Archive pour septembre 2002

Hey Bulldog

Lundi 16 septembre 2002

J’ai très mal dormi (ce qui signifie que je me suis réveillé plusieurs fois durant la nuit alors qu’en règle générale je dors d’une seule traite en ne me souvenant que rarement de mes rêves ; il paraît que les rêves dont on ne se souvient pas sont les rêves achevés, c’est donc plutôt bon signe, donc cette nuit c’était tout le contraire…) et je me suis levé très tôt (6 heures). J’ai planché pendant cinq heures ce matin. Je suis allé voir Etre et avoir qui m’a beaucoup plu. Je suis allé au Colombus café acheter un goûter (parce que je n’avais déjeuné) et je suis allé flâner au jardin du Luxembourg où me sont venus trois ou quate idées. Je rentre de mon cours de rock où j’ai réussi, cruelle ironie, à demander à S. ce qu’elle faisait dans la vie (timidité paralysante pathologique et contexte peu favorable à la discussion). Le mot récurrent du jour est je (une fois n’est pas coutume), je vous le confirme. Je ne ferai pas d’explication de texte, bon courage.

Syllogisme : [Au jardin du Luxembourg il y a un théâtre de marionnettes. Sur la façade il y a cette devise :] Les marionnettes amusent les enfants et les gens d’esprit.
[Je me dis :] Nos dirigeants sont tous des marionnettes.
Je vous laisse vous charger de la résultante/conclusion.

J’ai perdu au loto. Vous allez me dire : comme d’habitude. Non, non, non… A chaque fois on se dit que c’est trop injuste qu’on ait perdu. Seulement cette fois c’est beaucoup plus injuste. En effet, quand on envie celui qui a gagné (parce qu’au fond ça revient à ça) on aimerait être à sa place mais dans cette hypothèse cela le lèserait. Alors que cette fois personne n’a gagné ! Ce qui signifie que si ça avait été moi ça n’aurait lésé personne !!

Cercle très vicieux : j’aime pas les cons, ils me rendent haineux… et ils me le rendent bien.

Haro
sur les gens qui enseignent qu’il faut enfoncer les plus fragiles plutôt que de les soutenir et les défendre : c’est une charge que d’être fort chez les êtres humains
sur ces gens qui se veulent les chantres de la sélection naturelle mais qui n’en sont que les sbires, bien inutiles : comme si la sélection naturelle n’était pas suffisamment implacable et avait besoin d’agents qui ne font que se cacher dans l’ombre de leur prédateur
sur les gens qui jugent les hommes et non les actes : il y a des distinctions et des finesses qui devraient être enseignées à tous
sur les gens qui n’ont de cesse d’établir un classement : qu’ils se chargent d’arbitrer afin de ne pouvoir être partie
sur les gens qui vous méprisent pour des bottes, un manteau ou un chapeau : le nectar le plus précieux n’est qu’une flaque sans calice
sur les gens qui ne se trompent jamais par absence totale de foi : qui ne place pas ne peut perdre
sur moi qui tombe si souvent dans toutes ces ornières et qui ai des raisons mais pas d’excuses : sur cette Terre, il y a une chose affroyable, c’est que tout le monde a ses raisons - Jean Renoir, La règle du jeu.

Je crois que les bébés pleurent la nuit jusqu’à ce qu’ils aient des souvenirs pour se rassurer quand on éteint la lumière. Les souvenirs servent à se rassurer seul dans le noir ou la pénombre. De toutes façons tout le monde a peur du noir. A Paris ça fait des années qu’il n’a pas fait nuit. On ne dépense pas des millions de watts chaque nuit sans raison, Paris illuminé c’est très beau… mais quand même !

Quand j’étais petit j’avais très peur du noir (bizarrement, contre toute attente, ce n’est plus le cas). Je ne pouvais pas dormir dans le noir (de toutes façons j’ai toujours eu du mal à m’endormir, par contre une fois que je dors, je dors ! En fait je crois que je ne m’endors que lorsque je suis épuisé, ce qui n’est pas très raisonnable…) Pendant des années nous nous sommes endormis, ma soeur et moi (nous étions dans la même chambre), avec un spot de couleur (que nous changions régulièrement) allumé (que nos parents venaient éteindre après). Ce n’était pas tout. Très petit mes parents me racontaient des histoires ou mon père me chantait Le loup, la biche et le chevalier. Par la suite ça a continué. Nous avions un tourne disque avec ma soeur et tous les soirs nous nous endormions avec un disque. Nous écoutions des histoires (nous avions plein d’histoires de Walt Disney en 33 tours racontés par des acteurs : De Funès, Rochefort, Trintignant… mais aussi La guerre des étoiles par Dominique Paturel et Emilie Jolie). Nous les connaissions par coeur (en grandissant nous avons continué avec les dialogues de films). Je vous arrête tout de suite, je n’étais pas un frère modèle. Je ne voulais emmener ma soeur nulle part avec moi, nous nous battions (je l’ai même blessée), nous disputions, elle me narguait (et je n’ai compris le stratagème que… très tard), elle m’a mordu au sang lorsqu’elle était toute petite et que j’étais encore attentif et intrigué par cette petite chose (je ne m’en souviens pas mais notre mère nous rappelle fréquemment notre jeunesse), mais nous avons quand même réalisé quelques bêtises en duo (c’est mieux que tout seul).

