Archive pour juillet 2008

“en frayant des circuits tranquillisants”

Dimanche 6 juillet 2008

Pour avoir des certitudes, il est bon d’être ignorant. On se sent fort, on s’engage dans un camp qui défend un morceau de condition humaine cohérent, argumenté par des livres, des diplômes, des mouvements d’idées et des rencontres amicales. Cette aliénation nous rend heureux puisqu’elle renforce nos liens avec ceux qui partagent la même croyance.

Et ce qui aurait dû être un débat scientifique se transforme en technique d’influence culturelle et de puissance politique. Le pouvoir est au bout de la pensée unique. Plus on se spécialise, plus on a de chances d’appartenir au groupe des meilleurs. Mais cette stratégie de domination provoque un appauvrissement du monde. L’illusion d’explication que donne la récitation d’un métabolisme : “Il déprime parce que son cerveau sécrète moins de sérotonine”, est combattue à armes égales par celle qui vous assène une interprétation moralisante : “Il est malade parce que sa mère est mortifère.”

Dans une telle stratégie de la connaissance, plus les idées sont claires, moins elles sont vraies, mais nous avons les moyens de les faire changer : “Le principe dialogique signifie que deux ou plusieurs logiques sont différentes et liées…” (Morin E., Penser l’Europe, Paris, Gallimard, 1990, p.266). La pensée complexe n’est pas très compliquée. Au contraire même, dans la pensée unique, quand on appartient au groupe des meilleurs spécialistes mondiaux d’une enzyme rare, on éprouve le sentiment d’être initié à un savoir que personne d’autre ne peut comprendre.

L’attitude opposée qui intègre des disciplines différentes empêche l’évolution sectaire de tout pouvoir qui se renforce en excluant ses opposants. Quand on cherche à englober les informations de nature différente dans un même système, chacun fait l’effort de se faire comprendre. Non seulement c’est agréable, mais en plus ça fait surgir des idées imprévues. Quand un neurologue rencontre un musicien, ils découvrent que son art façonne une partie du cerveau; quand un vétérinaire s’accouple avec une linguiste, ils enfantent une méthode qui démontre comment l’expression des émotions de l’un impressionne les émotions de l’autre; quand un psychanalyste échange avec un chimiste, ils découvrent comment le psychothérapeute renforce le cerveau de l’analysant en frayant des circuits tranquillisants.

L’invitation à découvrir les découvertes des autres empêche le dogmatisme spontané de toute discipline qui s’érige en institution. Dans un groupe doctrinaire, une seule idée est la bonne : celle du chef qui distribue les postes et les honneurs. Quand l’ordre règne à ce point, la vie intellectuelle se transforme en récitation comme un leurre de pensée.

Les neurosciences posent aux psychologues des problèmes de science-fiction : comment un douillet affectif invente une manière de vivre qui le mène au bonheur; comment l’organisation parfaite d’une société devient une fabrique de merveilleux sadiques; comment l’urbanisme technologique attire les damnés de la terre qui s’y installent avec leurs processus archaïques de socialisation par la violence; et comment ce nouvel univers façonne le cerveau des enfants qui s’y développent.

La conscience n’est plus ce qu’elle était. Les neurones créent un lien biologique dans le vide entre deux personnes; les nouvelles galaxies affectives sculptent des formes étranges dans la pâte à modeler de nos cerveaux; les déterminants humains sont si nombreux et de nature si variées que la durée d’une existence leur donne à peine le temps d’émerger. Chaque histoire de vie est une aventure humaine unique.

De chair et d’âme, Boris Cyrulnik

La chanson du dimanche

Dimanche 6 juillet 2008

Chaque dimanche (enfin, certains dimanches), une chanson ou un morceau de musique qui appartient à une ou plusieurs de ces trois catégories :

qui me fait frissonner : discrètement mais immanquablement, parfois depuis plusieurs années.

qui m’(a) obsède(é) : ça ne dure toujours qu’une période, relativement courte, de quelques heures à quelques semaines, qui, parfois, peut se renouveler.

qui me rappelle… : quelques minutes de musique associées à quelques minutes ou plus de vie passée.

Portbail, Alain Souchon
extrait de C’est comme vous voulez / 1985

Interlude

Jeudi 3 juillet 2008

Une page de publicité.

Il ne faut pas se fier aux apparences

Mercredi 2 juillet 2008

Clovis Cornillac est un homme charmant et fort courtois qui m’a cédé le passage à la sortie du Palais de Justice ce matin (où il participait au tournage d’un film).

Au demeurant, après l’avoir vu d’assez près pour lui serrer la main et vérification de sa date de naissance : il ne fait absolument pas son âge.