Appartenir
Le mythe occidental de l’indépendance s’oppose aux mythes de l’appartenance, et le conflit entre ces deux aspirations contraires est difficile à surmonter.
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Ce refus légitime de la dépendance mène aujourd’hui à la peur d’aimer par crainte de se dépersonnaliser : “Si par malheur je l’aime, je ferai ce qu’il voudra.” Fuyons donc ceux qu’on aime pour garder toute notre indépendance. Restons libres… et seuls. Voilà ce qu’on entend trop souvent en psychothérapie, de la part de jeunes gens beaux, intelligents, diplômés, et tellement seuls que rien dans leur vie quotidienne ne peut prendre sens ni valeur.
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…, ceux qui craignent d’appartenir sont ceux qui en ont le plus grand désir. Mais honteux de leur propre désir, ils luttent contre lui et affirment trop fort leur indépendance.
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L’indice le plus évocateur de cette désagrégation affective est peut-être bien l’érosion du sentiment de jalousie en cette fin de siècle.
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Les grandes souffrances qui peuvent délabrer à jamais une vie affective ne se rencontrent que chez ceux qui connaissent la passion : “Je suis prête à lui appartenir totalement, comme je veux qu’il m’appartienne.” En cas d’infidélité, la souffrance sera immense. Cette manière d’aimer s’atténue chez les jeunes qui, ne voulant appartenir qu’à eux-mêmes, tolèrent l’instabilité des corps et des couples.
Les nourritures affectives, Boris Cyrulnik, 1993
Mon doudou, mon chéri
Mon amour
Mon amant, mon mari
Mon toujours
Des mots si doux
Mais qui m’effraient parfois
Je ne t’appartiens pas
Des mots si chauds
Mais à la fois si froids
Je n’appartiens qu’à moi.
Appartenir, Jean-Jacques Goldman, 1987