“Il faut faire preuve d’inventivité”
s’est écrié le ministre du logement et de la ville, Madame Christine Boutin, après avoir, je cite la dépêche de l’agence Reuters, lancé l’idée d’ajouter un étage aux immeubles bâtis comme à ceux en construction, afin d’enrayer la crise du logement en France.
On ne peut qu’être admiratif face à tant d’audace et d’ingéniosité.
On est un peu impressionné aussi de la facilité avec laquelle Madame le Ministre enjambe sans ciller la barrière plus basse qu’on ne l’aurait cru, il est vrai, mais il ne s’agit finalement que d’une infimité de lettres, qui sépare l’ingéniosité de l’ingénuité.
A se demander pourquoi ses prédécesseurs ont toujours tu cette opportunité qui nous tend les bras depuis le dernier étage.
Son homologue chargé du travail osera-t-il lui emboîter le pas, courageusement, dans l’escalier en proposant que l’on ajoute non pas un mais deux étages supplémentaires par immeuble afin de créer plus d’emplois encore et d’enrayer également la crise du chômage ?
Quoi qu’il en soit, les travaux ne devraient pas commencer dans l’immédiat.
En effet, à l’époque où les SDF tentent de se sédentariser en installant leurs tentes où ils peuvent, la facétieuse Madame Boutin a, tout en dénonçant la crise du logement, converti en caravane jetée sur les routes le ministère qui entre tous avait vocation à posséder une adresse fixe, celui du logement.
Elle a dissipé tout doute quant au caractère résolument nomade de son ministère délocalisé un temps à Lyon en précisant que “Lyon n’est qu’une première étape d’un processus irréversible, nous allons entamer un tour de France.”
On aurait tort de céder à une ironie facile alors que la décision du ministre n’est pas dénuée de pertinence si l’on y prête attention.
Les locaux du ministère du logement sont vacants et devraient ainsi pouvoir accueillir des personnes sans domicile. Par ailleurs, les gens du voyage si souvent victimes d’ostracisme peuvent se réjouir de ce rapprochement pour le moins inhabituel de leurs préoccupations par le ministère du logement.
Le ministre a tenu à consolider sa proposition en ajoutant : “Cette idée est apparue dans nos débats, elle doit être étudiée, elle offre l’avantage de ne pas consommer trop d’espace.”
Le fameux slogan “En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées” qui avait fleuri lors du premier choc pétrolier conserve aujourd’hui encore toute sa pertinence.
La caravane du ministère du logement avec à sa tête son ministre perchée sur une Rossinante poursuivra sa route longtemps après que la France aura épuisé sa dernière goutte de pétrole et même son dernier seau de béton.
Cependant, c’est sans méchanceté aucune que je souhaite à madame le ministre de ne jamais atteindre les Etats-Unis pourtant si chers au Président, au risque de connaître le même sort que le petit cheval blanc de Georges Brassens. La violence du choc pourrait, en effet, lui être fatale.