Archive pour octobre 2002

L’ironie du sort ou peut-être plus simplement du langage est qu’il faille être deux pour “être aux antipodes”

Mardi 8 octobre 2002

Bon, bon, bon… je dois me reprendre. C’est ridicule tout ça. D’autant plus qu’à y réfléchir calmement deux minutes ce n’est pas la mer à boire et si tant est que ça le soit je l’ai déjà fait (non je n’ai pas bu la mer, juste une tasse, avec un sucre, merci). Il ne tient qu’à moi de trouver l’opportunité de lui parler, la prochaine fois que je la verrai. Je serai de toutes façons plus à l’aise après.

Fort de cette bonne résolution je suis allé chez le coiffeur. Je crois que j’ai choqué la dame qui était assise à côté de moi en expliquant à ma coiffeuse (elle aussi d’ailleurs) qu’aussi affreux que puisse être le crime commis et nécessaire de le sanctionner il importait tout autant de comprendre comment le coupable en était arrivé là et qu’à mon sens la criminalité était sans doute plus importante au XVIIIème siècle, et même plus récemment. Attention ! J’ai aussi travaillé ! Demain je remets ça, le coiffeur en moins, un dîner dehors en plus.

J’ai terminé Le miroir des idées de Michel Tournier. Je ne saurais trop vous en conseiller la lecture (quoi ? encore !). Je peux vous dire qu’avant même de l’avoir fini je savais que je le relirai, ce n’est pas fréquent. Ce livre m’a donné plein d’idées. A titre d’aperçu je retranscris le premier paragraphe de la préface :

Ce petit traité part de deux idées fondamentales. La première pose que la pensée fonctionne à l’aide d’un nombre fini de concepts-clés, lesquels peuvent être énumérés et élucidés. La seconde admet que ces concepts vont par paires, chacun possédant un “contraire” ni plus ni moins positif que lui-même.

Ainsi l’auteur accouple culture et civilisation :

[…] Surtout, la première leçon de la culture, c’est que le monde est vaste, le passé insondable, et que des milliards d’hommes pensent et ont pensé autrement que nous, nos voisins et nos concitoyens. La culture débouche sur l’universel et engendre le scepticisme. S’efforçant d’élargir ses idées à la dimension universelle, l’homme cultivé traite sa propre civilisation comme un cas particulier. Il en vient à penser qu’il n’y a pas “la” civilisation, et en dehors d’elle la barbarie ou la sauvagerie, mais une multitude de civilisation qui ont toutes droit au respect. Il condamne du même coup l’action des colonisateurs et celle des missionnaires qu’il accuse d’ethnocide.[…]

Dès lors je crains que la foi (toujours dans une acception large) et la culture ne soient incompatibles. L’idée que plus on sait de choses plus on réalise l’étendue de son ignorance a été développée à de nombreuses reprises. William Boyd écrit dans un de ses romans que la poursuite du savoir est la route de l’enfer, ce que Friedrich Nietzsche développe, il me semble, dans Le gai savoir (mais je suis aussi à l’aise dans un roman de Boyd que perdu dans un essai de Nietzsche). Il me semble que c’est vrai, à tous points de vue, et notamment/y compris dans l’imagerie chrétienne. Le savoir, la culture apporte le doute et érode nécessairement la foi. Seulement ici comme en toutes choses l’excès est néfaste et autant on a pu constater les ravages de l’obscurantisme d’une foi absolue, autant je crois (ironie du langage) que la foi est nécessaire. Le doute perpétuel (je doute énormément), le scepticisme n’est pas préférable à l’obscurantisme. Le doute paralyse l’action. L’action est à la mesure de la foi. Il faut y croire pour faire quelque chose !

