Vendredi soir nous sommes plusieurs invités à dîner chez Sèverine qui vient de passer dix jours à Saint Domingue et qui nous montre ses photos de vacances :
- C’est super beau Saint Domingue !
- Ah oui ! Ca donne envie d’y aller.
- Oui, enfin bon, c’est une dictature quand même.
- Enfin, en même temps, elle y allait pour les vacances, pas pour voter…
André Gide écrit dans la préface de Vol de nuit d’Antoine de Saint Exupéry :
Le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté mais dans l’acceptation de son devoir.
Je pense à une expression qui m’est récurrente : l’ordre des choses. Je pense aussi Le chêne et le roseau. Je pense à Plus fort que nous.
Il faut plier, se fondre dans le mouvement, adopter la courbure du temps jusqu’à la faire sienne. L’ordre des choses et son rythme doit devenir le nôtre. Dès lors on appartient à l’environnement dans lequel on se trouve, on est, on participe d’un ensemble plus vaste qui nous dépasse à tous points de vue et dans lequel on ne trouve sa place qu’en acceptant le fait qu’il n’y a pas de place à proprement parler, au sens strict où nous pouvons l’entendre. Cette place c’est l’appartenance à l’ensemble. Les choses vont alors d’elles-mêmes. Les très (très) faibles notions que je possède sur les philosophies et les mentalités extrême-orientales m’inclinent à en reconnaître la marque dans ce genre de raisonnement. D’aucuns s’élèveront vigoureusement en hurlant à la perte de leur liberté, à l’aliénation de l’individu au groupe, à l’abolition des singularités aussi précieuses que multiples… Je crois que ce n’est pas si simple. L’un n’emporte pas nécessairement l’autre, l’imbroglio est plus étroit que cela.
C’est pourtant contre cela que l’homme, au moins occidental (c’est réducteur mais bon), ne cesse de lutter. Il refuse de plier, il résiste et même il veut en imposer aux autres hommes, aux animaux, au climat, à la nature, à la Terre, à l’univers, à la vie, à lui-même, vaniteux, convaincu qu’il est de son importance, de sa supériorité, de sa puissance, de son rôle, car il ne peut pas être là fortuitement, lui le fils de Dieu. Il y a un sens, des causes qui mènent à des conséquences. Même s’il a accepté que l’univers ne tourne pas autour de la Terre il n’en considère pas moins que sa présence s’inscrit dans un vaste schéma dont il est nécessairement une clé de voûte.
Pourtant plier c’est ne pas céder et donc résister.
Pour mener sa psychanalyse à terme il faut symboliquement tuer ses parents. Freud a écrit : Dieu n’est qu’un père plus puissant ; Malraux : Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas. A-t’on tué Dieu ? En sommes-nous plus heureux ? Y revenons/reviendrons-nous (si tant est que ce soit possible) ?
Ce qui me fait penser : Dieu existe dès lors qu’on croit en lui, par conséquent j’existe si quelqu’un croit en moi. CQFD ?
Il faut admettre qu’on ne peut fusionner avec personne. Nous avons tous des creux, des bosses, des arêtes et des angles qui font que nous pouvons parfois nous imbriquer plus ou moins bien entre nous mais il restera toujours des côtés chez chacun qui ne seront pas en contact. Il faut accepter que nous ne sommes compatibles avec tel ou tel que par une face. Suffit-elle à nous faire oublier les autres ?
J’ai appris deux nouveaux mots, par accident comme souvent, ce qui est d’autant plus vrai pour le second qui se trouve sur la page voisine de celle du premier dans mon dictionnaire (Le petit Larousse compact 1995, cadeau de mon père, comme ça vous savez tout) :
grigner qui siginifie froncer, faire un faux pli en parlant d’une couture et greubons, terme suisse (à vérifier ;o) ), qui désigne les morceaux de gras restant après la cuisson d’une viande, que l’on fait frire et dont on garnit un pain ou un gâteau salé.
Enfin je me demande :
De grands enfants peuvent-ils éduquer des petits enfants ?