Archive pour novembre 2004

Coïncidence

Vendredi 19 novembre 2004

J’avais vu Jean-Louis Murat à La cigale le soir de l’anniversaire de Camille.

J’ai revu Jean-Louis Murat au Café de la Danse pour l’anniversaire de Jennifer.

Très bon concert, un des meilleurs que j’ai vu cette année, avec l’avantage lié à la petite taille du Café de la Danse qui permet d’être au plus près de la scène.

Un article pour mémoire, avec set list.

Le retour du fauteuil

Jeudi 18 novembre 2004

Quand je pense qu’il y a des gens qui achètent des bijoux, des tapis ou des trucs de déco qui ne servent à rien alors que pour la modique somme de cher car plus que mon salaire on peut acheter le fauteuil ultime, le comble du fauteuil, le summum de l’assise, le sommet du confort, le meuble fantasmatique :

Modèles UP5 et UP6 créés en 1969 par le designer Gaetano Pesce et dont une nouvelle série spéciale a été produite en 2004. Existent également en rayé rouge.

Admiration et célébration

Jeudi 18 novembre 2004

Actuellement je lis, principalement dans les transports comme souvent, un ouvrage de Michel Tournier intitulé Célébrations.

J’y ai appris que la mise en boule des hérissons se nomme la volvation.

En rentrant ce soir j’y ai lu dans la partie intitulée Journal de voyage au Japon :

Mercredi 17 avril. Kyoto-Tokyo par le train.
Cohue dans le train parce que la grève a provoqué la suppression de certains départs. Nous restons debout jusqu’à Nagoya. Mais l’inconfort de la position est largement compensé par la proximité d’un couple de vieillards admirables. Lui sec et grand était très beau. Mais elle… Ce visage rayonnant de douceur, d’intelligence, de bonté, avec ce sourire sceptique d’une femme qui a tout vu, tout compris, tout pardonné. Vivre dans la lumière de ces yeux-là ! Boubat était à portée de la main. Il est assez fort pour réussir une photo dans cette lumière faible et la vibration du train le plus rapide du monde. Je n’ai pas pensé à la lui demander. Faut-il le regretter ? Comme souvent en pareil cas - je veux dire lorsque le hasard me place dans le rayonnement d’un être exceptionnel - je suis frappé de stupeur et je perds de vue ce que cette rencontre a de fragile, d’éphémère, d’aléatoire, et je ne fais rien pour en sauver quelque chose. Les deux vieillards ont disparu à jamais à l’arrêt de Nagoya.

Je ne l’ai pas terminé mais je sais que ce que je n’ai pas encore lu me plaira et me touchera autant que lignes que j’ai déjà parcourues.

Je retranscris ici l’introduction à laquelle je souscris et j’avoue mon désir d’essayer mais le désir…