PPfffffffffff

Mardi 8 octobre 2002

Ne me regardez pas comme ça. Non je n’ai pas su parler à S. Je ne sais pas faire ça. Toutes les excuses sont bonnes : il y a plein de monde, on n’a pas le temps d’échanger trois mots, je suis aussi pétrifié que si je venais de croisé Méduse (oui, bon, ok médusé quoi). Je ne sais pas lui dire une phrase aussi simple que tu accepterais que je t’invite en dehors ? ou S., j’aimerais bien qu’on se voit à l’extérieur ou… enfin peu importe, les phrases je sais les faire mais je ne sais pas les dire (on exclut tout de suite la lettre, je ne veux pas passer pour un psychopathe). J’ai peur. Je l’ai déjà expliqué il y a quelques jours. Ce n’est pas raisonné. Ici, sur ma chaise, je sais que c’est ridicule, que c’est totalement disproportionné, qu’il n’y a strictement rien à perdre, qu’il n’y a offense ni pour l’un ni pour l’autre quelque soit la réponse, que je me sens seul et que peut-être qu’elle aimerait bien que je fasse un pas vers elle (autant je peux être assez sensible à ce que ressentent les autres (bien que je reste relativement démuni avec mes sensations) en général, enfin m’a-t-on dit, parce que moi ça me paraît normal, autant dans un cas comme ça je suis comme une boussole au pôle nord) mais en face d’elle je ne me dis plus rien du tout à part que je suis un peu un handicapé social (histoire de faire un euphémisme). J’ignore dans quelle mesure les gens s’en rendent compte car je fais quand même pas mal d’efforts pour le dissimuler. Bien sûr il y a des gens dont je sais qu’ils le devinent, mais pour l’immense majorité je l’ignore. J’ai la chance de ne penser à ça que rarement. Quand je pense qu’il paraît qu’il y a des gens à qui je fais peur (pas physiquement ! arrêtez, ce n’est pas drôle). Croyez-moi les gens qui font le plus peur sont très souvent (toujours ?) ceux qui ont le plus peur. Ils ont tellement peur que ça en devient communicatif. Le plus ironique est qu’en général je ne jauge pas trop mal cette peur qui sourd chez les autres. Je crois que la fille de mon beau-père (ah oui, j’avais dit que je l’appelerai ma “demi-soeur”, je pourrai même écrire C. mais là ça pose un problème parce que ma soeur aussi c’est C., donc on reste à ma soeur et ma demi-soeur) est pareille. Elle le sent, parce qu’elle le vit. Nous nous reconnaissons entre nous. Je serai bien incapable d’en parler avec elle.

Je ne suis pas souvent fier de moi. En fait de moins en moins avec le temps j’ai l’impression. Là tout de suite : pas du tout. Il me reste à tâcher de positiver ça (si, si ça doit être possible) en attendant lundi prochain. Je dois réviser en grande quantité, ça peut faire un très bon moteur, si j’arrive à me mettre à bosser pour penser à autre chose je peux être plutôt efficace. L’expérience prouve que c’est un rouage qui peut fonctionner chez moi. Je vais aller chez le coiffeur aussi (de tputes façons je ne suis pas capable de rester concentré pendant très longtemps). J’adore le salon de coiffure, bien que j’y aille très peu souvent. J’irai bien au cinéma aussi. Peut-être que ce ne sont pas les révisions mais la culpabilité de ne pas m’y être mis qui va m’occuper l’esprit…

Beaucoup de bruit pour rien comme eut dit Shakespeare.

J’ai entendu un commercial à la radio qui parlait de téléphones portables. J’écoutais assez distraitement jusqu’à ce qu’il parle de la nécessité de créer le besoin. En gros il expliquait qu’ils fabriquent des conneries qui ne servent à rien et qui coûtent les yeux de la tête, par exemple des téléphones-appareils-photo, et que puisqu’ils ont décidé de fabriquer ça il vont devoir créer le besoin pour pouvoir les vendre. Bien sûr la formule est éculée, mais je m’énerve à l’entendre. Ce gros con explique tout guilleret que les constructeurs, de son propre aveu, fabriquent des choses inutiles et qu’on va nous les refourguer pour engranger quelques deniers. Je résume grossièrement : les téléphones offerts c’est fini, maintenant il ne rempliront pas moins de quatre fonctions. Bon, on continuera à faire un peu de bas de gamme pour les gens qui achètent des téléphones pour téléphoner mais ça doit rester marginal.

