Dérapages

J’ai lu la phrase suivante dans l’introduction de ce livre de Harlan Ellison.

Le dramaturge anglais David Hare a dit : “Parmi toutes les hérésies contemporaines, la plus affolante est l’inaptitude à distinguer entre talent et succès.”

Aujourd’hui le talent c’est avoir du succès. Aujourd’hui il faut plaire, il faut séduire, c’est devenu un but en soi systématique. Ce rapport tend à s’implanter dans tous les domaines si tant est que ça n’était pas déjà le cas mais surtout à supplanter tous les autres. Il ne s’agit pas de croire à ce que l’on fait mais de convaincre les autres, d’emporter leur conviction, et d’obtenir leur suffrage (dans un sens très large, il peut s’agir de vendre des disques, par exemple) en leur proposant ce qu’ils veulent. Le succès en politique est de se faire élire, pas de défendre des opinions, d’où la difficulté à distinguer clairement les différents programmes proposés, extrêmistes de tous poils mis à part (ceci n’est pas une contrepèterie). C’est à celui qui plaira le plus, qui réunira derrière lui la foule la plus importante. Vous me direz que tout ceci n’est pas nouveau. Seulement l’argent (qui tend à devenir de plus en plus virtuel et paradoxalement (peut-être pas tant que ça en fait) de plus en plus présent) dispute à l’esthétique (avec toute la subjectivité et la contingence inhérentes à ce concept, à l’heure actuelle il s’agit de celle des couvertures de magazines et des écrans concoctée dans les services de chirurgie plastique, les studios photo et les bureaux de graphisme) le rôle de valeur fédératrice unique. Or il faut reconnaître que l’on perd beaucoup tant en subtilité qu’en qualité avec une valeur étalon unique. Par ailleurs je me demande combien de temps va être nécessaire et surtout comment va faire une population non éduquée ou éduquée à la consommation de masse (à dessein ?) pour opérer un changement de mode de vie qui soit profitable au plus grand nombre.

De tous temps être beau, riche et bien portant a toujours été préférable. Seulement il me semble, je suis peut-être trop naïf, qu’il fut une époque où le talent de chanteur se reconnaissait plus dans une belle voix que dans une belle gueule.

Cependant comme disait Jacques Brel, qui n’aurait peut-être pas su faire aujourd’hui la carrière qu’on lui connaît, le talent c’est avoir envie de faire quelque chose. Or justement ils ont envie de plaire au plus grand nombre.

Mon arrière-grand-mère quant à elle disait il y a déjà longtemps : Les gens ne s’aiment plus. Ils l’ont sans doute senti et c’est pour ça qu’ils cherchent tant à séduire et à se faire aimer.

Ce qui est pervers c’est qu’à terme on ne reconnaîtra plus aucune valeur à ce qui ne recueille pas l’assentissement général. La séduction de masse est la voie du totalitarisme.

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