Archive pour la catégorie 'Vocabulaire'

Trip

Dimanche 27 avril 2003

Je n’aime pas le mot trip. Je suis chiant, il y a des mots que je n’aime pas. Seulement en l’occurrence il m’apparaît bien adapté.

J’ai écrit que je n’aimais pas la télé mais j’aime bien le cinéma. Je ne suis pas féru de matériel hi-tech très chers quand ça me semble démesuré mais j’aime bien le confort. Si j’avais du fric, je ne suis pas à plaindre hein mais bon si j’avais vraiment des grosses sommes à dépenser comme ça, sans que ça me mette dans une situation délicate, des dépenses somptuaires, il y a un truc qui me brancherait vraiment : un home-cinema avec un vidéo-projecteur. Rien que de très classique me direz-vous. Oui, sauf que moi je veux un garden-cinema. Je veux une grande rallonge pour pouvoir brancher tout ça dans le jardin et regarder des films dehors les soirs d’été. Il me faudrait donc en plus un grand écran, une rallonge avec une mutiprise et des transats/hamacs/fauteuils de jardin. Je pense que ça c’est un bon trip.

Dans son regard absent et son iris absinthe…

Jeudi 24 avril 2003

Parfois on aimerait anesthésier le monde, le harponner d’une seringue hypodermique, lui coller une bonne dose de sédatif. Seulement le monde est trop fort, trop présent, trop enveloppant. Il faut faire avec ses moyens, alors à défaut de l’anesthésier lui, on s’anesthésie soi. Les moyens sont nombreux, tout est possible, toutes les doses existent.

Anesthésie vient du grec anaisthêsia qui signifie insensibilité. S’anesthésier c’est se rendre insensible. Pourquoi vouloir être insensible ? Sans doute par réaction au fait qu’on est trop sensible à un moment donné et qu’on réalise cet excès de sensibilité à travers une douleur.

Je m’interroge toutefois sur les vertus d’une anesthésie sans chirurgie.

Comme en Utopie

Mardi 22 avril 2003

Au détour d’une nouvelle d’Eric Holder, Alice Donitz, je lis le mot sondéen. Ce mot au milieu d’une page, comme un caillou dans le lit de la rivière, a accroché mon regard. Pourquoi tel caillou parmi tant d’autres ? Pourquoi tel mot ? Comme un certain angle fait ricocher un rayon de soleil et donne un éclat particulier à ce caillou une certaine prédisposition de mon esprit a donné un certain éclat à ce mot et l’a fait se détacher du texte. Eric Holder n’écrit pas des aventures géographiques mais humaines. Il n’est pas besoin d’aller au bout du monde pour trouver l’émotion. Aller jusqu’à son voisin est une aventure. Sondéen est un peu surprenant dans ce contexte.

Sondéen… je ne crois pas l’avoir déjà croisé ce mot. Pourtant il fait écho en moi. Je pense immédiatement aux îles de la Sonde. Pas les vraies, pas celles que je ne saurais précisément inscrire sur une carte. Non. Celles de la chanson* de Gérard Manset. Celles rêvées. Celles qui sont de ces lieux qu’on ne reconnaîtrait pas si on y allait. Ces lieux imaginés, fantasmés à partir d’une photo, de quelques mots, d’un parfum. Ces lieux dont on ne partage que le nom comme une rengaine mystique tant chacun s’en est forgé sa propre représentation. Ces lieux dont doit regorger le dictionnaire des lieux imaginaires que je vois souvent sur les présentoirs et que je n’ai jamais pris par peur de m’y perdre mais dont je sais aussi depuis la première fois que je finirai pas l’avoir un jour ou l’autre. Il doit falloir le lire à deux, un peu comme Robinson et Vendredi, pour partager plus qu’un nom, pour les imaginer ensemble ces lieux.