Créer le besoin, j’ai l’impression d’entendre un dealer. La première dose est gratuite (comme les premiers téléphones) et après c’est plein tarif. Cependant il n’est pas coupable, pas plus que les gens qui font tourner le système dont il se contente de profiter : tous les mecs qui se jettent sur le dernier portable, qui n’ont de cesse d’avoir le truc le plus récent. Quel est le pire : la bêtise ou l’exploitation de celle-ci ? J’ai l’impression que c’est l’exploitation quand même… On ne reproche pas au cristal sa fragilité, mais la bêtise, la maladresse ou la cruauté de qui l’a brisé.

Je passe sur le projet de loi du ministre inférieur, on en parle partout, je n’ai pas envie d’en parler, ça va me coûter trop de lignes. J’espère seulement que l’opposition sera à l’Assemblée durant les débats et qu’ils saisiront le Conseil Constitutionnel.

J’ai aussi vue un bout d’émission sur la pollution et le recyclage (c’était peut-être à propos du mondial de l’automobile). Je me suis fait la remarque suivante : quels sont les caractères distinguant le tout recyclable de l’organique ? Le recyclable parfait c’est l’organique.

Une émission où des gens couraient le marathon. J’ai trouvé ça plutôt sympathique. Ils courent tous ensemble mais pas vraiment les uns contre les autres. Je dirais plutôt que chacun court contre lui-même, mais ils le font à plusieurs.

……………………………..

Je ne devrais pas parler de ces choses là ici. C’est chiant. Je n’écris pas pour ça. Il y a les journaux (enfin les autres, vous savez, ceux du kiosque) pour ça. Seulement voilà, je n’aime pas tellement parler de mes peurs, ni dire que je me sens seul, ni dire comment je me sens d’ailleurs (officiellement ça va toujours). Je peux dire, répéter sûrement, que la danse ça me plaît beaucoup, ce que je n’aurais jamais cru. Le fait de faire un truc beau (au moins d’essayer) avec son corps est très plaisant. Et puis ça me fait un peu sortir de moi, je suis dans une grande pièce pleine de monde, ça pousse aux contacts humains. C’est l’activité la plus intéressante que j’ai entamée depuis longtemps.

Sinon j’adore L’orage de Georges Brassens, La bicylette (écrite par Pierre Barouh et Francis Lai) d’Yves Montand, Cinéma de Claude Nougaro (et puis Tu verras et L’île de Ré), Faut vivre de Mouloudji, Le loup, la biche et le chevalier d’Henri Salvador, Regarde bien petit de Jacques Brel. Ne cherchez pas le rapport.

11 grues à l’horizon

Jeudi 3 octobre 2002

Les femmes posent des rideaux. J’ignore si elles aiment les rideaux, mais elles n’ont de cesse d’habiller les fenêtres nues. Elles doivent bien les aimer un peu, je ne peux pas croire que ce ne soit qu’un pis aller. Les rideaux (petit point de vocabulaire : j’écris les rideaux car ils vont très souvent par paire comme les bouleaux (j’ai un faible pour les bouleaux, je trouve charmants ces arbres qui vivent en couple, il y en avait un dans le jardin quand j’étais petit. Le deuxième n’a pas survécu longtemps au premier. Les bouleaux sont le romantisme fait arbres.) toutefois il y a des rideaux qui connaissent la solitude, surtout dans les salles de bains et les toilettes, et ce aussi bien en ville qu’à la campagne !)…

!! Je suis contraint de m’interrompre moi-même au risque de rendre mon propos totalement incompréhensible. J’ai voulu vérifier que les bouleaux se plantaient bien par deux. Aucune trace nulle part de cette information. Mes parents auraient-ils inventé cette histoire parce que j’avais demandé pourquoi il y en avait deux ? L’arboriculture est trop cruelle. Je l’ignorerai à présent. Pour moi les bouleaux resteront tels que je les ai toujours connus, et si un jour j’ai un jardin j’en aurais deux, ça sera plus cher mais quand on aime on ne compte pas. Je continuerai aussi à être choqué par l’impéritie du jardinier qui en a planté un tout seul dans le parc près de chez moi. !!

