L’ironie du sort ou peut-être plus simplement du langage est qu’il faille être deux pour “être aux antipodes”
Mardi 8 octobre 2002Bon, bon, bon… je dois me reprendre. C’est ridicule tout ça. D’autant plus qu’à y réfléchir calmement deux minutes ce n’est pas la mer à boire et si tant est que ça le soit je l’ai déjà fait (non je n’ai pas bu la mer, juste une tasse, avec un sucre, merci). Il ne tient qu’à moi de trouver l’opportunité de lui parler, la prochaine fois que je la verrai. Je serai de toutes façons plus à l’aise après.
Fort de cette bonne résolution je suis allé chez le coiffeur. Je crois que j’ai choqué la dame qui était assise à côté de moi en expliquant à ma coiffeuse (elle aussi d’ailleurs) qu’aussi affreux que puisse être le crime commis et nécessaire de le sanctionner il importait tout autant de comprendre comment le coupable en était arrivé là et qu’à mon sens la criminalité était sans doute plus importante au XVIIIème siècle, et même plus récemment. Attention ! J’ai aussi travaillé ! Demain je remets ça, le coiffeur en moins, un dîner dehors en plus.
J’ai terminé Le miroir des idées de Michel Tournier. Je ne saurais trop vous en conseiller la lecture (quoi ? encore !). Je peux vous dire qu’avant même de l’avoir fini je savais que je le relirai, ce n’est pas fréquent. Ce livre m’a donné plein d’idées. A titre d’aperçu je retranscris le premier paragraphe de la préface :
Ce petit traité part de deux idées fondamentales. La première pose que la pensée fonctionne à l’aide d’un nombre fini de concepts-clés, lesquels peuvent être énumérés et élucidés. La seconde admet que ces concepts vont par paires, chacun possédant un “contraire” ni plus ni moins positif que lui-même.
Ainsi l’auteur accouple culture et civilisation :
[…] Surtout, la première leçon de la culture, c’est que le monde est vaste, le passé insondable, et que des milliards d’hommes pensent et ont pensé autrement que nous, nos voisins et nos concitoyens. La culture débouche sur l’universel et engendre le scepticisme. S’efforçant d’élargir ses idées à la dimension universelle, l’homme cultivé traite sa propre civilisation comme un cas particulier. Il en vient à penser qu’il n’y a pas “la” civilisation, et en dehors d’elle la barbarie ou la sauvagerie, mais une multitude de civilisation qui ont toutes droit au respect. Il condamne du même coup l’action des colonisateurs et celle des missionnaires qu’il accuse d’ethnocide.[…]
Dès lors je crains que la foi (toujours dans une acception large) et la culture ne soient incompatibles. L’idée que plus on sait de choses plus on réalise l’étendue de son ignorance a été développée à de nombreuses reprises. William Boyd écrit dans un de ses romans que la poursuite du savoir est la route de l’enfer, ce que Friedrich Nietzsche développe, il me semble, dans Le gai savoir (mais je suis aussi à l’aise dans un roman de Boyd que perdu dans un essai de Nietzsche). Il me semble que c’est vrai, à tous points de vue, et notamment/y compris dans l’imagerie chrétienne. Le savoir, la culture apporte le doute et érode nécessairement la foi. Seulement ici comme en toutes choses l’excès est néfaste et autant on a pu constater les ravages de l’obscurantisme d’une foi absolue, autant je crois (ironie du langage) que la foi est nécessaire. Le doute perpétuel (je doute énormément), le scepticisme n’est pas préférable à l’obscurantisme. Le doute paralyse l’action. L’action est à la mesure de la foi. Il faut y croire pour faire quelque chose !