Il arrive qu’à la faveur de rencontres, certaines personnes comprennent à cinquante ans seulement, voire au-delà, à quel point les mots d’”amitié”, de “confiance”, de “fraternité” paraissent vains et présomptueux - quasi vulgaires - en regard du lien qui les attache à l’Autre - à quelques autres. Il arrive aussi que des individus ne le comprennent jamais, et c’est pitié - entendons : une pitié véritable - que de les voir jusqu’à leur lit de mort se prêter encore à des codes, à des préséances, des repas à rendre, des cérémonies à régler, qui auront remplacé, dans la crainte irraisonnée, immense, de l’aventure des sentiments, les liaisons par nature dangereuses et magnifiques, les coups de fil à trois heures du matin, les débarquements impromptus, les cadeaux inouïs, les virées ailleurs, tout à coup, ensemble, et qui laissent au fond de la prunelle un éclat dont on ne se remettra jamais.

Eric Holder, Masculins singuliers.

Entre les rayons

Dimanche 15 septembre 2002

Mon animosité envers les bibliothécaires s’est fortement développée durant mes études. Sans doute à cause de l’incompétence crasse confinant à la bêtise et de la faiblesse pour ne pas dire l’absence de courtoisie et d’amabilité (alors même qu’il s’agit d’un service public) du personnel de la B.U. De plus je déteste le côté gardienne du temple. Bien sûr il n’y avait pas que des femmes mais les hommes bibliothécaires de la B.U. étaient beaucoup plus humains. Cependant on ne peut pas dégager de règle universelle car j’ai déjà rencontré des bibliothècaires des deux sexes sympathiques mais aussi des vrais cons. La seule règle est que j’ai un a priori très négatif à propos des bibliothécaires qui s’auto-alimente en se vérifiant régulièrement.

En revanche j’adore les libraires, hommes et femmes mais j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de femmes dans les librairies (peut-être parce que je fais plus attention aux femmes…). En tous cas j’en suis sûr en ce qui concerne la librairie Compagnie (rue des écoles dans le 5ème) ou alors il y a une armée d’hommes au sous-sol qui travaillent dans les stocks… Je parle des vrais libraires, pas ceux du rayon livres de la FNAC (et pourtant je dépense beaucoup de temps, et pas seulement du temps, dans les rayons de la FNAC) ou de Virgin (je trouve que c’est encore pire). Je ne veux pas entamer leur susceptibilité mais ce n’est pas la même chose. Je parle des libraires qui ne vous demandent pas d’épeler le nom de l’auteur ni n’ont besoin de regarder un écran pour savoir de quoi vous leur parlez. Vendeur de livres n’est pas synonyme de libraire. Je suis fasciné par les libraires. Ils savent parler des livres, c’est à dire relier entre eux des oeuvres et des auteurs différents. Ils connaissent les chemins secrets qui mènent d’une oeuvre à l’autre et peuvent ainsi vous guider à travers les méandres de l’écriture et les histoires. C’est cette capacité à relier qui est essentielle (comme toujours). Les noeuds de Saint-Exupéry… Les livres sont reliés et constituent un monde pour le libraire. Je nourris une espèce de fantasme à propos des femmes libraires. J’entr’aperçois à travers leur paysage de livres un vaste monde d’histoires et de rêves.

Tant qu’on est à la librairie Zéro tués de Régis de Sa Moreira qui est sorti il y a quelques semaines m’a bien plu.

Je viens seulement de me rendre compte que j’ai ressorti Détournement (une chanson de Daniel Balavoine ; oui, ça m’arrive d’écouter Daniel Balavoine) mercredi dernier précisément. Dans quelle mesure est-ce inconscient ?