… Les rideaux, donc, sont des pièces de linge peu maniables, délicates à nettoyer, encore plus à repasser (heureusement qu’il y a des professionnels). De plus avant de les poser il faut les choisir, parfois même les faire soi-même. Les rideaux signent la présence féminine, et on ne peut qu’être admiratif face à ce déterminisme à protéger le foyer. D’ailleurs Bénabar y fait allusion dans son oeuvre sur la femme et ses bienfaits sur le foyer.

S’il n’étaient les bouleaux on pourrait me taxer d’années cinquantisme, je crois. Seulement les faits sont là : essayez de trouver un homme capable de gérer correctement le problème des rideaux de bout en bout !

En route pour le pire

Mercredi 2 octobre 2002

J’ai la tête lourde, très lourde depuis ce matin. Je l’admets (douloureusement) lorsque je me suis endormi saoûl la veille (ce n’est plus trop fréquent mais ça arrive) mais ce n’est pas le cas. Je dors bien, beaucoup (enfin ce que je veux quoi). Je ne comprends pas. Je me réveille avec la tête lourde et la bouche sèche. J’ai fait un rêve désagréable ce matin, après m’être rendormi (je me rendors facilement). Il s’est avéré qu’une partie du rêve était directement fourni par ce qui passait à la radio, je devais être dans un demi-sommeil (en général ce sont les seules fois où je me souviens de mes rêves). Cela a faussé ma journée, vous savez comme un mauvais pli. J’ai emmené la voiture au contrôle technique, juste à temps pour ne pas fêter une année de retard (mon beau-père est très très distrait). Le garagiste dégageait une telle joie de vivre qu’il donnait envie de se faire embaucher comme contrôleur de la RATP ou de se suicider pour les moins courageux. C’est très réducteur, et insultant pour elle, que de cantonner la misère à des problèmes d’argent. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg, elle étend ses ailes sombres bien au-delà et son ombre s’immisce dans tous les recoins. Le plus affligeant (triste, malheureux, désespérant, accablant je vous laisse choisir, profitez-en) est qu’aujourd’hui même la misère s’évalue à l’aune de l’argent. L’après-midi que j’aurais dû consacrer à entamer des révisions m’a filé entre les doigts. Je n’arrive pas à m’y mettre. Je n’y arrive pas. Il y a trop de choses. Il me faut déjà un miracle pour l’écrit, alors l’oral ! Je reste paralysé, je ne fais rien. Je fais les choses à l’envers. Je devrais faire quelque chose, n’importe quoi mais m’activer, même sans rapport avec des révisions. Après je peux me dire que j’ai fait telle ou telle chose, je peux éventuellement trouver que c’est bien, ou que je veux ou devrais faire autre chose, en tous cas je n’ai pas été immobile. Au lieu de ça je veux ou dois faire mille choses, je n’en commence aucune par peur de ne pas faire les autres ou de faire le mauvais choix (je vais être obligé de revenir là-dessus plus bas *). Bilan : au lieu d’avoir une chose, même petite, je n’en ai fait aucune, et je culpabilise non seulement de ne pas avoir révisé mais qu’en plus ça n’ait servi à rien d’autre. Il fut une époque où je croyais plus en moi, en ce qui concerne les études, j’étais alors assez prétentieux, mais je m’en sortais beaucoup mieux.

Je n’ai jamais été un élève studieux. J’avais la chance d’être doué d’une bonne mémoire. Je n’aimais pas faire mes devoirs,sauf de rares exceptions, et avec le temps le travail scolaire, puis universitaire m’a de plus en plus pesé. Je ne le fais pas ou je le bâcle, je culpabilise, plus ou moins, j’angoisse (pas mal). J’ai perdu l’habitude. J’en suis encore à devoir me plier à des formats scolaires pour un concours qui est censé déboucher sur un métier (cherchez l’erreur). On sait très bien que la fac et le monde du travail sont totalement étanches l’un par rapport à l’autre. Après avoir passeé un bon bout de temps à l’école et parcouru tout le chemin de la maternelle aux études supérieures je suis convaincu qu’il ya des gens de bonnes volontés mais que le système scolaire est inadapté, peut-être pas trop en ce qui concerne l’éducation mais franchemente pour ce qui est de la formation. Ca ne signifie pas qu’on apprend rien, ce genre de réflexions dignes d’élèves de seconde qui prétendent composer eux-mêmes le programme est ridicule (mais ce n’est qu’une étape, pour ceux qui savent en revenir…). Cependant il ne faut pas se leurrer : on ne peut pas se reposer sur la structure, elle est vermoulue, et les études contribuent à une certaine ouverture d’esprit (si l’on est un peu curieux) mais ne préparent pas au travail.

