Avertissement : * Spoiler * à ne lire qu’après avoir vu le film.
Le dernier film d’animation de Tim Burton est encore chaud que je me détourne du chemin de la maison en rentrant du bureau afin d’assouvir ma curiosité attisée depuis quelques temps déjà par un magnifique site tout en ébréchant la monotonie des semaines d’automne.
J’ai été enchanté par ce nouvel opus sur lequel il paraît que Tim Buton aurait travaillé durant dix années, ce qui ne semble pas totalement improbable tant ce film fait la synthèse des oeuvres précédentes de son auteur/réalisateur.
C’est en errant dans la forêt que Victor, libéré de la pesanteur du monde des vivants, épouse Emily en lui passant son alliance par inadvertance après avoir prononcé les serments du mariage.
La situation n’est pas sans lui poser problème puisque non seulement il est promis à Victoria mais de surcroît Emily est morte.
Elle l’entraîne néanmoins dans le monde des morts où en dépit de son désarroi il découvre une population beaucoup plus sympathique, attrayante et haute en couleur que celle qu’il a quittée.
Il va s’efforcer de retourner “en haut” pour retrouver Victoria.
Tim Burton est véritablement passé de l’autre côté du miroir et propose une inversion assumée de la vie que les morts incarnent infiniment plus que les vivants.
L’opposition entre les deux mondes est marquée et définitivement consommée. Les morts se parent de toutes les couleurs, chantent, dansent, jouent de la musique, accueillent moult émotions là où le monde des vivants se déclinant sur une palette unique et maussade de gris proscrit la musique et n’abrite que les sentiments les plus sombres à l’exception de l’amour de Victoria.
Une fois n’est pas coutume, le héros burtonien de ce film n’est pas un homme (comme Pee-Wee, Beetlejuice, Batman, Edward, Jack Skellington, Ed Wood, Ichabod Crane, Will (dont le père s’appelle Edward mais c’est une autre histoire) ou Willy Wonka), mais une femme : Emily qui a un air de famille troublant, notamment la bouche, avec Emmanuelle Béart. Si vous croyez que je fabule je ne suis en tout état de cause pas le seul.
Il est difficile de résister à la tentation de l’interprétation biographique. Si le héros burtonien typique du film est incontestablement Emily, il n’en demeure pas moins que c’est vraisemblablement Victor qui incarne Tim Burton lui-même. A cet égard Emily incarne la part “inadaptée” de Tim Burton avec laquelle Victor s’est uni par inadvertance “pour le meilleur et pour le pire” en fuyant le monde des vivants dans lequel il ne se sent manifestement pas à sa place.
Et pourtant c’est le monde des vivants, vivement secoué par une visite mortelle, que Victor choisira en définitive. Ce choix ponctué d’une image magnifique peut être interprété comme une déclaration d’amour à Helena Bonham Carter, sa véritable et vivante femme, quoique celle-ci prête sa voix au personnage d’Emily dans le film (le personnage de Victoria ayant la voix de… Emily Watson).
On relèvera que Victor fait ce choix après que les morts aient rendu visite aux vivants, bien plus heureux de les retrouver que de se retrouver entre eux, sans d’ailleurs qu’on ait vu repartir les défunts dont a fortiori Emily qui n’est assurément pas retournée parmi eux.
En ce qui me concerne j’ai particulièrement apprécié le premier numéro dans le bar du monde des morts rythmé par le swingant Remains of the day composé sur mesure, comme le reste de la bande originale, par Danny Elfman, qui m’a rappelé la scène des Aristochats dans laquelle les chats jouent sur les toits un Everybody wants to be a cat déchaîné.
Enfin vous remarquerez que l’affiche du film elle-même reflète l’idée d’inversion du film puisque l’image d’Emily y est justement inversée comme dans un miroir. Toutefois je soupçonne que cette inversion ait pour unique objectif de mettre en valeur le bras osseux d’Emily afin d’insister sur son côté cadavérique.