Hier soir j’ai eu de la chance. Je suis tombé sur une émission dans laquelle il y avait Jean Rochefort (vers 19h30 sur Canal +) et où il n’y avait que lui. Il s’est avéré que c’était une émission de Pascale Clark. Ce n’est pas étonnant que ce soit bien. J’aimais beaucoup sa revue de presse sur France Inter. Bref, j’aime bien Jean Rochefort. Bien sûr, comme la plupart des gens de mon âge je l’ai découvert de façon un peu détournée, à l’époque où il présentait le Disney Channel sur FR3. Vous vous rappelez quand il faisait 3, 4 ? Et puis bien sûr il y a eu aussi Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis d’Yves Robert. Au début d’un éléphant je trouvais fort sympathique ce type que l’on découvrait en peignoir sur une corniche d’immeuble près des Champs-Elysées. Aujourd’hui les engueulades entre Guy Bedos et Marthe Villalonga me font toujours rire. Sans être un accroc de sa filmographie je prends toujours plaisir à le croiser ici ou là. Dans Les grands ducs avec Jean-Pierre Marielle et Philippe Noiret par exemple. Il a une espèce de flegme et de bonhomie qui me plaisent. Il y a des types comme ça qui vous inspirent plus que les autres.

Jean-Louis Aubert en fait partie. De la même manière je ne suis pas spécialement fan de ce qu’il fait. De temps en temps il y a une chanson que j’aime bien, mais je ne me jette sur ses albums. Pourtant il y a quelque chose chez lui qui me plaît. Il a l’air de ne pas vieillir. Il me fait l’espèce de quelqu’un qui a la foi. Il y croit. Il joue maintenant comme il le faisait quand il a commencé avec Téléphone. Je lui reconnais d’ailleurs bien volontiers un talent pour l’écriture. Il sait trouver les mots, un peu à la manière de Jean-Jacques Goldman. Des mots simples mais justes. Il éveille ma sympathie. Je repense à une anecdote. J’écoutais une émission sur OUI FM dans laquelle il était invité. C’était il y a presque un an, au moment de la sortie de son album Comme un accord. Ils parlaient, avec le journaliste, de la chanson Alter ego et Jean-Louis Aubert confondant ego et égaux a parlé d’alter égal.La méprise m’avait fait sourire (alors même qu’il est vrai que je n’ai pas toujours beaucoup d’indulgence en la matière), je l’avais trouvée poètique.

J’ai rêvé de S. de mon cours de rock (je ne rêve presqu’exclusivement que de gens que je connais). Nous nous promenions tous les deux et je lui faisais une déclaration. En fait je n’osais pas mais elle l’avait deviné et je crois qu’elle m’y incitait plus ou moins. Elle me répondait alors que mes sentiments étaient réciproques mais que c’était impossible car le monde était trop affreux [la tragédie du monde rendant impossible tout amour]. Je reste perplexe.

Je crois que, même quand on l’attend, la mort nous surprend toujours. Je préfèrerai quand même ne pas l’avoir attendue.

Vendredi 13 septembre 2002

Tout d’abord un article très intéressant dans L’express de cette semaine. Je m’abstiens de tout commentaire car ce serait trop long et aussi parce que vous êtes assez grands, dans la mesure où ça vous intéresse et où vous le lisez, pour vous forger le vôtre.

Hier soir j’ai regardé Ally McBeal. C’est ma série préférée (j’ai vu tous les épisodes), c’est aussi à peu près la seule qui parvienne à focaliser mon attention pendant toute sa durée. Plus jeune j’ai beaucoup regardé la télé, je ne compte pas le nombre de dessins animés que j’ai pu regarder, ni les heures que ça représente. En vieillissant (tout est relatif… et puis moi je ne grandis pas je vieillis seulement) je regarde de moins en moins. Aujourd’hui je passe très peu de temps devant la télé. Je trouve toujours autre chose à faire, c’est à dire quelque chose que je préfère à la télé. Tout à l’heure je zappais et je me suis fais la remarque que d’une certaine manière la télé a été un refuge et qu’elle ne l’est plus du tout. Je ne trouve rien qui capte suffisament mon attention, contrairement aux livres (ceci dit je lisais déjà quand jétais plus jeune, j’ai toujours aimé ça). Les dessins animés captaient vraiment mon attention : Goldorak, Capitaine Flam, Ulysse 31 (ma série préférée), Mask, Robotech, Cobra, et tout un tas d’autres… rien ne les a remplacés, à la télé du moins.