Toutefois je suis le premier à le dire : si on ne propose aucune alternative la critique ne vaut rien. Or je n’ai pas de solution élaborée. Je crois que l’éducation devrait être dotée de plus de moyens car mieux elle fonctionne et moins la police, la justice et la défense sont onéreuses. Je crois qu’il faudrait un moyen de mieux faire comprendre aux élèves qu’on leur fournit des repères et des clés mais qu’il y a une démarche indispensable à effectuer de leur part, qu’il ne faut pas tout attendre de l’école, et leur donner les moyens à l’extérieur de l’école de faire cette démarche. Je crois qu’il faudrait apprendre aux professeurs à stimuler la curiosité des élèves. Je crois qu’il faut rappeler à certains parents que l’école est aux professeurs ce que la maison leur est à eux. Je crois que l’école à partir d’un certain niveau devrait être tournée vers le monde du travail et qu’on devrait beaucoup plus s’appliquer à mettre les deux mondes en adéquation afin que le premier réponde aux attentes du second. Je crois que l’apprentissage (entendu largement) devrait être développé dans tous les domaines. Je crois qu’en dépit de tous les efforts qu’on pourra faire l’école ne pourra jamais abolir toutes les inégalités. La justice (au sens large) n’est qu’une asymptote.

* J’ai une peur quasi-incontrôlable de l’échec. Je suis sûr qu’elle s’est développée avec le temps. Elle me paralyse et connaît son paroxysme dans les relations affectives. Je suis conscient, objectivement, que se voir opposer un refus n’est absolument pas une catastrophe, mais ce genre de considérations est totalement balayé dès que je me trouve en présence de quelqu’un qui me plaît. Dans un groupe je me retrouve à presque ignorer celle qui me plaît le plus par peur de dire une connerie et je suis incapable d’exprimer avec des mots simples quelque chose d’aussi ordinaire qu’une invitation. Ce qui fait que le plus souvent la personne qui m’intéresse le plus a l’impression que je l’ignore. Heureusement (!) quand je connais les gens le problème s’estompe, mais pour les connaître… Ca fait un an que toutes les semaines je vois S. à mon cours de rock. Ca m’a fait tout drôle de la retrouver à la rentrée (avec ma soeur nous avons retrouvé presque tout le groupe de l’année dernière). Le contexte ne se prête pas trop à la discussion mais bon quand on veut vraiment on trouve un moyen. J’en suis incapable depuis plusieurs semaines. Je ne veux pas m’amouracher d’elle (je sais que j’en suis capable, c’est bien pour ça que je ne veux pas succomber une fois de plus à ce travers) et laisser mon imaginaire tourner dans le vide comme je sais si bien le faire. Il faut que je lui donne la possibilité de me dire oui ou non (quel bonheur que ces conventions sociales qui font que, en principe, en tant que garçon (j’ai un peu de mal à me voir en homme, ça viendra peut-être plus tard, peut-être si j’ai des enfants) je dois faire le premier pas). Elle vient avec deux amies et c’est avec elle que j’ai le plus de mal à communiquer. Vais-je parvenir à dépasser ma “timidité” avec S. ? Cette question mystérieuse peut trouver sa réponse d’un seul coup, alors même que je m’y attendrai pas (parfois j’ai un moment de grâce), mais il faut qu’elle la trouve vite ! (je m’arrête là car j’ai, de l’avis général, une personnalité un peu compliquée et torturée et je récèle des paradoxes qui vous feraient croire que je mens)

