Que pensent les gens ?

Je dois confesser que je suis très curieux. Le qualificatif, conjugué à trop, est en bonne place au palmarès des remarques que l’on m’a le plus répétées lorsque j’étais enfant, avec ne mets pas tes coudes sur la table ; ne parle pas la bouche pleine ; dis bonjour, au revoir, s’il vous plaît, merci ; tu t’es lavé les dents ? ; tu aimes quoi à part les frites ? etc C’est ce qui m’a amené notamment à lire des journaux en ligne qui offrent la possibilité d’assouvir une curiosité enveloppée dans la cape du vice sans avoir pour autant à assumer la culpabilité d’avoir violé l’intimité de quelqu’un. Finalement c’est assez lâche comme démarche, en ce qui me concerne tout du moins. On peut aussi adopter un autre point de vue consistant à considérer que le fait de se livrer ainsi pour les auteurs purge la curiosité du lecteur de sa substance sombre (bref, comme souvent on peut manier le langage pour convenance personnelle).

J’ai appris que la curiosité a plusieurs visages, tantôt une qualité, estimée en tant qu’intétêret, tantôt un défaut, condamnée en tant qu’indiscrétion. J’ai appris qu’il est des choses qu’il vaut mieux, voire à tout prix, ignorer. Parfois même on pressent qu’il y a sous cette pierre quelque chose de terrible, quelque chose de sombre, blessant parfois létal (allons jusqu’à la tragédie). Une chose qu’il faut se garder de découvrir. Pourtant parfois la curiosité, que certains dirons morbide ou masochiste, l’emporte sur l’instinct de conservation. C’est dire combien ce peut-être un moteur puissant, une véritable passion. Ce moteur vous propulse, cette passion vous emporte.

Je ne peux pas regretter d’avoir hérité de ce trait. Je lui dois beaucoup. C’est effectivement un moteur puissant. La soif de connaissances me facilite la tâche dans bien des cas. Je pense que ma capacité, toute relative, à comprendre des choses rapidement n’est en définitive que la conséquence de cette soif inextinguible, elle ne sert qu’à assouvir cette dernière qui lui préexiste. Toutefois c’est l’objet avec lequel on l’alimente qui détermine la nature de la curiosité. La mienne prend, prenait souvent la physionomie de l’indiscrétion. On touche à la péninsule de ma curiosité : que pensent les gens ? Question qui se reflète aussitôt ainsi : est-ce un symptôme de paranoïa ? Je me garde de répondre.

Le temps s’est conjugué aux remontrances à propos de ma curiosité mal canalisée et j’en suis venu à élaborer des stratégies pour la museler à défaut de pouvoir la juguler. Je pense que cela s’est fait plus ou moins inconsciemment mais avec le recul je finis par le discerner. Parfois je me tais complètement. J’observe, j’écoute (c’est ce que je préfère mais ce n’est possible que s’il y a d’autres personnes pour attirer l’attention afin de me permettre de rester en retrait) et je glane précieusement tout ce que j’entends, vois ou sens mais je ne le provoque pas. D’autres fois au contraire je parle, énormément, à satiété, de tout, de n’importe quoi, j’imagine pour ne pas laisser mon interlocuteur par trop se découvrir et réveiller la bête (terme au combien excessif j’en conviens mais qui m’amuse et qui me semble assez évocateur pour les besoins de l’explication). Le risque à la longue, si ce n’est pas déjà le cas, est de passer pour un égocentrique. Ce sera circonscrit car il y a des gens qui me connaissent suffisamment pour ne pas s’y tromper, mais je crois que c’est potentiel.

Bien sûr il n’y a rien d’autre à voir que la fuite sous ces artifices. La fuite aux mille faces, il serait d’ailleurs plus juste d’écrire aux mille dos. La pire des fuites, la fuite de soi, une fuite qui peut être sans fin. Je ne m’apitoies pas, ni ne désire me faire plaindre. Je m’efforce d’analyser certains mécanismes… par curiosité. La boucle est bouclée, comme souvent le mal comporte son propre remède. Tout est affaire de dosage et de mode d’administration.

On m’a complimenté pour le vocabulaire que j’emploie (du moins l’ai-je pris ainsi, ce qui me permet d’apprécier). Je ne voudrais pas paraître trop prétentieux, du moins pas plus que je ne le suis déjà. J’ouvre très souvent mon dictionnaire. Je m’efforce d’utiliser le plus largement possible le vocabulaire que je connais tant dans un souci de précision et de clarté que pour essayer d’empêcher (à mon degré) les mots de sombrer au fond du dictionnaire d’où ils finissent par ne plus sortir qu’une ultime fois pour ne pas réapparaître dans l’édition suivante. On peut considérer que cela révèle mon incapacité à m’exprimer clairement avec des mots simples.

Je clos cette entrée sous le sceau de la curiosité : aujourd’hui (premier) déjeuner diaristique très agréable.

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