Je lis beaucoup, énormément, frénétiquement même. Ma vie ne suffira pas pour tout lire, tout ce qui me semble intéressant et puis on ne peut pas passer sa vie à lire. Choisir, arbitrer, trancher, renoncer. On ne peut pas combler tout ses désirs. Pourtant quel luxe que de pouvoir arbitrer entre ses désirs. Les livres ce n’est pas la vie. Ce sont des histoires. Avec le temps je me suis aperçu que c’était ça que j’aimais au fond : les histoires. J’aime beaucoup le cinéma aussi pour ça (je dois donc en déduire que la télé est une mauvaise narratrice à mon goût). Seulement les histoires ce n’est pas la vie non plus, c’est du rêve, du fantasme. Ce n’est pas exister, au sens étymologique (ex-sistere = se tenir au dehors, sortir de), c’est le contraire. Peut-être qu’en écrire c’est entre les deux. Je ne suis pas sûr. En tous cas ça monopolise l’attention. Pourtant les histoires me font souvent penser aux mots de Rainer Maria Rilke, extraits des Lettres à un jeune poète : […]devenir un monde pour soi et pour l’amour d’un autre[…] que Anne Lindbergh, dans Solitude face à la mer (ce livre là je l’ai adoré…à ma connaissance il n’existe pas en poche mais je ne regrette vraiment pas l’investissement), cite ainsi : devenir à soi-même un monde. Non pour soi. Pour un autre. Ce qui me laisse dubitatif car j’ignore quelle est la traduction la plus juste. En effet je ne parle pas l’allemand, je ne lis donc pas Rilke dans le texte. Toutefois ce n’est pas trop grave car l’idée qui me tient à coeur c’est d’être un monde à soi. L’idée est d’ailleurs partagée puisque Victor Hugo écrivait, d’un certain point de vue de manière un peu plus restrictive : Un poète est un monde enfermé dans un homme. Ce monde on le construit aussi avec des histoires, en tous cas il en est ainsi pour le moi. Il est vrai que ce monde ne s’éclaire jamais tant qu’offert à la découverte d’un autre. Seulement voilà… ô combien il est difficile d’y pénétrer ou même d’y laisser pénétrer… La plupart du temps il ne s’en échappe qu’à peine quelques faibles échos qui tahissent l’espoir secret, inavoué par orgueil, qu’il ou elle les entende et s’approche.

J’aime beaucoup la musique. J’en écoute presque tout le temps. Au-delà du style de musique, il y a la façon de l’écouter (je ne trouve pas d’expression suffisamment juste à mon goût… c’est d’autant plus regrettable en matière musicale). En effet, l’écoute au casque est très différente de celle, plus classique, avec des enceintes. Avec un casque j’ai l’impression que la musique est en moi (particulièrement remplit ma tête) tandis que sinon j’ai la sensation d’être dans la musique, comme on pourrait être dans l’eau par exemple. Dans cette hypothèse ce que j’aime par dessus tout c’est d’entendre la musique au loin. Je ressens une différence nette entre le fait d’écouter de la musique à bas volume en étant donc près des enceintes, grosso modo dans la même pièce, et d’écouter de la musique doucement en s’éloignant des enceintes et en étant donc pas dans la même pièce alors même que le volume est élevé, voire très élevé (comme il est d’ailleurs recommandé sur certaines pochettes d’albums… si, si, par exemple The rise and fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars de David Bowie To be played at maximum volume) et rend de toute manière quasiment impossible de rester près desdites enceintes. Bien sûr il faut avoir de l’espace et des voisins éloignés ou sourds. C’est une forme de luxe aussi, aujourd’hui. La musique au loin c’est vraiment très agréable, c’est plus fluide et plus doux, comme si l’espace polissait les sons.

10 grues à l’horizon

Jeudi 12 septembre 2002

Je crois qu’en matière de mots on s’est tourné vers l’étymologie suite au cuisant échec qu’aura été la tentative d’utilisation de la généalogie. En effet il est hautement improbable que politique soit le fruit du croisement entre policier et poétique, mariage de celui entre maritime et naufrage, ni même médicament de méditer et subséquemment. On y perd tout de même un peu. Ainsi sécuisant, résultat du croisement, idéal d’une certaine attente, entre sécurisant et séduisant, n’a pas survécu à l’étymologie…

En revanche l’astrologie descendante directe de l’astronomie et de l’étymologie justement ne pouvait que brillament passer de l’une à l’autre (qui a parlé de piston ? Non, je pense qu’il convient plutôt de parler de facilités naturelles). Elle a des cousins et cousines un peu partout dans l’histoire, notamment chez les Aztèques. Ca nous change un peu, c’est l’occasion d’être crocodile, herbe sèche, silex ou même mort (argh…). Je me suis découvert mouvement. Manifestement pas totalement canalisé, ce qui m’attriste. Toutefois il me semble que le pire est à venir : où vais-je trouver mon horoscope hebdomadaire aztèque ? Je ne suis abonné à aucun codex d’information ni même de loisir et quand bien même je le serais je parle le nahuatl à peu près aussi bien que Jean-Claude Van Damme le français…

J’ai vu une publicité qui m’a plu (je ne cite pas de marque, c’est écrit dessus !) :

Au japon il y a des bars à oxygène et des bouteilles d’oxygène… J’espère que cette publicité n’est pas affreusement prémonitoire.

