Le Dormeur du val
Mardi 15 février 2005C’est un trou de verdure, où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit: c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert ou la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement: il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine.
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud, 1870
Je me souviens avoir étudié ce poème alors que j’étais encore à l’école primaire et je me souviens aussi que deux image m’avaient frappé : Souriant comme Sourirait un enfant malade et Il a deux trous rouges au côté droit.
Je m’en étais fait immédiatement une image précise et les deux se sont liés dans mon esprit, notamment, je crois, parce que je n’ai pas réalisé tout de suite ce que signifiaient les deux trous rouges. Lorsque j’ai compris j’ai pensé que le sourire d’enfant malade aurait dû me laisser deviner. J’en conserve une sensation assez violente.