* Les îles de la Sonde

T’as pas vu les îles de la Sonde
Les poissons volants qui retombent
Sur le fond de la barque ronde
T’as pas vu les îles de la Sonde

T’as pas vu les îles de la Sonde
Les femmes aux sourires de Joconde
Comme au premier matin du monde
T’as pas vu les îles de la Sonde

Mais tu peux partir quand même
Y’a les poissons qui t’emmènent
Poissons d’argent
Poissons volants
Poissons de feu
Poissons de glace
Poissons aux ongles qui cassent

T’as pas vu les îles de la Sonde
Elles t’attendent à l’autre bout du monde
Moitié dans l’eau, moitié dans l’ombre
Moitié dans l’eau, moitié dans l’ombre

Mais tu peux partir quand même
Y’a les poissons qui t’emmènent
Poissons d’argent
Poissons volants
Poissons qui plongent
Poissons qui nagent
Poissons venus du fond des âges

Poissons aux longues chevelures
Dauphins bleus sur fond d’azur

Quand les dates ne coïncident pas

Lundi 21 avril 2003

A la réflexion il me semble que les frictions que nous pouvons parfois rencontrer avec le charmant personnel de la Régie Autonome des Transports Parisiens, plus familièrement appelée RATP, vient de ce que nous n’avons pas le même calendrier. En effet comme les Hébreux ou les Musulmans la RATP possède son propre calendrier. Comme notre calendrier Grégorien le calendrier de la RATP comporte des jours fériés que l’on nomme jours de grève car ce sont des jours où l’on ne travaille pas (comme les jours fériés) et où l’on va donc à la plage (d’où le fameux slogan Sous les pavés la plage).

Si l’on fait abstraction du fait que les dates ne concordent que rarement le calendrier de la RATP est très proche du calendrier Grégorien dans sa structure. Il comporte des fêtes fixes qui reviennent à date fixe tous les ans (grève du passage à l’heure d’hiver/d’été par exemple) et des fêtes flottantes (grèves de solidarité avec la SNCF notamment) dont on sait qu’elles tombent tous les ans mais sans qu’on puisse déterminer exactement la date à l’avance (fruit d’un calcul compliqué prenant en compte des éléments qui nous échappent).

RATP, sigle à géométrie variable, signifie alors selon que l’on est employé ou usager (l’usager se distingue du client en ce qu’il supporte une augmentation des tarifs d’à peu près deux fois l’inflation tous les ans au mois d’août, période où tout le monde est à la plage, sauf les comptables de la RATP) Reste Assis T’es Payé ou Rentre Avec Tes Pieds.

Finalement ce n’est pas si difficile de se comprendre avec les petits hommes verts.

Quelques mots sur les mots

Mardi 8 avril 2003

J’écris et c’est déjà fini. L’écriture est comme la photographie : on ne peut pas plus saisir le présent que l’eau qui coule. Vous pouvez tendre votre récipient pour recueillir l’eau mais vous n’y retrouverez pas le mouvement. Il s’est volatilisé à l’instant où l’eau a touché le fond du récipient.

J’écris mais c’est déjà fini. Je décris mais ça a déjà changé. L’écriture n’est qu’un palliatif, une béquille, un pis-aller, un expédient. Pourquoi écris-je ? A qui écris-je ? J’écris parce que je ne peux pas dire. Ecrire pour être éternel ? Ecrire pour survivre à sa propre mort ? Graver mes mots comme autant de morceaux de moi dans la pierre car la pierre durera plus longtemps que moi, c’est une certitude : on l’utilise pour faire les tombes. Non. Si l’on veut se survivre il ne faut pas écrire il faut faire des enfants. Il faut parler aux autres. Il faut marquer les autres. Il faut placer de soi en eux pour se transcender. On ne peut vivre et se survivre qu’à travers les autres. Je sais à qui je parle, j’ignore qui me lit. Il n’est pas toujours aisé de déterminer ce que mes paroles vont déclencher chez l’autre qui me fait face alors ce que mes mots peuvent déclencher chez celui que je ne connais pas, dont je ne verrai jamais le visage…

