était frappante, quasiment un frère jumeau, à ceci près qu’il aurait dû avoir l’air un tout petit plus vieux pour que la correspondance soit parfaite. Il avait le regard du Coluche triste. Il mangeait seul.
Je roule en ville. Un homme dans une Twingo verte manifestement plus polluante que la moyenne (cf l’écharpe de fumée épaisse qu’il traîne derrière lui) bloque la circulation pour passer. Je me demande pourquoi l’incivilité et la pollution ne sont pas sanctionnées plus sévèrement. En effet les comportements constitutifs d’infractions, contrairement à ce que peuvent penser un certain nombre de gens, ne sont pas le fruit du hasard ou de décisions iniques (en principe). Le législateur, et donc les citoyens titulaires du droit de vote, stigmatise à travers les lois pénales les comportements sources de troubles à l’ordre public et établit leur sanction. En effet, en principe on ne juge au pénal que le trouble à l’ordre public, pas le préjudice subi par la victime, cela relève des juridictions civiles. En ce qui concerne l’évaluation et la réparation de son préjudice la victime n’est admise au procès pénal que par commodité procédurale (quoique les dernières lois pénales aient un peu modifié les choses). Il est indispensable qu’il existe une échelle des peines afin de distinguer les infractions en fonction de leur gravité (c’est d’ailleurs la base de notre code pénal, dite répartition tripartite : la peine encourue pour le comportement incriminé détermine le type d’infraction et son régime : contravention, délit ou crime). S’il est évident qu’on ne peut mettre sur le même plan le manque de civisme au volant et le meurtre il n’en demeure pas moins que le premier est beaucoup plus fréquent (force est de constater, par ailleurs un peu à contre coeur, qu’heureusement) que le second et que du fait du trouble qu’il provoque il devrait être sanctionné, en espérant qu’une éducation efficace, en parallèle, rende l’infraction sans objet à terme, terme utopique soit, mais terme quand même (l’éducation et la sanction devrait toujours aller de pair, la sanction n’ayant pas une valeur éducative suffisante en soi, ce qui logique puisqu’elle n’est pas établie pour cela). De la même manière la pollution est peu sanctionnée. Pourtant le trouble est on ne peut plus important. Si demain le législateur considérait qu’il y a réellement un problème et même un danger en la matière il voterait peut-être une loi sanctionnant sévèrement la pollution. La loi votée survient la deuxième phase du problème, non moins difficile : l’application du texte. Dès le XVIIIème siècle dans son traité Des délits et des peines Beccaria écrivait que l’application systématique de la peine est plus efficace que sa gravité. En d’autres termes : mieux vaut une peine légère à laquelle on ne peut échapper qu’une peine plus lourde à laquelle on peut échapper. Cet ouvrage constitue une influence importante parmi d’autres de la philosophie du droit pénal français. Je me demande si ce sont les comportements les plus préjudiciables à l’ensemble de la communauté qui sont érigés en infractions et si les sanctions prévues sont appliquées systématiquement et équitablement…
Tant que je suis dans des considérations vaguement juridiques je veux écrire quelques lignes sur l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. Ce texte régit les exceptions légales aux droit patrimoniaux de l’auteur. Son 2° en particulier à trait à l’exception pour copie privée : Les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective (à l’exception des copies des oeuvres d’arts [qu’on entend ici comme les oeuvres d’art plastique] destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’oeuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122-6-1 [le logiciel fait l’objet d’un régime particulier en propriété intellectuelle]) sont libres. Cela signifie qu’il est tout à fait légal de graver un CD soi-même pour son usage personnel. En revanche le faire pour quelqu’un d’autre ne l’est pas (même gratuitement), pas plus que d’en faire commerce ou de mettre de la musique en ligne à télécharger. Ca vaut pour les photocopies dans les mêmes conditions.
Avant on fabriquait des choses relativement simples faites pour durer. Aujourd’hui on fabrique des choses très complexes qui ne durent pas, pour la bonne et simple raison qu’elles ne sont pas conçues dans un souci d’endurance. Elles ne sont pas réparables et sont donc parfaitement intégrées à l’ère du numérique par leur fontionnement binaire : ça fonctionne OU c’est cassé. Quand c’est cassé il faut en racheter une autre et jeter l’ancienne. Peu importe qu’une partie seulement soit cassée. Tout ceci est bien trop compliqué pour être réparé, on jette l’ensemble. C’est bon ou mauvais. Ce ne sont que des choses mais c’est très manichéen. On a tôt fait de transposer ce type de raisonnement avec des personnes. Ce n’est pas très rassurant.
Dans les films les personnages se cognent, parfois très violemment, sans paraître particulièrement affectés. Enfant je me cognais souvent, en tombant ou pas. En grandissant j’ai un peu oublié ce que c’est de se cogner. Tout à l’heure dans le couloir chez Calliope je me suis cogné la tête contre une poignée de fenêtre en métal. Ce n’était qu’un petit choc pourtant je l’ai bien senti. C’est très fragile le corps. Même cette tête tout en os ne semble pas très solide face à un objet en métal.