Vous me suivez ?

Mercredi 11 septembre 2002

Romain Gary a écrit que sans imagination, l’amour n’a aucune chance. Je suis tout à fait d’accord (je le redis mais je ne le répéterai plus : c’est une association d’idées qui m’a fait repenser à ça. Je ne la relate pas, c’est long ; peut-être que parfois je le ferais). Je suis d’accord parce qu’il me semble que l’amour tel que nous le concevons aujourd’hui (je m’excuse pour le nous dans lequel bien entendu tout le monde ne se reconnaîtra pas mais je pense qu’une part non négligeable voire importante des gens partagent des espoirs globalement identiques en la matière) est un art. Je me permets (afin d’éviter un débat sur la définition qui à coup sûr tournerait court et qui serait préjudiciable à ma démonstration) de définir l’art ici comme un assemblage d’éléments tendant vers une forme d’esthétisme et corollairement (je sais, c’est un barbarisme) le plaisir d’un, ou mieux des, sens. L’amour romantique qu’incarne l’homme ou la femme de sa vie (qui a dû avoir une panne en route ou bien qui a pris l’A7 et qui est coincé dans les inondations ou que sais-je encore ?) et cette félicité qui serait nôtre pour toujours constitue aujourd’hui un modèle pour beaucoup de gens.

………..(je mets mon casque)……….

Il me semble pourtant que d’une certaine manière ce modèle est contre nature. En effet, fondamentalement l’union entre deux êtres humains a pour but de perpétuer ‘espèce. C’est très bête (dans tous les sens du terme) mais c’est ainsi ! C’est inscrit au plus profond de nous. Pourtant nous rêvons à autre chose, parfois pour s’y subsituer parfois pour s’y ajouter. J’écris modèle mais je devrais même écrire idéal, ce qui le rendrait par essence plus difficile à atteindre. Cependant ne vous y trompez pas : j’y crois. J’encours de passer pour quelqu’un de mièvre, peu m’importe. Alors comment résoudre ce paradoxe (je ne vais peut-être pas faire une entrée spécifique aux paradoxes mais les laisser sourdre d’un peu partout finalement) ?

……..(j’enlève mon casque parce que j’ai chaud)………

L’amour romantique (conservons la terminologie mais ce peut être l’amour fou si vous préférez, ou la passion mais je pense alors toujours à l’étymologie du mot et ce n’est pas très gai) me semble être très difficile à créer. Car oui il faut le créer, il n’existe pas à l’état naturel et c’est pour cela que l’imagination est indispensable. La reproduction est le fait de la nature mais l’amour est le fait de l’homme ; et la mélange des deux en une solution stable relève de la chimie la plus minutieuse. Quand j’écris qu’il faut le créer je ne prétends pas qu’il n’existe pas, je veux dire qu’il n’y a pas une formule absolue qui n’aurait pas encore été découverte mais au contraire qu’il y a une infinité de formules et qu’il faut en créer une nouvelle pour chaque couple (pas pour chaque personne, pour chaque couple) ; et personne d’autre que les deux intéressés ne s’y consacrera ; et ce n’est pas garanti que ça marchera. Chaque formule est à la fois la chose la plus précieuse au monde pour le couple qui l’a découverte et une simple curiosité pour tous les autres. Je crois que les efforts consacrés à la recherche de cette formule (et tout de même un peu le succès les couronnant mais il est souvent dans les efforts eux-mêmes, je ne suis pas sûr d’être clair là) font sa valeur. Ce qu’illustre la phrase de Saint Exupéry : C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.

Il y a environ 2000 ans Ovide écrivait L’art d’aimer. L’idée n’est donc pas très neuve… Je n’ai d’ailleurs fait que l’effleurer d’un souffle mais ce sont les bonnes questions qui conduisent aux bonnes réponses (encore faut-il que je ne me sois pas trompé…heureusement pour vous vous n’êtes pas moi !).