Je veux dire pour que les mots restent en toi, pas sur une feuille mais en toi. Que faire d’eux sur une feuille ? Pourquoi faire ? Les dire, les faire siens et être à travers eux. On peut être lu par des milliers, au fond on n’écrit jamais que pour une ou deux ou quelques personnes. Le reste ce sont des coïncidences, des hasards, des accidents, des méprises, des erreurs, des coups de chance. Nous sommes désespérement attachés à la Terre, notre corps et nos sens nous amarrent au monde matériel et aux autres. On écrit parce qu’on ne peut pas dire et par extension pas montrer. Les écrits sont des instructions qui s’ignorent plus ou moins. Voici mon expérience, si vous pouvez en faire quelque chose… Les épitaphes, les frontispices, les adages, les proverbes, les devises n’acquièrent leur portée qu’à travers l’action pour laquelle ils font office de tuteur. Il faut incarner les textes, les faire vivre. Gloire aux arts vivants. On ne communie pas dans l’écriture mais dans la parole et dans les actes. Un texte n’est jamais si fédérateur qu’il est lu à voix haute. Il faut redonner mouvement à l’eau qui sommeille dans son récipient. Il faut asperger la foule. Ce n’est que l’eau ! Toutefois ne renversons pas tout (si vous me permettez l’expression) : celui qui jette de l’acide sur la foule est un criminel. Dans les faits on lance de l’acide sur quelques personnes ou, mieux, une seule, et la foule regarde le visage blessé grimacer.

Que je parle ou que j’écrive je dois détacher des fragments de moi. Pourtant c’est différent : je ne le ressens pas du tout de la même manière. En écrivant je me disperse aux quatres vents. Mes mots sont autant d’akènes au destin hasardeux que je perds sans savoir s’ils enrichiront un autre. Quand je parle mes paroles ne s’échappent pas ainsi. Elles m’échappent, elles glissent, tournent, errent dans les méandres intérieurs de l’autre, si tant est qu’il me fasse la grâce de m’écouter, mais elles ne se dispersent pas. Pour moi la charge émotionnelle est infiniment plus intense lorsque celui qui reçoit mes mots est en face de moi. Ils sont à peine détachés de moi, nous sommes dans le mouvement, simultanément. Lorsque j’écris mes mots se détachent de moi dans un premier mouvement auquel fera écho, plus tard, le son mat et la plupart du temps inaudible pour moi de la réception par un hypothètique lecteur. En revanche quand je parle mes mots et ce qu’ils symbolisent, car c’est évidemment là ce qui compte, se détachent et sont reçus d’un même mouvement. Ils ne stagnent pas dans un récipient cerné d’un mouvement fantôme attendant qu’on les libère. Nous sommes pris dans un même mouvement.

Il n’est aucun flash assez puissant pour prendre des photos de son intérieur alors on écrit. Je ne peux pas décrire ce qui passe en moi autrement qu’avec des mots. Vous ne verrez donc jamais que des photos floues, mal cadrées, sur ou sous-exposées. Pour faire de beaux tirages il me faudrait pouvoir décrire mes sentiments avec vos mots. C’est impossible. L’écriture comme la photographie n’a de force qu’en ce qu’elle constitue un catalyseur pour l’observateur chez qui elle stimule des sensations qu’ils possèdent déjà et qui ne possèdent aucun lien prédéterminé avec le texte. A mes quelques mots répond un écho que j’ignore et que je ne saurais deviner, espérer tout au plus. Un écho qui résonne en vous composé de fragments que vous avez faits vôtres en les glanant ici et là.