A travers leur apparente disparité, ces quatre-vingt cinq texticules ont en commun une certaine vision du monde. C’est celle que revendiquait Théophile Gautier lorsqu’il déclarait : “Je suis un homme pour qui le monde extérieur existe.” Notons que l’auteur d’Emaux et Camées inaugure une famille de poètes résolument extravertis, primaires, solaires, spectaculaires, qui s’appellent Lconte de Lisle, Heredia, Mallarmé, Valéry, Saint-John Perse. Ici l’espace l’emporte sur le temps. L’oeil commande seul. Il compte plus que le coeur, et il n’a que faire des subtilités de la psychologie et des moiteurs de la vie intérieure. La beauté des êtres et des choses, leur bizarrerie, leur drôlerie, leur saveur justifient et récompensent une chasse heureuse et insatiable. La passion originelle fut la curiosité, puisque c’est elle qui fit cueillir le fruit de la Connaissance à Adam et Eve. Curiosité, c’est à dire appétit de découvrir, de voir, de savoir. Et aussi admiration.
Il n’est rien de tel que l’admiration. Exulter parce qu’on se sent dépasser par la grâce d’un musicien, l’élégance d’un animal, la grandeur d’un paysage, voire l’horreur grandiose d’un enfer, c’est ce qui donne un sens à la vie. Celui qui n’est pas capable d’admiration est un misérable. Aucune amitié n’est possible avec lui, car il n’y a d’amitié que dans le partage d’admirations communes. Nos limites, nos insuffisances, nos petitesses trouvent leur guérison dans l’irruption du sublime sous nos yeux. Comme l’a dit Ingmar Bergman, ma musique de Jean-Sébastien Bach nous console de notre impiété. On pourrait ajouter : notre futilité s’évanouit à la lecture de la Bible, notre grivoiserie se métamorphose en amour charnel à la vue des corps de la chapelle Sixtine, et les Cahiers de Paul Valéry transforment notre bêtise en lumineuse intelligence.
Ce petit livre célèbre donc la richesse inépuisable du monde. La démarche des quadrupèdes - amble ou diagonale ? -, la valeur fondamentale du genou, les secrets de la grève dévoilés par le jusant, les déambulations nocturnes des hérissons, la haine que les arbres se vouent les uns aux autres, et aussi ces personnages tutélaires, les Rois Mages, le Père Noël, saint Christophe, Saint Louis, et surtout ces hommes et ces femmes dévorés par les médias - Sacha Guitry, Lady Diana, Michael Jackson - , et enfin ces amis qui sont maintenant de l’autre côté du fleuve et qui m’invitent doucement à venir les rejoindre, voici ce dont il est question dans ces pages.

Le médianoche amoureux, encore 2

Dimanche 14 novembre 2004

On avait dû m’inculquer ce tabou si jeune que je le respectais comme une loi naturelle.

Lucie ou la femme sans ombre, Michel Tournier

Je crois que c’est une des clés de l’éducation mais je me demande combien de lois naturelles m’ont été ainsi inculquées ?

Ah dame, quand on n’est pas qualifié, faut savoir tout faire !

Pyrotechnie ou la commémoration, Michel Tournier

Paradoxe ô combien vrai !

Des trucs de touriste

Dimanche 14 novembre 2004

Comme beaucoup de vieilles demeures provençales, elle possédait fort peu d’ouvertures sur le dehors, les indigènes considérant traditionnellement le soleil et le vent comme de redoutables fléaux.

Le médianoche amoureux, Pyrotechnie ou la commémoration, Michel Tournier

Dans le film L’équipier de Philippe Lioret, que j’ai vu récemment, des gens viennent pour acheter une maison à Ouessant. On les voit qui décrivent leurs projets d’aménagement, notamment une immense baie vitrée qui donnera sur la mer. Sans dissimuler leur surprise, ils demandent à la vendeuse pourquoi ses parents ne l’ont pas fait. Elle leur répond que la mer ils la voyaient déjà assez comme ça et qu’ils n’avaient pas envie de la voir encore lorsqu’ils étaient dans leur maison.

C’est le propre de l’étranger que de s’extasier sur ce qui ne suscite qu’indifférence voire lassitude à l’autochtone.

En direct

Samedi 13 novembre 2004

Je regarde Françoise Hardy chez Ardisson. Ce qu’elle vient de dire me plaît bien :

Aimer l’autre c’est le laisser vivre. Je le pensais déjà quand j’étais plus jeune mais je n’aurais pas su le faire.

Les amants taciturnes 2

Samedi 13 novembre 2004

ELLE. […] Mes relations avec un homme sont terminées le soir où, le retrouvant après une journée passée ailleurs, je n’ai plus envie de lui raconter ce que j’ai fait, ni d’entendre de sa bouche comment de son côté il a occupé ces heures sans moi.

[…]

IL. […] D’ailleurs quand l’un des deux couche avec une tierce personne, on dit qu’il “trompe” l’autre, ce qui est situer sa trahison dans le domaine du langage. Un homme et une femme qui ne se mentiraient jamais et s’avoueraient immédiatement toutes leurs trahisons ne se tromperaient pas.

ELLE. Sans doute. Mais ce serait un dialogue de cyniques, et les blessures qu’ils s’infligeraient au nom de la transparence les sépareraient assez vite.