Cela me fait penser (par association d’idées ;o)) aux mots que j’aime. Ce n’est pas clair. C’est normal, j’ai volontairement sauté une étape. En fait à parler d’amour je pense aux mots maîtresse et amante. J’aime le mot amante, pas le mot maîtresse. Dans ce cas précis ce n’est pas tout à fait exact. En fait le mot maîtresse m’évoque la maîtresse d’école, ce n’est pas vraiment la même ambiance… Je pense à ces mots et ensuite je pense à cette idée récurrente chez moi : il y a des mots que j’aime et d’autres que je n’aime pas. J’aime les mots amante, vaisseau, héliotrope, opale, diaphane par exemple. Ils me plaisent, ils sonnent bien à mon oreille et m’évoquent des choses agréables. Peu importe pourquoi, c’est ainsi. Régulièrement je suis confronté à un mot à propos duquel je me dis : j’aime bien ou au contraire je n’aime pas. Il y a même des mots que j’évite et que je n’aime pas entendre parce que je les trouve vraiment laids. Je me rends compte que souvent il n’y a que peu de rapport avec le sens du mot. Enfin, heureusement, j’éprouve une profonde indifférence envers la majorité des mots, sauf à arbitrer entre plusieurs dans un contexte déterminé pour exprimer le plus finement possible ma pensée (dans la limite de sa propre finesse).

Tant que nous sommes dans les mots je me suis fait la remarque tout à l’heure que étrave et entrave étaient très proches alors que de sens contraires, paradoxalement….

Tant qu’à parler de paradoxes (et oui, j’ose vous faire deux fois de suite le même coup : d’abord tant que nous sommes dans les mots alors qu’ici il n’y a que ça et maintenant exactement la même avec les paradoxes, ça confine à l’insolence) je suis en train de me demander dans quelle mesure la notion occidentale de paradoxe, exclusive, ne serait pas l’exact opposé, ce qui consituerait donc d’une certaine manière le point d’achoppement entre philosophies (le terme étant ici détourné pour les besoins de la cause et à prendre dans un sens très large et ) occidentale et extrême-orientale, du Taiji (= le Yin et le Yang), inclusif. Il est fort possible que ce soit totalement absurde (comme une bonne partie de ce qui appert au cours de mon esprit facétieux) car je vous le livre en simultané.

A la lecture de ce qui précède on comprend mieux la nécessité impérieuse de m’aérer régulièrement.

Ainsi un jour ensolleillé où vous êtes près de la station Couronnes. Remontez la rue de Pali Kao qui est perpendiculaire à droite du boulevard de Belleville quand vous allez vers la Villette. Entrez dans le parc de Belleville par l’entrée du bas qui est en haut (paradoxalement) de la rue. Traversez le parc en le remontant. Arrêtez vous en chemin pour vous poser un moment sur le gazon ou un banc et profiter de la vue (superbe) sur Paris. Prenez votre temps. C’est le moment de vous relever pour aller vous désaltérer. Ressortez tout en haut à la Maison de l’air. Vous êtes rue Piat. Il y a une place (si vous êtes sortis au niveau de la Maison de l’air la place est légèrement sur votre droite). A l’angle de la rue Piat et de la rue des Envierges il y a un bistrot avec une grande terrasse sur le très large trottoir. C’est sans doute une des plus belles, et une des plus calmes, terrasses panoramiques donnant sur Paris… Commandez et regardez.

Merci Ultraorange, j’apprécie tout autant et tout aussi indiciblement ton journal.

Mange tes légumes

Mardi 10 septembre 2002

J’ai reçu un mail dans lequel on m’apprend que :

- le chocolat est un légume car il est tiré des fèves de cacao, que le sucre qu’on y adjoint est extrait de cannes à sucre ou de betteraves sucrières et que toutes ces plantes sont des légumes.
- le mot stressed est un palindrome puisqu’on peut le lire dans le sens inverse : desserts.

Réjouissons nous !!!!!! J’adore le chocolat et je n’avais jamais réfléchi à ces détails (quoique j’ai connu une fille qui m’avait expliqué que plus il y avait de cacao moins il y avait de sucre et que, par conséquent, on ne pouvait pas grossir, ou pas trop, en mangeant du chocolat noir de dégustastion ; j’avais été tout de suite convaincu par son raisonnement, mais en matière de chocolat il est aisé d’emporter ma conviction. Toutefois avec le recul je pense que l’amertume de ces chocolats très riches en cacao, que j’aime beaucoup, empêche d’en manger de grosses quantités et donc d’en conserver des souvenirs autre que savoureux) mais je pense qu’au fond de moi je le savais ! C’est pourquoi j’en mange de grandes quantités depuis longtemps.

Le chocolat est avec la couette une des plus belles inventions de l’humanité.

Listen !