L’écriture comme des photos d’un pays lointain où l’on n’ira jamais. On en nourrira son imagination, on en rêvera les couleurs, les odeurs et les sons, les regards, les goûts et les envies, on se l’appropriera jusqu’à ne plus pouvoir le reconnaître physiquement en y posant le pied. Il faut le connaître dans sa chair pour pouvoir le reconnaître et le retrouver.

Enfin bon, ce ne sont que des mots tout ça…

Le vocabulaire recèle de drôle de mots (si ça se trouve il ne recèle pas que ça)

Lundi 10 février 2003

Voler c’est s’arracher au sol. Voler c’est arracher son bien à quelqu’un (bon si vous voulez vous la jouez technique c’est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui mais là ça ne m’arrange pas). Lorsque je m’envole je m’arrache à la Terre. Dois-je en déduire que j’appartiens à la Terre ? Puis-je être à la fois voleur et volé ? Comment vivrais-je la situation à la place de la Terre si mes biens se volaient eux-mêmes, s’envolaient. Imaginez que toutes vos affaires s’envolent, qu’elle soient soudain douées d’une forme de libre-arbitre et qu’elles décident de vous quitter. Vos bouquins, vos disques, vos fringues, vos ustensiles de cuisine comme de jardin, votre gel douche, votre maquillage, votre couette (oui je sais c’est dur), votre lit, votre réveil (bon, là ce ne serait pas vraiment une perte, il en va des objets comme des personnes : il y en a qu’on préfère), votre tapis, votre ordinateur, votre télévision (je n’aimerais pas habiter sous vos fenêtres), vos lampes, vos bougies, vos allumettes (ça fait des années que je suis obligé d’ouvrir le dictionnaire à chaque fois que j’écris allumette, alors que c’est facile : il y a 2 l et 2 t pour que ça brûle plus longtemps), vos clopes (ça c’est bien, de toutes manières elles auraient fini par s’envoler en fumée), vos bouteilles, vos papiers, vos affiches, vos meubles, vos clés (qui prennent la clé des champs, je trouve ça drôle) et même votre nounours (bon et puis d’autres trucs que j’oublie mais vous voyez). Et si toutes les choses de tout le monde décident de s’envoler où iront-elles ? J’ai lu une annonce dans laquelle on recherchait une secrétaire volante. Je me demande bien ce qu’ils attendent d’elle. En tous cas ils ne pourront pas se plaindre si elle leur fait faux bond. Les décollages ne sont pas toujours parfaits.

Vocabulaire

Lundi 20 janvier 2003

Meilleur et différent sont deux termes antinomiques. Si a et b sont différents aucun des deux ne peut être supérieur à l’autre. Si a et b sont identiques (admettons que l’identité stricte soit possible) aucun des deux ne peut être supérieur à l’autre non plus. Dans l’absolu la notion de supériorité n’existe pas… mais tout est relatif. :o/

Tout faux tout flemme

Vendredi 17 janvier 2003

Je crois que j’ai besoin d’un miroir, de miroirs. J’entends miroir dans un sens allégorique. En vérité ce n’est pas vraiment du miroir dont j’ai besoin mais du courage de me regarder dans un miroir, de me regarder en face. Il me faut prêter l’oreille aux voix extérieures, un peu plus, et un peu moins à la voix intérieure. En même temps j’ai longtemps accordé beaucoup de crédit aux regards extérieurs, sans nécessairement le reconnaître, et je ne suis pas sûr que cela ait été bénéfique. Dans quelle mesure doit-on jouer son personnage ?

Je me demande si je ne serais pas un peu fétichiste. Je regarde tous ces objets qui traînent un peu partout ici. Je connais l’histoire d’un certain nombre d’entre eux. Combien y en a-t-il qui ne me servent à rien, qui ne sont pas non plus décoratifs et que je garde pourtant (en pestant parce qu’ils prennent de la place). D’une certaine manière j’ai l’impression de porter atteinte aux personnes qui sont liées à ces objets, du moins pour moi, en me débarrassant d’eux… Si je vous dis, en plus, que j’ai un faible pour les filles bottées vous allez vous faire une idée caricaturale.