Par ailleurs cette question en éveille d’autres, qui me paraissent tout aussi mystérieuses mais un peu moins importantes pour moi personnellement, bien qu’on ne puisse tout de même pas les éluder. Est-ce que les japonais mangent des tomates ? Si j’éternue sans mettre ma main devant ma bouche y’a-t-il ne serait qu’une infime probabilité pour qu’un cyclone dévaste les Caraïbes ? Partager la misère entre tout le monde et partager la richesse entre tout le monde sont-elles des propositions équivalentes ? Si on partageait la misère entre tout le monde est-ce que tout le monde serait misérable ou bien si on partageait la richesse entre tout le monde tout le monde serait riche ? S’il n’y avait pas de malades mentaux (et/ou de frustrés) gravement atteints en liberté qui gouvernerait les Etats ? Mon chat est-il capable de penser à moi ?

Les hommes cubiques

Mardi 1 octobre 2002

Le journaliste qui parle de la crise boursière à la radio (non, pas Jean-Pierre Gaillard !) vient de dire les investisseurs exècrent les incertitudes, ils aiment bien avoir des certitudes. Moi aussi j’aime bien avoir des certitudes, c’est plus rassurant. Seulement j’ai compris que c’était antinomique avec la vie. A l’heure où le politique cède tous les jours un peu plus à l’économique (quoique avec ce qui se passe sur les places boursières on va peut-être assister à un changement)(non, je rigole, comme un fou, pour diluer l’acidité de l’ironie), au péril de la sacro-sainte démocratie (je n’ouvre pas le débat autour de la démocratie) dont les thuriféraires se retrouvent sous les décombres du tremblement boursier, on découvre que les investisseurs, anti-thèse (de plus en plus théorique, à la faveur d’un simple reflet dans le miroir économique) des élus, exècrent un caractère essentiel de la vie. A quand les hommes cubiques plus faciles à stocker ?

Je pense à Françoise Giroud qui écrit dans On ne peut pas être heureux tout le temps :

Il va bien falloir trouver quelque chose pour que les gens supportent la condition humaine, une fois que la biologie aura livré tous ses secrets. Déjà, le cerveau a beaucoup parlé. Les résultats des travaux récents sont vertigineux.
Pour dire les choses en termes simples, l’inné et l’acquis c’est une vieille lune. Tout est inné ! Nous sommes génétiquement déterminés. C’est une loi implacable. Quoi ? Pas la plus petite marge de liberté pour décider de nos comportements ? Une marge, oui, mais très étroite. L’homme naît et vit avec des cartes en mains. Disons qu’il peut quelquefois choisir une carte.
Lorsque tout cela - entre bien d’autres choses surprenantes - sera avéré, qu’il faudra l’intégrer dans le quotidien de la vie, comment supportera-t-on l’idée que l’inégalité est la loi, l’espoir interdit au mal doué, l’effort inscrit dans le programme génétique - et, s’il n’y est pas, inutile de se fatiguer ! - et la liberté dictée d’un quelque part, dans le cerveau, qui n’est pas “soi”, mais une activité de neurones à laquelle on ne peut rien…
Quand ces notions seront devenues familières - ce qui ne devrait pas tellement tarder, maintenant -, comme révolution, ce sera autre chose que l’informatique ! Car elle atteindra chaque être humain personnellement, dans l’idée qu’il se fait de lui-même, de ses enfants, des bases élémentaires d’une morale ; à la limite, des ses raisons de vivre.
Ce sera difficile à croire ? Il y aura des réfractaires. Mais le Big-Bang aussi, c’est difficile à croire, et la théorie n’en est plus contestée. Les scientifiques sont aujourd’hui, bien plus que les politiques, les maîtres de notre vie, de notre imagination, de notre conscience. Les maîtres du monde.
D’une certaine façon, cela apaise de penser que l’on est irresponsable, que l’on est rien qu’un petit tas de gènes auxquels on ne peut rien, et que, pour être fier de soi en quelque circonstance, il faut vraiment en tenir une couche !