Lundi 9 septembre 2002

Ce n’est pas rien que de télécharger de la musique sur le serveur de free… Après moult essais j’y suis parvenu.

J’écoute beaucoup de musique. Il y a beaucoup de choses que j’aime bien mais qui sont très faciles à trouver. Je ne vois pas l’intérêt de vous les proposer ici autrement qu’en vous en indiquant les références. En revanche il y a des trucs moins connus et moins faciles à dégotter.

Ainsi en est-il de This town ain’t big enough for both of us des Sparks (oui, les mêmes qui ont fait un truc ou deux avec Rita Mitsouko, mais là c’est quelque chose de beaucoup plus ancien). C’est un morceau de 1974. Je ne saurais pas trop donner de description, il vaut mieux l’entendre, rassurez-vous c’est tout à fait écoutable (rien à voir par exemple avec un morceau de Yoko Ono). Cela m’intéresserait de savoir si quelqu’un l’a déjà entendu auparavant. J’ai une compilation d’eux qui regroupe une vingtaine de morceaux foutraques dans le genre. Une petite précision : c’est un homme qui chante… si, si !

Dans un autre genre voici Saint Paul de Vence de Pierre Barouh (la qualité est moindre pour celui-là mais sinon c’est pas gérable pour l’upload). Celui-ci est beaucoup plus calme, doux même. Un morceau pour rêvasser (si tant que ça vous plaise bien entendu). Extrait de l’album Le pollen sorti en 1982, édité en CD et trouvable chez FNAC et consorts.

J’essaierai de mettre un morceau de temps en temps, mais je suis en RTC…

What’s the frequency ?

Lundi 9 septembre 2002

Aujourd’hui j’ai récupéré un transistor qui est sans aucun doute plus vieux que moi. L’emplacement pour les piles ne correspond même pas aux formats actuels. Même en bricolant un système pour loger des piles de maintenant je ne suis pas sûr que ça fonctionne. Ce serait sympa. Il n’y a qu’une bande mais il y a une prise casque (malheureusement pas au format actuel non plus) ! C’est un Imperial 6T-330, fabriqué au Japon. Il y a même un étui en cuir (c’est un transistor de poche : un peu plus grand qu’une carte de crédit mais beaucoup plus épais). Je vais voir ce que je peux faire.

En fait j’ai trouvé une photo sur Google :

Sur E-bay il y en a un à vendre à 145 $. C’est drôlement cher… Surtout si on ne peut pas mettre de piles dedans…

Samedi soir nous ne nous sommes pas laissés effrayer par l’orage et dès les nuages vidés nous avons vaillament maintenu le programme prévu en faisant un barbecue et en mangeant même dehors (le mot récurrent du jour est bien même, je vous le confirme). Pourtant nous commençons à parler de raclettes et d’autres réjouissances hivernales, alors que nous ne sommes que début septembre. J’ai l’impression que l’hiver s’installe plus vite que l’été, sans doute parce qu’aujourd’hui la météo n’était pas très agréable.

mmmmmmmmmmmmm

Samedi 7 septembre 2002

Hier soir avec ma soeur et son copain nous avons fait la rando roller du vendredi soir. Je dois avouer que je suis un peu fier compte tenu de mon niveau médiocre et du peu de goût que j’ai pour le sport sous toutes ses formes d’être allé jusqu’au bout, sans une seule gamelle, et de ne même pas avoir de courbatures aujourd’hui ! Je l’avais déjà fait, mais il y a longtemps. C’est toujours aussi sympa.

En rentrant j’ai pris une douche et je me suis couché dans un lit frais, qui sentait bon l’assouplissant (j’avais changé mes draps le matin même). Le disque de Stan Getz en fond sonore, la lampe de chevet bleue allumée (elle a une jumelle orange, fausse jumelle donc) le corps fatigué, j’ai commencé à lire Bienvenue parmi nous d’Eric Holder (que j’ai terminé ce matin) et j’ai doucement glissé dans le sommeil. C’était mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm…

Au choix

Vendredi 6 septembre 2002

Les ouvriers en face de chez moi me font rigoler. Ils ont coulé la dalle en deux fois, déjà c’est un procédé plutôt original (imaginez que vous fassiez un gâteau, vous faîtes de la pâte, vous cuisez, et puis ensuite vous refaîtes de la pâte parce que tout compte fait il n’y en avait pas assez, vous la remettez par dessus et vous faîtes recuire). Maintenant ils montent les murs. Arrivés au niveau de la future porte d’entrée ils s’interrogent sur la largeur de l’espace à laisser pour la poser. On pourrait s’attendre à ce qu’ils aient un plan (ce qui est relativement courant sur les chantiers)… Non, non. La maison voisine est contiguë (et, coup de chance, la porte d’entrée est de leur côté), il y en a un qui prend son mètre, il se penche et mesure la largeur de la porte du voisin. Vu d’ici ça me paraît assez étroit…

Je suis allé voir L’adversaire et Autour de Lucy. Le premier est très déprimant, même quand on connaît déjà l’affaire, le second en revanche est fidèle à ce qu’on peut en attendre. C’est une comédie romantique sympa. C’est beaucoup plus agréable à regarder. Reste à savoir ce que l’on veut.