Il faut avoir le sens des priorités, savoir gérer les priorités. Un poncif parmi d’autres des annonces d’emploi. A lire ce genre bien spécifique de littérature moderne je me rends compte que les annonces se ressemblent finalement beaucoup. Comment s’étonner que les lettres de motivation qui y répondent se ressemblent toutes elles-aussi ? Qu’écrire ? Qu’on veut gagner de l’argent ? Trop évident. Qu’on est très motivé ? Oui mais alors on écrit plus rien d’autre car on a alors résumé la lettre à sa plus simple expression. Ce qu’on attend de cet emploi ? Je crois qu’on touche du doigt un élément important. Je me demande dans quelle mesure cela est pris en compte. De plus il est parfois (souvent ?) difficile de s’exprimer clairement à ce sujet compte tenu du flou de l’annonce (peut-être qu’avec une certaine expérience on s’en sort mieux). Ce qu’on peut apporter à son futur employeur ? Je suis assez mal à l’aise avec ces éléments ; comment rester humble tout en mettant en avant ce que l’on croit être ses qualités ? Mon interlocuteur ne partagera peut-être pas mon point de vue tant à propos de leur caractère de qualité que de la réalité même des traits mis en exergue. De plus les qualificatifs de qualités et de défauts ne sont souvent que la marque d’un contexte particulier. Bon je vais lire mon manuel de comment trouver du travail pour voir ce que l’auteur en dit.

Ce matin sur France-inter il y avait Albert Jacquard (juste après Emma de Caunes et Sinclair ; France-inter est une radio ecclectique). Même à la radio il dégage quelque chose de très positif cet homme qui ne s’accorde pas la qualité d’homme de foi et préfère dire qu’il a simplement une envie en lui constamment inassouvie. Il espère aussi qu’on appelle un jour à faire décroître la consommation des êtres humains car la croissance exponentielle est nécessairement néfaste. C’est une chose que je ne comprends pas non plus cette soif inaltérable de croissance. Tous ces hommes les yeux rivés sur les indicateurs de croissance. Cela me fait penser à une logique de guerre. Il faut grandir et grandir encore, s’élever, s’étendre, le plus possible et plus encore. C’est le contraire de la recherche d’un équilibre. Quel malédiction que celle de l’équilibre quel qu’il soit auquel s’oppose toujours 2 contraires, 2 extrêmes sournois qui se ressemblent bien plus que d’aucuns le croient, jumeaux maléfiques, et qui le tenaillent inlassablement. Le plus difficile et le plus sage n’est pas de se lancer tête baissée dans une course effrénée (dont le perdant a une petite chance de s’en sortir s’il n’imite pas le gagnant et s’arrête avant le mur… s’il en a le temps) mais de trouver un équilibre et surtout, surtout de le maintenir.

L’équilibre n’est pas un état dans lequel on puisse s’installer, mais une réussite, toujours précaire, toujours menacée. Rivero

Le plat de résistance

Mercredi 15 janvier 2003

C’est plutôt drôle comme nom. Plat principal c’est assez logique, c’est la partie la plus importante du repas, la plus riche, soit. Mais plat de résistance ? Résistance à quoi ? A qui ? Je penche pour à qui. Je suppose que c’est le plat qui résiste le plus longtemps, parce qu’il est le plus important, parce qu’il est le plat principal. Il est vrai que parfois il résiste même plusieurs jours. On parle de restes. C’est un peu une résistance recroquevillée. Cependant il y a des plateaux de fromages et des desserts qui se révèlent très coriaces eux aussi…

La chance n’existe pas, ce qui n’empêche pas de ne pas en avoir

Dimanche 22 décembre 2002

Vendredi soir nous sommes plusieurs invités à dîner chez Sèverine qui vient de passer dix jours à Saint Domingue et qui nous montre ses photos de vacances :

- C’est super beau Saint Domingue !
- Ah oui ! Ca donne envie d’y aller.
- Oui, enfin bon, c’est une dictature quand même.
- Enfin, en même temps, elle y allait pour les vacances, pas pour voter…

André Gide écrit dans la préface de Vol de nuit d’Antoine de Saint Exupéry :

Le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté mais dans l’acceptation de son devoir.