LUI. Alors il faut mentir ?

ELLE. Oui et non. Entre l’obscurité du mensonge et le cynisme de la transparence, il y a place pour toute une gamme de clairs-obscurs où la vérité est sue mais tue, ou volontairement ignorée. En société la courtoisie interdit de proférer crûment certaines vérités. Pourquoi n’y aurait-il pas de aussi une courtoisie des couples ? Tu me trompes, je te trompe, mais nous ne voulons pas le savoir. Il n’y a de bonne intimité que crépusculaire. “Baisse un peu l’abat-jour”, disait le charmant Paul Géraldy.

[…]

(IL) - Ce qui nous manquait en effet, c’était une maison de mots où habiter ensemble. Jadis la religion apportait aux époux un édifice à la fois réel - l’église - et imaginaire, peuplé de saints, enluminé de légendes, retentissant de cantiques, qui les protégeait d’eux-mêmes et des agressions extérieures. Cet édifice nous faisait défaut. Nos amis nous en ont fourni tous les matériaux. La littérature comme panacée pour les couples en perdition…

Le médianoche amoureux, Michel Tournier

Sans imagination, l’amour n’a aucune chance. Romain Gary

- Je vous dis qu’il n’y a pas de sables mouvants dans la région. - Peut-être mais je m’enfonce.

Samedi 13 novembre 2004

La déprime est l’exact contraire des sables mouvants : moins on s’agite, plus on s’enfonce.

Je suis perdu

Vendredi 12 novembre 2004

Je n’ai pas très envie de me lever, mais c’est loin d’être insurmontable, je crois même que ça a été pire.

Je regarde la télé, beaucoup plus, beaucoup trop.

J’ai passé la journée presque immobile, sans rien faire. Il y a des livres et des feuilles éparpillés par terre. Je ne sais pas m’atteler à ces lettres qui me reviennent en tête comme la marée.

Le soir, je parviens enfin à m’arracher à mon canapé-lit pour sortir. Je vais me réfugier dehors, dans ce cinéma de banlieue où j’ai vu mes premiers films seul. La salle n°2 a été refaite pourtant elle a déjà l’air fatiguée mais plus grande aussi, la couleur claire sans doute. Il y a un permis de construire placardé sur une façade latérale qui m’apprend que le cinéma doit bientôt bénéficier d’une extension.

On parle toujours de l’horizon comme s’il n’en était qu’un mais en fait il y en a toujours deux. Un devant et un derrière qui se rejoignent dans le présent. En ce moment je n’ai plus qu’un horizon, derrière moi, qui rompt l’équilibre du présent. Des images me reviennent sans arrêt de toutes les époques de ma vie, des plus proches comme des plus lointaines.

J’ai l’impression d’avoir été broyé et d’être incapable de rassembler et de recoller mes grains.

Il paraît qu’il y a une dépression saisonnière qui traîne…

Dans le noir

Vendredi 12 novembre 2004

Ce n’est pas du noir que j’ai peur. C’est de ce qui s’y cache.

American gods, Neil Gaiman

C’est exactement ça. C’est ce qu’il y a dans le noir (l’expression des enfants est juste : j’ai peur dans le noir) qui me fait peur, qui m’a beaucoup fait peur. Mais qu’y a-t-il dans le noir ?

Le plus souvent je crois qu’on n’y trouve que ce que l’on y a placé. Pourtant il est si difficile de le reconnaître une fois fondu dans l’ombre comme s’il se produisait une réaction chimique qui en changerait la nature. Il existe peut-être une alchimie de l’ombre, un genre de magie noire.

A travers des dizaines de livres je parcours un monde de papier et d’encre, un monde en blanc en noir. Chaque livre est un bloc d’encre qui a été sculpté et ciselé pour en dégager un sens, en extraire des signes et révéler ce qui se cachait dans ce noir.

Ce sont autant de parts de nuit qui auraient décanté jusqu’à ce que l’ombre se dissipe et qu’il ne reste que ce qu’elle abritait.

Il faut pourtant bien une nuit pour chaque nouveau jour.