J’ai l’impression que le temps file. Je me suis fait la remarque en sortant de cours hier soir (je fais une prépa d’été pour un concours). La nuit tombe plus tôt. Il fait plus frais. L’été est terminé. Le temps m’a échappé, m’échappe. Je veux faire mille choses. Je DOIS faire certaines choses. Je ne choisis pas et par conséquent je ne fais rien. Pourtant le temps presse. J’ai une quantité de choses astronomique, ce n’est malheureusement pas un euphémisme, à apprendre, ce qui devrait m’occuper à plein temps pour les deux mois à venir. Dès lors tout devrait être simple : je n’ai pas le choix, je fais ça et je verrai après. C’est compter sans une paresse élevée au rang d’art, travaillée durant toute ma scolarité (qui commence à être très longue) et sans des difficultés de concentration certaines. Pourtant c’est si simple de ne pas avoir le choix. C’est un paradoxe qu’on retrouve chez l’immense majorité des gens : la volonté d’être libre, et donc d’avoir le choix, car pratiquement c’est ce que ça signifie (on peut noter d’ailleurs que être libre c’est avoir le choix ; on ne peut donc pas être libre en étant détaché de tout puisque si l’on a rien on n’a donc pas le choix et on n’est donc pas libre, pourtant se détacher de tout peut-être un choix… les distorsions entre la pensée et le langage doivent pouvoir rendre fou) et en même temps une certaine difficulté à assumer cette faculté de choix qui peut tourner au réel handicap. Ah si seulement le choix pouvait être fait pour nous comme par nous mais par un autre. C’est le père plus puissant de Freud (qualificatif qu’il attribuait à Dieu) qui nous observe avec ironie à travers ces mots. Il était doux finalement le temps où les parents choisissaient. Choisir c’est renoncer. Voilà pourquoi c’est si difficile. Choisir c’est toujours renoncer à quelque chose. S’il n’y a pas de renonciation c’est qu’il n’y avait pas véritablement de choix à opérer. Or on ne cultive pas les mêmes regrets à porpos de ses propres erreurs qu’à propos de celles des autres. Car le risque du choix c’est de renoncer à quelque chose que l’on regrettera. Parfois on sait que de toutes manières on regrettera, il faut alors arbitrer entre ce que l’on regrettera le plus ou bien entre ce qui satisfera le plus, c’est la même chose. C’est difficile d’arbitrer. Pourtant c’est là la liberté, c’est jeter du lest pour continuer à avancer. D’aucun diront que c’est pareil que si l’on est pas libre. Non, il y a une différence notable : on choisit la direction.

Je me demande si l’on doit oublier l’avenir pour bien vivre au présent ou au contraire si bien vivre au présent permet d’oublier l’avenir. Pour qui n’est pas de nature un tant soit peu inquiète cette interrogation n’a bien sûr pas de sens. Ce qui est assez exceptionnel pour être noté. En effet presque tout à un sens, à l’image des mots. Tous les mots ont un sens, à l’exception des palindromes (qui en ont deux), c’est leur raison d’être, ils n’existent qu’en vertu et à travers le sens qu’on leur donne. Bref, pour qui est de nature inquiète, l’avenir représente un poids constant dont la charge tend à occulter plus ou moins le présent. On peut dire que l’inquiètude est à l’avenir ce que la nostalgie est au passé, ou même, plus joliment peut-être, que l’inquiètude est la nostalgie de l’avenir. L’inquiètude suprème étant : comment contenir cette inquiètude ?

Aujourd’hui je vous conseille l’écoute de Jazz Samba de Stan Getz (pas l’album original mais la compilation qui regroupe des extraits de ses albums brésiliens : pochette avec une (demi) femme, deux hommes et des vélos). Cela permet de s’ouvrir sur la musique brésilienne des années 60 (ahhhh Astrud Gilberto…) : Samba et Bossa nova. J’en profite pour vous apprendre qu’en brésilien Samba est un nom masculin singulier, donc le Samba (c’est dans le livret, je ne suis pas bilingue hein !).