Je pense à une expression qui m’est récurrente : l’ordre des choses. Je pense aussi Le chêne et le roseau. Je pense à Plus fort que nous.

Il faut plier, se fondre dans le mouvement, adopter la courbure du temps jusqu’à la faire sienne. L’ordre des choses et son rythme doit devenir le nôtre. Dès lors on appartient à l’environnement dans lequel on se trouve, on est, on participe d’un ensemble plus vaste qui nous dépasse à tous points de vue et dans lequel on ne trouve sa place qu’en acceptant le fait qu’il n’y a pas de place à proprement parler, au sens strict où nous pouvons l’entendre. Cette place c’est l’appartenance à l’ensemble. Les choses vont alors d’elles-mêmes. Les très (très) faibles notions que je possède sur les philosophies et les mentalités extrême-orientales m’inclinent à en reconnaître la marque dans ce genre de raisonnement. D’aucuns s’élèveront vigoureusement en hurlant à la perte de leur liberté, à l’aliénation de l’individu au groupe, à l’abolition des singularités aussi précieuses que multiples… Je crois que ce n’est pas si simple. L’un n’emporte pas nécessairement l’autre, l’imbroglio est plus étroit que cela.

C’est pourtant contre cela que l’homme, au moins occidental (c’est réducteur mais bon), ne cesse de lutter. Il refuse de plier, il résiste et même il veut en imposer aux autres hommes, aux animaux, au climat, à la nature, à la Terre, à l’univers, à la vie, à lui-même, vaniteux, convaincu qu’il est de son importance, de sa supériorité, de sa puissance, de son rôle, car il ne peut pas être là fortuitement, lui le fils de Dieu. Il y a un sens, des causes qui mènent à des conséquences. Même s’il a accepté que l’univers ne tourne pas autour de la Terre il n’en considère pas moins que sa présence s’inscrit dans un vaste schéma dont il est nécessairement une clé de voûte.

Pourtant plier c’est ne pas céder et donc résister.

Pour mener sa psychanalyse à terme il faut symboliquement tuer ses parents. Freud a écrit : Dieu n’est qu’un père plus puissant ; Malraux : Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas. A-t’on tué Dieu ? En sommes-nous plus heureux ? Y revenons/reviendrons-nous (si tant est que ce soit possible) ?

Ce qui me fait penser : Dieu existe dès lors qu’on croit en lui, par conséquent j’existe si quelqu’un croit en moi. CQFD ?

Il faut admettre qu’on ne peut fusionner avec personne. Nous avons tous des creux, des bosses, des arêtes et des angles qui font que nous pouvons parfois nous imbriquer plus ou moins bien entre nous mais il restera toujours des côtés chez chacun qui ne seront pas en contact. Il faut accepter que nous ne sommes compatibles avec tel ou tel que par une face. Suffit-elle à nous faire oublier les autres ?

J’ai appris deux nouveaux mots, par accident comme souvent, ce qui est d’autant plus vrai pour le second qui se trouve sur la page voisine de celle du premier dans mon dictionnaire (Le petit Larousse compact 1995, cadeau de mon père, comme ça vous savez tout) :

grigner qui siginifie froncer, faire un faux pli en parlant d’une couture et greubons, terme suisse (à vérifier ;o) ), qui désigne les morceaux de gras restant après la cuisson d’une viande, que l’on fait frire et dont on garnit un pain ou un gâteau salé.

Enfin je me demande :

De grands enfants peuvent-ils éduquer des petits enfants ?