Les scientifiques maîtres du monde ce n’est pas pour me rassurer, j’imagine que je suis trop marqué par l’image du savant fou. Quand nous aurons compris qui saura nous faire accepter ? Le désespoir de celui qui a compris et qui ne peut pas accepter et sans commune mesure avec celui de qui ne comprend pas (si tant est d’ailleurs qu’il puisse en être désespéré). Cependant quel bonheur pour les investisseurs…

Que fera-t-on pour (ou contre) les criminels-nés, dont l’existence a été soutenu les Positivistes à une époque où on soupçonnait à peine les horizons de la génétique. Et pour les pédophiles ou les violeurs ? Les peines corporelles réapparaîtront-elles dans le champ du droit sous la forme de cures chirurgicale ou médicamenteuse imposées. D’ailleurs quelle sera leur nature puisque, préventives, ce ne seront plus des peines ? Peut-être que l’on va découvrir qu’il y a des potentialités qui nécessiteront un catalyseur pour se concrétiser ? Quel catalyseur ? Que faire ?

Voici les mots clés qui ont donné accès à ce journal hier :

Le premier n’est pas surprenant c’est un mot relativement rare (je vais peut-être créer un club autour de cette marque lol ;o) ).
Le second me fait… sourire justement.
Je vois à peu près à quoi font référence les quatrième, cinquième et sixième.
Le troisième est effrayant. Je ne joue pas l’ingénu. Je sais qu’il y a des vrais tarés et qu’on les retrouve en masse sur le net car ils peuvent y assouvir leurs fantasmes dans l’anonymat. Ce n’est que de très très loin mais dans ce rapport d’audience j’aperçois furtivement un malade. Admettons que ce soit une maladie (au sens générique du terme), que les personnes atteintes soient aussi elles-même victimes de leurs pulsions, mais alors il faut aller au bout des choses. Soit elles font en sorte de ne pas se retrouver dans une situation où elles vont commettre des horreurs, soit elles n’en sont pas capables. Puisqu’elles, puisqu’ILS d’ailleurs, sont victimes de leurs pulsions il faut les aider, il faut les soigner. Il n’y a qu’une alternative à leur proposer : l’enfermement (je schématise, il serait plus juste de parler de surveillance perpétuelle mais la mise en oeuvre s’avèrerait difficile) ou le traitement, avec les inconvénients que cela peut comporter pour eux mais il faut garder à l’esprit la menace qu’ils représentent, y compris, d’après eux, pour eux-mêmes.

Comédie

Mardi 1 octobre 2002

Il y a des chansons comme ça. Elles sont à l’écart du chemin. Il faut écarter les branches, il faut quitter le sentier. Il y a Comédie sur Ultra moderne solitude d’Alain Souchon. Un duo avec Jane Birkin. Peut-être que personne ne va me suivre. Si tu m’as suivi je n’ai rien à te dire. Tu m’as fait confiance ou tu as juste assouvi ta curiosité. Tu es peut-être déçu(e), peut-être juste indifférent(e). Je n’ai rien à te dire. Je ne peux rien te dire. C’est une affaire de sensibilité. Il/elle est sensible, C’est de la sensiblerie. La sensibilité c’est une question de nature. On y voit un indicateur quantifiable. C’est tellement plus. C’est un caractère, c’est une personne. Ma sensibilité c’est moi. Ce n’est pas Thalie qui nous observe, c’est le monde, ce sont ses huit soeurs aussi.

Je voudrai écrire la plus belle lettre d’amour. Celle qui te fera trembler, qui te fera pleurer, qui ouvrira toutes les fenêtres de ton coeur et l’envahira du plus formidable courant d’air, qui balaiera tout mais n’emportera rien. D’air de rien, d’air pur, d’air maritime, d’air tendre, d’air de famille. Celle qui te boulversera comme tu me boulverses, qui ira réchauffer tes peurs les plus profondes pour les faire fondre, qui caressera tes envies les plus secrètes pour qu’elles pétillent jusque dans les étoiles, qui te fera hurler de rire, qui te fera tout oublier l’espace d’un instant. Un instant pour nous.