Les lourds secrets
J’avais écrit il y a longtemps qu’il me semblait plus aisé de parler de choses malheureuses qu’heureuses car en racontant on extériorisait, on expulsait d’une certaine manière. Or autant on a envie de se débarasser du malheur autant on ne veut surtout pas que le bonheur s’échappe (je schématise).
Il n’est pas forcément plus facile de trouver les mots justes pour décrire sa souffrance que pour décrire sa joie, mais on éprouve une envie, pour ne pas dire un besoin, beaucoup plus fort d’exprimer la première pour essayer de s’en libérer.
Ainsi on tendrait plutôt à exprimer sa douleur (pour s’en libérer) mais à taire sa joie (pour mieux s’y consacrer). Pourtant les secrets, que l’on tait par essence même, sont parfois terriblement tristes. La gangue du secret peut révèler de grandes douleurs. Les lourds secrets qui étreignent le coeur jusqu’à l’étouffer, qui ceignent chaque pas de celui qui les porte et petit à petit, insidieusement, déforment sa démarche, mutilent sa vie. Ces secrets sont des souffrances que l’on n’a su capturer avec aucun mot ni d’aucune autre manière. Elles se répandent doucement, s’immiscent entre les replis de l’âme, minent le coeur, se diffusent au plus profond du corps. Quelques fois ces entraves invisibles se révèlent aux autres à travers la résistance du corps. D’autres fois pas.