Le lundi au soleil
Aujourd’hui, le 27 janvier, l’hiver s’est fêlé. Tout le monde s’est engouffré dans la brèche. Il faisait trop beau pour rester à l’intérieur. Un soleil de printemps semble s’être égaré au milieu du ciel très bleu. Je ne prends même pas mon écharpe. Je vais jusqu’à la Seine en bus. Place Valhubert les chemineaux du Pont d’Austerlitz sont remontés sur la rue pour se réchauffer un peu tandis que les cheminots continuent leur train-train. Je traverse la place en biais. J’aperçois la façade imposante du meseum d’histoire naturelle et je pense au grand mammouth qui setrouve à l’intérieur. Je descends sur le quai Saint Bernard. Il fait doux, c’est agréable. Sur une péniche un homme étend son linge. Il ne porte qu’un tee-shirt avec les manches coupées. Il y a des amoureux qui marchent derrière moi. Je remonte le quai en contournant les petits amphithéâtres. La Seine se balance doucement. En face du square Barye qui se trouve à la pointe en amont de l’île Saint-Louis le quai est plus bas, exactement au niveau de la Seine aujourd’hui. Elle vient doucement lécher les pavés. Je m’assois pour regarder l’eau aller et venir, semble-t-il en un même mouvement, une caresse très fluide qui glisse à mes pieds. Assis ici je suis à l’ombre. Je pourrais rebrousser chemin de quelques pas pour passer sur la portion de quai supérieure mais essayer de traverser la partie inondée est trop tentant. Difficile de dire s’il y a un ou cinq centimètres d’eau, cela doit dépendre des endroits et de la vigueur des caresses. Je me surprends à me retourner pour vérifier que personne ne va me surprendre. Il faut être enfant pour traverser ainsi une grosse flaque. Je fais un premier pas, puis un deuxième. Ca glisse un peu, une fine couche de dépôt recouvre les pavés. Le quai doit être recouvert d’eau depuis un petit moment. J’aperçois une péniche qui arrive. Je ne dois pas traîner pour atteindre l’autre côté. Comme je le pensais la profondeur n’est pas uniforme. J’arrive fièrement de l’autre côté. Mes chaussures ne sont pas trop mouillées. Je me demande si la vieille dame que je croise ne m’a pas vu. Je continue de marcher. Les péniches sagement amarrées se balancent doucement au gré de la Seine. Il y a cette péniche au pont couvert de plantes que je vois souvent. Sur le quai d’en face les superbes immeubles anciens, qui abritent les non moins anciennes grandes familles parisiennes, réchauffent leurs vieilles façades à ce soleil inattendu. J’aperçois même des stores baissés. La mairie de Paris apparaît au bout du bras entre Saint Louis et la Cité. Notre Dame, majestueuse, semble remplir l’espace. Les oiseaux tournent et virent. Les mouettes se sont alignées sur le mur du mémorial de la déportation. Je remonte l’escalier du bureau des Bateaux parisiens. Sur le boulevard Saint Michel il y a beaucoup de monde, comme toujours. Les gens sont prompts à profiter d’un rayon de soleil. Les tenues sont plus légères, il y a des tables en terrasse. Le jardin du Luxembourg est noir de monde. On dit souvent qu’une saison reviendra, l’été reviendra. Je me demande si c’est la même saison qui revient chaque année ou bien une nouvelle à chaque fois ? N’y-a-t’il que quatre saisons qui se succèdent années après années ou bien est-ce que chaque printemps est un nouveau printemps ? Doit-on dire adieu à cet automne qui s’achève ? C’est comme avec les gens il y en a qu’on regrette plus que d’autres, certains qu’on ne regrette pas du tout. Retrouve-t-on l’hiver, ce vieil hiver qui maltraitait déjà nos grands-parents ou bien est-ce un nouvel hiver, aussi vierge que sa neige est blanche qui nous éreinte et nous transit ? Pour l’heure ce lundi de janvier est digne d’un dimanche d’avril. Je traverse le parc de part en part et ressort face à la rue de Fleurus. Je tourne à gauche pour récupérer la rue Vavin et marche jusqu’au boulevard Montparnasse puis jusqu’à Port Royal. Je suis un peu fatigué. Le soleil aussi. Orion commence à transparaître du ciel mauve.